Trois ans après s'être abattue sur les déchets métalliques ferreux, l'interdiction à l'exportation s'apprête à toucher également les déchets non ferreux. Les raisons sont multiples. par L.M. Le ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie Numérique planche depuis peu sur un projet de loi visant à obstruer totalement le débouché des ventes à l'étranger pour les déchets métalliques à base de cuivre, aluminium, plomb, étain et autres métaux non ferreux. Après l'arrêté du ministre du Commerce Extérieur du 29 juin 2009, qui avait déjà soumis les exportations des déchets métalliques recyclables (de quelque nature qu'ils soient) à une licence préalable, le nouveau projet législatif incarne donc une étape ultime de durcissement du cadre réglementaire. Pourquoi donc une telle décision radicale ? Fait-elle du Maroc un pays en porte-à-faux avec le paradigme dominant de libre échange dans une économie globalisée ? Et quels en sont les enjeux économiques et sociaux? A l'instar des déchets ferreux, la nouvelle mesure vise à canaliser vers l'industrie métallurgique domestique les 25.000 tonnes de déchets non ferreux exportés annuellement en aval des circuits de collecte (en grande partie informels). L'autre objectif, est de couper l‘herbe sous les pieds des circuits mafieux de vols de métaux (dont les premières victimes sont les opérateurs télécoms, l'ONEE et l'ONCF qui utilisent du câble de cuivre respectivement pour le réseau de téléphonie fixe, les lignes de transmission électrique et les caténaires de trains) qui arrivaient à passer entre les mailles du filet de l'export (via des exportateurs peu regardants quant à l'origine de ces déchets et au délit de recel sous-jacent- difficile à prouver par ailleurs), alors que les industriels locaux exigent factures et traçabilité de la matière première. Il faut dire que le Maroc est loin d'être à contre-courant en matière de restrictions, voire d'interdictions à l'export des déchets métalliques. Rien que près de chez nous, l'Algérie a décrété dès 2010 l'interdiction à l'export de telles matières, alors que la Tunisie en exige un droit non négligeable par tonne exportée (mesure dissuasive). Et ces deux voisins ne sont point des cas isolés....notamment en Afrique ou dans le monde arabe. L'enjeu, quant à lui, est tout sauf négligeable, notamment pour ceux qui ont tout à gagner de l'instauration d'une telle mesure (tels les professionnels de la Fédération des Industries Métallurgiques, Mécaniques et Electromécaniques – FIMME) et, par symétrie, pour les grands perdants parmi les exportateurs actuels. En termes nominal, ce seront un peu moins d'un milliard de dirhams d'exportations qui passeront à la trappe, mais qui seront largement compensés par la baisse des importations des industriels et des fonderies qui ont du mal à s'approvisionner sans recourir, à leur tour, à l'importation de déchets métalliques recyclables (généralement à un prix au kilo nettement plus cher que celui des déchets exportés à partir du Maroc !). La réorientation de ces inputs vers l'industrie locale susciterait un autre bienfait pour la balance commerciale du pays si l'on croit la FIMME dont une étude diligentée en 2010 et s'appuyant sur les chiffres de l'Office des Changes, affirmait que le manque à gagner pour l'industrie marocaine se chiffrait à environ 800 millions de dirhams, du seul fait du déficit de valeur ajoutée que suscite l'export des déchets métalliques exportés alors qu'ils peuvent être recyclés, transformés et exportés en produits finis ou semi-finis. Il est vrai que le Maroc, qui est loin d'être un gros producteur de minerais, importe annuellement près de 30 milliards de dirhams de produits métalliques dont 12 milliards de dirhams seulement au titre de la matière première brute (ce qui équivaut à importer 18 milliards de dirhams de valeur ajoutée).