L'arrêté publié au BO du 20 août dernier concerne aussi bien les métaux ferreux que non ferreux. Les industriels réclament plus d'éclaircissements. Les exportateurs estiment la mesure inappropriée. Dans le secteur de la ferraille, les exportateurs faisaient jusque-là la loi. Avant le 20 août dernier, aucune condition, aucune restriction ne pouvait les empêcher d'exporter près de 2 milliards de DH de déchets ferreux et non ferreux par année. Une situation qui a non seulement favorisé les vols de cuivre et la prolifération de l'informel dans ce secteur, mais aussi et surtout priver l'industrie nationale de métallurgie de matières premières de plus en plus rares. C'est pour remédier à cela que le gouvernement a fini, sous l'impulsion de la Fédération des industries métallurgiques (FIMME), par réagir en publiant au Bulletin officiel un arrêté interdisant l'import-export de la ferraille sans autorisation. En effet, depuis le 20 août dernier, date de publication de l'arrêté du ministère du commerce extérieur au BO, le commerce de plusieurs déchets ferreux et non ferreux est soumis à l'obtention d'une licence (voir encadré). Selon les derniers chiffres de la FIMME, le Maroc produit annuellement 350 000 tonnes de déchets de fer, 10 000 tonnes de déchets de cuivre, 20 000 tonnes de déchets d'aluminium, 8 000 tonnes pour le laiton ou encore 9 000 tonnes de déchets de zinc. «Cette production est destinée en quasi-totalité à l'exportation. Ce qui pose un problème d'approvisionnement pour les entreprises locales qui sont obligées d'importer ces déchets et de les payer plus cher», regrette-t-on auprès de la FIMME. La restriction du ministère du commerce extérieur vient donc confirmer une note émanant de l'administration des douanes et des impôts indirects en avril 2008. Cette note obligeait les opérateurs exportant ces types de marchandises de produire les documents justifiant de l'origine de leurs cargaisons pour pouvoir obtenir la mainlevée de la douane. Autrement dit, à chaque fois qu'un exportateur voudra faire une expédition de ferraille ou de métal recyclé, il devrait impérativement appuyer sa déclaration par des documents attestant que la marchandise en question est soit issue du processus de fabrication de l'unité exportatrice elle-même soit acquise auprès d'une unité industrielle établie au Maroc et spécialisée dans le travail du métal. L'absence des conditions d'obtention de la licence rendrait l'arrêté inapplicable «Lorsque la note a été signée, nous avons remarqué une chute drastique des exportations des déchets ferreux et non ferreux. Pour le cuivre, à titre d'exemple, celles-ci sont passées de 800 tonnes par mois, entre janvier et avril 2008 à 150 000 tonnes mensuels, deux mois après», se rappelle Adnan Lemdouar, responsable à la FIMME. Mais la note n'aura eu qu'un effet provisoire, puisque les exportations retrouveront leur niveau habituel dès septembre 2008. «La note des douanes était une belle initiative, mais elle n'a pas eu un impact durable parce qu'elle n'a pas été assortie de conditions précises et d'une application efficace. Les exportateurs ont eu besoin de moins d'un mois pour trouver la solution en fournissant des fausses factures aux douanes», explique M. Lemdouar. Le dernier arrêté du ministère du commerce extérieur réglera-t-il le problème ? Rien n'est moins sûr, selon la FIMME. «L'arrêté ne détermine ni les conditions d'obtention de la licence d'exportation ou d'importation ni la procédure à suivre pour l'obtention d'une telle licence. De ce fait, l'arrêté devient tout simplement inapplicable», renchérit M.Lemdouar Du côté des exportateurs, cette décision est jugée très inquiétante. «Si le gouvernement veut soumettre le commerce de la ferraille à une licence, il faudra qu'il nous explique la procédure à suivre et les conditions nécessaires afin d'obtenir la licence», lance un opérateur. Selon lui, la nouvelle réglementation devra prendre en considération les spécificités de ce marché dominé par l'informel. «Près de 80% des marchandises exportées proviennent de la collecte auprès des ferrailleurs traditionnels», explique l'exportateur. Mais, poursuit la même source, ces ferrailleurs, même si certains d'entre eux sont dûment patentés et enregistrés, ne délivrent pas de factures et ne souhaitent pas le faire. «Du coup, il nous est difficile, une fois en douane, de justifier l'origine de notre marchandise», conclut-il. Entre métallurgistes et exportateurs de ferraille, c'est donc la guerre. Les premiers militent pour une commercialisation en interne des déchets ferreux et non ferreux produits au Maroc alors que les seconds préfèrent l'export qui n'obéissait jusqu'au 20 août à aucune condition. «La tonne de ferraille coûte 3 000 DH aussi bien à l'étranger qu'au Maroc. Mais les exportateurs choisissent la première solution parce qu'ils n'étaient pas obligés de fournir des justificatifs, alors que les métallurgistes nationaux exigent une facture. Maintenant que l'exportation est soumise à des conditions, le marché national ne peut qu'en profiter», souligne un responsable au ministère du commerce extérieur. Encore faut-il que les conditions d'obtention de la licence d'exportation et d'importation soient bien déterminées. Ce qui est loin d'être le cas pour le moment !