De plus en plus d'entreprises adoptent ce type d'aménagement considéré comme une source d'efficacité. Bruits, mauvaise aération, mauvaises odeurs…, les nuisances ne manquent pourtant pas. Ne pas hésiter à marquer son territoire par une décoration personnalisée de l'espace vital. «Depuis qu'on nous a mis dans des bureaux partagés, on est comme dans un loft. Chacun est exposé au regard des autres. Qui travaille ? Qui surfe sur facebook ? Le moindre geste est épié. En plus, j'en ai ras-le-bol de voir mon voisin de bureau empester la salle avec ses cigarettes». Dépitée, Malika D., responsable des achats dans une grande entreprise, se sent très à l'étroit dans cet espace de travail partagé que les spécialistes appellent open space. Mais comme beaucoup d'autres salariés, elle est condamnée à y rester. Et pour cause, ces espaces sont de plus en plus prisés au détriment des bureaux individuels cloisonnés. Centres d'appel, sociétés informatiques, banques, PME, tous ont été séduits par la formule. Car, les avantages sont nombreux : plus de convivialité entre les équipes, meilleure circulation de l'information, suppression des barrières hiérarchiques… C'est du moins ce que tous les managers déclarent. Mais le premier attrait d'un open space est qu'il permet en général d'économiser de l'espace (de 10 à 40 %) par rapport à une formule classique et, au-delà, de réduire le montant des investissements immobiliers. «Les entreprises sont dans une logique d'optimisation des espaces de travail. Le coût du foncier est assez élevé, et on se rend compte que les vastes bureaux ne sont plus d'actualité. De même qu'aujourd'hui tous les immeubles neufs sont conçus pour accueillir des plateaux», confirme Regis Monot, directeur commercial à Steelcase Maroc, société spécialisée dans le mobilier et l'aménagement des espaces de travail. Seulement voilà, dans un espace vital qui se réduit comme peau de chagrin, les salariés ont souvent des difficultés à se concentrer. Il n'y a pas d'enquêtes auprès des entreprises marocaines. Mais, ailleurs, des études sur l'ergonomie des postes de travail ont montré que la majorité des employés se plaignent des nuisances, notamment les bruits, la mauvaise aération, les odeurs, le manque d'espaces de rangement (nécessaire pour garder les objets personnels et les dossiers confidentiels…). «Si l'open space n'est pas bien conçu au départ, les dégâts peuvent être énormes», explique Karim El Ibrahimi, DG du cabinet RMS. La promiscuité provoque le stress A ce niveau, les solutions ne manquent pas. D'une façon générale, on utilise dans les constructions des matériaux absorbants qui retiennent la pollution sonore. Par exemple, des plafonds épais ou des faux plafonds donneront plus de satisfaction. «Il existe aussi des cloisonnettes en mousse recouvertes de tissus qui capturent les fréquences de la voix», indique M. Monot. Le fait de disposer entre les bureaux des mobiliers de rangement qui agissent comme des pièges à son a aussi montré son efficacité. Avec le temps, les aménageurs ont compris qu'il fallait apporter des améliorations. D'ailleurs, «les plateaux à perte de vue laissent de plus en plus la place à des open spaces plus aérés et plus agréables à vivre», fait remarquer le directeur commercial de Stealcase Maroc. Pour instaurer le calme, certaines entreprises collent carrément des affiches dans les lieux dédiés à cet effet pour rappeler l'interdiction de parler à haute voix, les conférences call en plein plateau, ou pour inciter les collaborateurs à mettre les téléphones mobiles sous vibreur. Chez d'autres, on préconise de ne pas prolonger les discussions au-delà d'un certain temps, faute de quoi ils sont invités à poursuivre la discussion dans un «isoloir», comprenez par là une mini salle de réunion ou de détente. Ces endroits sont indispensables pour éviter les conflits. En plus du bruit, le stress est souvent provoqué par la promiscuité, la sensation de voir et d'être vu par tous. Pour assurer l'intimité dans un espace commun, il est bon de couper le volume d'une salle par du mobilier de rangement ou des cloisons vitrées légèrement troubles. «Les collaborateurs ont ainsi le sentiment d'évoluer dans leur bulle», précise le directeur commercial de Steelcase Maroc. Pour que l'aménagement soit parfait, il est impératif d'impliquer les salariés au projet. Cela permettra de comprendre les attentes et recenser les besoins. Un casque pour être dans sa bulle Malheureusement, ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont compris que l'ergonomie du poste de travail ou, par extension, de l'espace, est une condition essentielle pour favoriser l'efficacité, la productivité. Il en résulte parfois des aménagements sommaires qui génèrent le contraire de ce qui est recherché. La situation que vit Malika D. n'est pas isolée. Quelques règles élémentaires de bonne conduite permettent de survivre dans ce type d'aménagement. A commencer par combattre l'inconvénient majeur : le bruit. «Il ne faut pas hésiter à utiliser les espaces "réservés" mis à disposition des collaborateurs, salles de réunion, box privés… pour prendre l'air et retrouver un minimum d'intimité», précise M. Ibrahimi. Les appels téléphoniques importants, confidentiels et les conversations privées seront passés dans ces lieux dits de respiration. Et si toutes les conditions pour garder sa tranquillité ne sont pas réunies, il est toujours possible de s'isoler virtuellement, créer sa propre bulle, grâce à des casques de protection. Pour marquer son territoire, il est possible de mettre une touche particulière à son espace avec des photos, fleurs ou affiches.