Les ressources de l'Etat sont souvent supérieures aux dépenses. En revanche, l'équilibre du budget général est fluctuant. 18 milliards de DH de plus en 2004, 27 milliards en 2005 et 6 milliards en 2006. Les lois de règlement de 2003 à 2007 déposées à la Chambre des représentants. Le sujet s'apparenterait presque à un Ovni : la loi de règlement ! Qui s'en soucie vraiment ? Qui en parle ? Pourtant, la loi de règlement, c'est ce document comptable qui arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l'Etat, fournit des informations sur l'exécution des programmes et sur les résultats atteints… Bref, le vote de la loi de règlement par le Parlement est censé être un moment privilégié de contrôle par les élus du peuple de l'utilisation qui est faite des crédits ouverts au regard des objectifs arrêtés dans la Loi de finances. Dans certains pays, comme en France par exemple, le dépôt de la loi de règlement doit s'effectuer avant le 1er juin de l'année suivant celle à laquelle elle s'applique, afin qu'elle soit examinée en première lecture avant le vote du projet de Loi de finances de l'année suivante. Ainsi, les parlementaires, avant d'autoriser les crédits pour le prochain exercice, contrôlent d'abord l'exécution de ceux déjà accordés. Qu'en est-il du Maroc ? Dans les années 80, le dépôt puis le vote des lois de règlement pouvait accuser jusqu'à neuf ans de retard (voir encadré). Ce faisant, il était impossible d'interpeller le gouvernement qui a préparé et exécuté la Loi de finances objet de la loi de règlement. Pour une raison très simple : entre ces deux moments, le gouvernement responsable de la loi de finances en question a déjà changé. Mais les choses ont évolué depuis. Progressivement, les délais de dépôt et de vote des lois de règlement ont commencé à se contracter ces dernières années. Il faut dire que la loi organique des finances (article 47) a désormais fixé à deux ans le délai de dépôt de la loi de règlement, après l'exécution de la Loi de finances concernée. Mais c'est seulement à partir de cette année 2009 que ce délai sera pour la première fois respecté, puisque la loi de règlement pour le budget 2007 devrait être votée au cours de cette session de printemps (en même temps que les lois de règlement pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006). Mohamed Ghazouani, administrateur principal, con-seiller de la commission des finances de la Chambre des représentants, explique les retards qui s'accumulaient par le passé par le fait qu'il existe quelque 2 000 ordonnateurs et comptables à travers le pays et que, par conséquent, la consolidation des données pour la préparation de la loi de règlement prenait du temps. D'autant que, précise-t-il, à cette multiplication des ordonnateurs et des comptables, s'ajoutait «le manque de moyens matériels et humains». Aujourd'hui, ces moyens sont renforcés, dit-il, de la même manière d'ailleurs que ceux de la Cour des comptes, une institution-clé en matière de contrôle puisque c'est elle qui établit le rapport accompagnant la loi de règlement. Des dépenses en deçà des prévisions A ces améliorations, il y a lieu d'ajouter une autre : chaque mois de juillet, le ministre des finances se présente devant la commission des finances de la Chambre des représentants pour faire un exposé sur les dépenses réalisées pendant les six premiers mois de l'exercice en cours. Sans anticiper le débat qui sera engagé sur les lois de règlement déposées au Parlement pour l'actuelle session, les premiers éléments recueillis laissent penser que l'exécution des Lois de finances des années 2003 à 2006 s'est déroulée dans des conditions plutôt bonnes. Si l'on excepte l'année 2003, où l'exécution de la Loi de finances s'est soldée par un dépassement des charges sur les ressources de 6,4 milliards DH (et un déficit budgétaire de 3,1%), les Lois de finances qui ont suivi ont toutes réalisé de bonnes performances. Ainsi, en 2004, les prévisions de ressources ont été réalisées à hauteur de 112%, y compris celles du Budget général (111 %) et des comptes spéciaux du Trésor (112,4 %) ; les prévisions de ressources pour la RTM et les services de l'Etat gérés de manière autonome (SEGMA) ayant été réalisées respectivement à hauteur de 99,2% et 92,2%. Il se trouve que les prévisions de dépenses n'ont pas été réalisées en totalité (94,3%), qu'il s'agisse du Budget général (93,7%) ou des budgets de la RTM (83,7%), des comptes spéciaux du Trésor (53,5%) ou encore des SEGMA (47%). Résultat : les ressources, par rapport aux charges, ont été excédentaires de 17,7 milliards DH ; le budget budgétaire ayant été, lui, déficitaire de 3% du PIB. L'année 2005, bien que terminant sur un déficit budgétaire de 3,9% du PIB, les prévisions de ressources ont été réalisées à plus de 112%, tandis que les prévisions de dépenses n'ont été atteintes que pour 91,4%, d'où un excédent de 26,9 milliards de dirhams. On retrouve la même configuration en 2006, avec un excédent des ressources sur les charges de près de 6 milliards DH et un déficit budgétaire de 1,5%. En conclusion, et sachant qu'en 2007 et 2008 c'est même le Budget général qui était excédentaire, le total des ressources a encore une fois dépassé celui des dépenses. En fait, depuis 2004, toutes dépenses confondues, l'Etat engrange plus qu'il ne dépense Il faut s'empresser de le préciser : l'excédent des ressources sur les charges enregistré depuis 2004 est surtout le fait des excédents au niveau des comptes spéciaux du Trésor et des SEGMA. Mais, plus globalement, les analystes qui épluchent les rapports qui parviennent à la commission des finances notent une certaine maîtrise des dépenses, en particulier de fonctionnement. Il faut rappeler à cet égard que le ministère des finances a lancé depuis quelques années déjà des réformes en matière de programmation et de dépenses publiques, comme la réforme budgétaire axée sur les résultats, ou encore le cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) qui vise à assurer une meilleure déclinaison des stratégies sectorielles et des programmes d'action au niveau de la Loi de finances. A cela, il faut évidemment ajouter l'excellent comportement des recettes fiscales, dont les réalisations, année après année, dépassent très largement les prévisions. Toutefois, les indications données ici sur les lois de règlement des années 2003 à 2006 ne préjugent en rien des observations et autres explications détaillées sur les dépenses en particulier, contenues dans les rapports de la Cour des comptes, et, bien sûr, des débats des parlementaires que cela devrait susciter.