Les exportateurs de ferraille désormais obligés de justifier l'origine de leur marchandise. Une note datant du 28 avril instaure un contrôle douanier sévère. Les métallurgistes satisfaits. Les exportateurs préparent leur riposte. La Fédération des industries métallurgiques (FIMME) qui s'est longtemps plainte de recourir aux importations pour se fournir en métaux a fini par avoir gain de cause auprès de l'administration. Le 28 avril dernier, les directeurs régionaux de la douane et particulièrement les services extérieurs dans les ports, dont celui de Casablanca, ont reçu une note les invitant à exercer un contrôle plus rigoureux sur les exportations de métaux. Emanant de la direction de la facilitation, la note 0604/1313 a instauré de nouvelles dispositions pour l'exportation des métaux ferreux et non-ferreux, dont notamment les débris de ferraille, les déchets de métaux et autres. Ainsi, les opérateurs exportant ces types de marchandises sont désormais obligés de produire les documents justifiant de l'origine de leurs cargaisons pour pouvoir obtenir la mainlevée de la douane. Plus concrètement, à chaque fois qu'un exportateur voudra faire une expédition de ferraille ou de métal recyclé, il devra impérativement appuyer sa déclaration par des documents attestant que la marchandise en question est soit issue du processus de fabrication de l'unité exportatrice elle-même, soit a été acquise auprès d'une unité industrielle établie au Maroc et spécialisée dans le travail du métal. 80% des achats dans le secteur sont faits sans factures Une mesure qui a pour objectif de barrer la route aux opérateurs de l'informel et surtout à certains exportateurs de métaux qui n'hésitent pas à s'approvisionner auprès de sources suspectes écoulant souvent des produits volés comme les fils de cuivre (voir encadré). «Attention, prévient-on à la douane, il ne s'agit pas là d'une restriction mais d'un contrôle plus rigoureux». Une précision qui mérite d'être relevée puisque les exportations restent autorisées, mais cette relative liberté ne semble pas du goût des exportateurs qui ne mâchent pas leurs mots. «L'administration des douanes a pris cette décision sans crier gare, sans associer les professionnels», fulmine Ali Filali Ansari, administrateur de la société Filmet. La décision unilatérale n'a pas manqué d'ailleurs de causer quelques désagréments aux sociétés spécialisées dans l'exportation de ferraille. Dans le cas de la société Filmet, son administrateur explique qu'il s'est retrouvé du jour au lendemain avec plusieurs conteneurs bloqués au port, pour lesquels il devait produire les documents désormais obligatoires. Or, explique-t-il, «80% des marchandises exportées proviennent de la collecte auprès des ferrailleurs traditionnels comme il en existe dans toutes les villes du Maroc». Le problème est justement que ces ferrailleurs, même si certains d'entre eux sont dûment patentés et enregistrés, ne délivrent pas de factures et ne souhaitent pas le faire. Du coup, il est difficile aux exportateurs, une fois en douane, de justifier l'origine de leur marchandise. Certes, reconnaà®t M. Filali Ansari, «il y a du vol, de l'informel, mais ce n'est pas de cette manière que l'on pourra régler le problème». Bonne ou mauvaise nouvelle ? Cette restriction intervient à quelques jours de la création d'une «association marocaine du recyclage» qui regroupera les entreprises spécialisées dans la collecte, le recyclage et l'exportation de ferraille et de déchets de métaux ferreux et non-ferreux en tous genres. Cette association qu'il présidera lui-même livrera donc une première bataille à la douane et surtout à la puissante Fédération des industries métalliques et métallurgiques (FIMME). Adnan Lamdouar, cadre au sein de cette fédération, qui a suivi de près le dossier, ne cache pas sa satisfaction. «La FIMME a effectivement milité pendant plusieurs mois auprès des autorités pour qu'elles mettent fin à l'hémorragie des métaux», reconnaà®t-il. Pour le représentant de la FIMME, il n'est pas logique que «des ferrailleurs exportent en totale exonération d'impôts et sans avoir à justifier l'origine de leurs marchandises au moment oà1 les industriels marocains peinent à s'approvisionner en matières premières qui deviennent de plus en plus chères sur les marchés mondiaux». Une situation paradoxale qui, selon les métallurgistes marocains, fait perdre au pays près de 2 milliards de DH de chiffre d'affaires. Le calcul est simple : aujourd'hui, les exportations de ferraille sont de l'ordre de 1,8 milliard de DH. Or, si cette même ferraille était utilisée par l'industrie marocaine, elle permettrait, toujours selon la FIMME, de générer des exportations beaucoup plus importantes, estimées à 3,8 milliards de DH. Il faut dire que les exportations de vieux métaux montent en flèche depuis quelques années. Entre 2002 et 2005, elles sont passées de 145 000 à 355 000 tonnes. Selon les chiffres officiels de l'Office des changes, les exportations pour les seuls déchets et débris de cuivre sont passées de 234 millions DH en 2004 à 850 millions en 2007. Les ferrailleurs, eux, se défendent de n'être intéressés que par les exportations. «Aujourd'hui, explique M. Filali Ansari, nous vendons la ferraille à l'export à 3 000 DH la tonne et nous sommes prêts à la vendre au Maroc au même prix et dans les mêmes conditions, ce que les industriels refusent justement». En attendant, la douane a quelque peu assoupli sa position. Si la note initiale parlait de métaux ferreux et non-ferreux, les blocages à l'application ont poussé l'administration à opérer quelques réglages de dernière minute. Les douaniers ont été invités à être plus regardants sur le cuivre, le laiton et le plomb que sur le reste. En somme, les produits qui font le plus l'objet de vols .