La fusion ONE-ONEP s'inscrit dans cette logique et découle d'une étude menée par l'Intérieur en 2004. Des sociétés régionales multiservice de distribution seront publiques avec la participation des collectivités locales. La Fédération de l'eau potable s'inquiète de la situation du personnel de l'Onep. Le regroupement de l'Office national de l'électricité (ONE) et l'Office national de l'eau potable (ONEP) au sein d'un même établissement public dénommé Office national de l'électricité et de l'eau (ONEE) constitue une première étape dans le processus de réforme des secteurs de l'eau et de l'électricité. La phase suivante sera, elle, consacrée à la réorganisation des activités de production, de transport, de distribution et de commercialisation de l'électricité et de l'eau. C'est du moins ce qui est clairement écrit dans la note de présentation du projet de loi (n° 40 09) relative à l'ONEE ainsi que dans le préambule du même texte. L'objectif des concepteurs de cette réforme étant «de générer des gains d'efficience qu'il ne serait pas possible d'obtenir avec une organisation séparée». En réalité, les gains d'efficience dont il s'agit et que ne précise pas la note de présentation du projet de loi, concernent surtout la création de sociétés multiservice de distribution, au niveau régional, sur le modèle de ce qui existe aujourd'hui à Casablanca, Rabat et Tanger/Tétouan ; la différence étant que les nouvelles sociétés de distribution à créer seront publiques, confie une source bien informée. L'idée qui est derrière ce projet, selon notre source, est la suivante : pour développer le multiservice dans d'autres régions du Maroc, «avec le même succès qu'à Casablanca par exemple», il faudrait des opérateurs forts. Et ces opérateurs ne peuvent être que publics, car le privé ne serait pas intéressé par des régions où le revenu par habitant est relativement faible, à moins de lui donner carte blanche sur la politique des tarifs, ce qui est évidemment impossible. Exemple parlant, dans des régions décentrées comme l'Oriental ou le Sud, par exemple, il n'y a que le secteur public qui peut prendre en charge, moyennant la mutualisation des moyens existants, une gestion multiservice. En résumé, le projet de loi sur le regroupement de l'ONE et de l'ONEP vise à faciliter la mise en place de sociétés multiservice au niveau régional, où les collectivités locales prendraient leurs parts, comme cela est d'ailleurs permis par la charte communale qui parle de sociétés de développement local. Rappelons, à cet égard, qu'en 2004, le cabinet Mc Kinsey avait remis au ministère de l'intérieur, qui en était le commanditaire, les résultats d'une étude sur les services de distribution d'eau, d'électricité et d'assainissement. L'idée qui sous-tendait le projet était de mutualiser les ressources des organes étatiques dans les régions décentrées dans un souci d'efficacité. Selon les termes du rapport, l'ONE devait effectuer un rapprochement avec l'ONEP et les collectivités locales en vue d'offrir un service unifié de base. Nous y sommes donc. Mais à l'époque, si l'ONEP semblait (ou était) favorable au projet de l'Intérieur, l'ONE, lui, ne cachait pas son scepticisme ne serait-ce qu'en raison de l'absence d'expériences internationales en la matière. Surtout, on ne connaît pas d'exemples où la production, qui opère en l'occurrence sur des métiers différents (eau et électricité) a été fusionnée ou même simplement regroupée. Mais selon nos sources, s'il paraît en effet difficile d'envisager des économies d'échelle au niveau de la production, différente d'un office à l'autre, «c'est quand même le prix à payer pour pouvoir créer des sociétés publiques multiservice dans les régions où personne ne voudrait aller. Ce serait plus pratique, plus efficace même avec un seul office, et autrement plus compliqué avec deux entités distinctes comme c'est encore le cas». La Fédération nationale de l'eau potable veut être associée à toute décision touchant à l'avenir de l'ONEP Reste l'aspect social. La Fédération nationale de l'eau potable (FNEP), affiliée à l'Union marocaine du travail (UMT), le seul syndicat représentatif au sein de l'ONEP avec 66 % des sièges obtenus lors des dernières élections professionnelles du mois de juin 2009, entend dire son mot «sur tout ce qui touche à l'avenir de l'ONEP». D'ailleurs, la commission administrative du syndicat a d'ores et déjà programmé une réunion pour le 25 septembre qui sera consacrée à ce sujet, confie Abdellah Lefnatsa, membre du bureau fédéral du syndicat. En attendant ce rendez-vous, les responsables du syndicat, après avoir lu le projet de loi créant l'ONEE, ne cachent pas leurs inquiétudes face à ce qu'ils qualifient de marginalisation du personnel. «Nous n'avons reçu aucun document sur ce rapprochement, nous n'avons été informés de rien, c'est comme tout le monde et en même temps que tout le monde que nous avons appris cette réforme. La moindre des choses était de nous aviser sinon même de nous consulter sur ce projet», regrette M. Lefnatsa qui évoque au passage les stipulations claires du code du travail qui ne sont pourtant jamais appliquées. «S'il n'y avait rien à cacher, pourquoi nous avoir tenu à l'écart d'un projet qui engage notre avenir et celui de l'ONEP», s'interroge le membre du bureau fédéral. Selon Abdellah Lefnatsa, «la volonté de marginaliser» le personnel de l'instance future apparaît déjà dans le projet de loi. L'article 4, par exemple, stipule que le conseil d'administration se compose des représentants de l'Etat, «sans aucune indication sur la représentation des autres partenaires (syndicats, consommateurs, élus… comme c'est le cas aujourd'hui à l'ONEP». Par ailleurs, le syndicat le plus représentatif à l'ONEP ne cache pas ses inquiétudes quant à la situation du personnel au sein de la nouvelle structure. Sur ce point, pourtant, l'article 13 du projet de loi parle d'un statut du personnel à élaborer pour les salariés de l'ONEE qui ne saurait être moins favorable à ceux en vigueur aujourd'hui à l'ONE et à l'ONEP, «notamment en ce qui concerne les salaires, les indemnités et primes relatives à la situation statutaire, les régimes de pensions, la couverture médicale et le régime des prévoyances sociales qui leur sont assurés par leur organisme d'origine». Cette disposition ne rassure pas pour autant le syndicat UMT de l'eau potable qui met en avant les différences caractérisant aujourd'hui les statuts particuliers des deux offices. Sans doute, est-ce pour cette raison que notre syndicaliste réclame la réalisation d'un audit aussi bien de l'ONE que de l'ONEP «pour voir qui a fait quoi et qui apporte quoi». En toute logique, ce projet de loi ne devrait pas manquer de soulever des débats forts intéressants au moment de son atterrissage au Parlement.