Après une baisse de 14,4% durant les cinq premières séances de janvier, le Masi a gagné 8% par la suite et devrait augmenter pendant deux mois. Malgré cela l'année se terminera, selon les analystes, sur une performance négative. Lesieur, Cosumar et Snep sont les stars actuelles de la cote. La Bourse de Casablanca vient de boucler un mois de janvier annonciateur d'une année pour le moins turbulente. Pour ce premier mois de 2009, en effet, et comme l'on s'y attendait, il s'est agi de baisse. Le Masi a régressé de 7,75% à 10 133,32 points, et le Madex n'a pas fait mieux en affichant une contre-performance de 8,12% à 8 325,69 points. Non seulement une évolution à la baisse est exceptionnelle pour un mois de janvier, (il faut remonter dans l'historique de la place casablancaise jusqu'à 2001 pour tomber sur une situation comparable), mais en plus, la contre-performance constatée sur ce premier mois de 2009 est bien particulière. Phase baissière brutale et reprise molle en janvier En effet, les indices boursiers auront évolué en phases antinomiques. La première a été caractérisée par une chute brutale des cours, puisqu'au début de l'année, il aura fallu tout juste cinq séances de cotation (du 1er au 8 janvier) pour que le Masi se départisse de 14,4% de sa valeur (à 9 406 points), une baisse plus importante que celle cumulée tout au long de l'année 2008. Au delà, l'indice de toutes les valeurs s'est repris de près de 8%, ce qui l'a ramené au seuil des 10 000 points. Qu'est-ce qui explique cette évolution en deux temps ? S'agissant de la première phase, d'abord, les analystes la justifient par le contexte délicat ayant caractérisé le début de l'année : impact psychologique de la crise internationale, craintes de ralentissement dans le secteur immobilier local, manque de visibilité quant aux perspectives des sociétés cotées… «Tout cela ne pouvait que laisser durer l'expectative perceptible depuis fin 2008», justifie un analyste. De manière plus directe, un facteur aggravant est venu précipiter les choses. «Il s'agit de l'effet des liquidations massives portant sur des ventes non exécutées relatives aux opérations spéculatives de fin 2008», décrypte Widad Ouardi, analyste financière à Integra Bourse. «Sur la fin de l'année écoulée, un contingent de vendeurs, anticipant une hausse des cours pour début 2009, a préféré différer ses ventes. Ne voyant pas ses pronostics se réaliser, ce même contingent a procédé à une liquidation massive de ses positions, ce qui a rendu le marché vendeur, alors même que les acheteurs n'étaient pas légion, induisant la chute brutale constatée au tout début de l'année», relate Karim Bennani, directeur commercial à Orange Asset Management. A cette première phase baissière a succédé, donc, une phase haussière. Celle-ci a été «le simple fruit d'un essoufflement de la baisse», estime M. Bennani. «Le marché a tellement baissé que des investisseurs se sont décidés à acheter», résume en termes simples un autre analyste. Néanmoins, cette hausse n'a ni la vigueur ni le rythme de la chute qui l'a pécédée. Elle reste en effet molle, étalée sur le temps, et surtout elle intègre de fortes fluctuations en intraday comme en témoignent les fortes variations à la hausse comme à la baisse qu'enregistraient les indices au sein d'une même séance tout au long du mois de janvier. Cependant, la phase haussière a de cela en commun avec la baisse intervenue en début d'année, qu'elle porte sur des volumes réduits. Un état de fait justifié par «le contexte d'incertitude actuel et la contre-performance enregistrée par la Bourse sur le dernier semestre de 2008, constituant tous deux une barrière psychologique qui inhibe le regain de confiance vis-à-vis du marché», justifie Widad Ouardi. «Les institutionnels ont déserté le marché depuis la fin de l'année et les transactions constatées sont le fait de quelques OPCVM et de particuliers», confirme, pour sa part, M. Bennani. Ralentie et portant sur de faibles volumes, la reprise n'en est pas moins réelle. Et naturellement elle a induit des prises de valeurs pour certains titres. On citera parmi celles-ci BMCE, CGI, Addoha et IAM. Il faut aussi dire que ce sont ces mêmes valeurs qui ont le plus perdu lors des 5 premières séances de cotation de 2009. Sur cet intervalle, les titres évoqués auront perdu dans l'ordre 22%, 26,5%, 25,5% et 8%. Selon un même mécanisme de rattrapage de la baisse observée durant les premières séances de 2009, il est constaté que ce sont des secteurs précis qui surfent sur la reprise. De fait, l'immobilier s'impose comme le meilleur contributeur dans la hausse de l'indice Masi avec une croissance de 17% sur le mois de janvier grâce notamment aux bonnes performances d'Addoha et de la CGI. Les banques et le BTP ont également affiché un bon comportement avec une appréciation respective de 8,1% et 7,5%. Allégez les valeurs cycliques tel l'immobilier et les banques Cependant, ces croissances sectorielles occultent quelque peu une tendance lourde sur le marché boursier. En effet, et comme le rapportent plusieurs intervenants sur le marché, l'intérêt des investisseurs est de plus en plus porté sur les secteurs défensifs. Ceux-ci se distinguent fondamentalement en contexte de crise puisque étant par nature non cycliques, ils bénéficient d'une demande inélastique par rapport aux revenus des consommateurs. In fine, même en contexte baissier, ils demeurent assortis de forts rendements. En ligne directe, la reprise devrait profiter de plus en plus à ce type de valeurs. Le marché, dans tous les cas, anticipe de fortes distributions de dividendes de leur part. Les premières indiscrétions basées sur les comptes annuels des sociétés cotées évoquent Sonasid, CMT, Berliet, IAM ou encore BMCE comme susceptibles de booster leur taux de distribution des bénéfices 2008. Les filiales de l'Ona, contraintes par la politique institutionnelle du holding à pratiquer de forts taux de distribution, devraient également offrir de généreux dividendes. Deux valeurs agroalimentaires adossées au holding ont carrément accédé au statut de valeur star de la cote. Il s'agit de Lesieur et de Cosumar. Celles-ci ont pris 22,46% pour la première et 4,06% pour la seconde en janvier et «sont encore loin d'avoir épuisé leur potentiel de croissance», assure M. Bennani. «Une situation de quasi-monopole, de forts gains de productivité engrangés, de confortables marges dégagées, un faible taux d'endettement et l'absence de programmes d'investissement gourmands en financements, plaident en faveur de ces deux valeurs et laissent anticiper de forts dividendes pour l'exercice 2008», assure le directeur. Une autre valeur qui semble attirer de plus en plus les faveurs du marché est la Snep. Le titre du plasturgiste se positionne dans le top 3 des plus fortes croissances enregistrées au cours du mois de janvier et présente un des plus forts rendements de dividende au titre de 2008, à 8,4% selon les estimations d'Attijari Intermédiation. Quels que soient les titres retenus, la logique à suivre est unique et elle préconise de procéder par stock picking. «Le plus judicieux est de jouer la carte des valeurs de rendement et d'adopter une stratégie de placement à moyen-long terme», explique l'analyste d'Integra Bourse. En parallèle, «il s'agit d'alléger les valeurs cycliques, notamment les immobilières et les bancaires», recommande-t-on du côté de CFG. Mais jusqu'à quel terme ces recommandations restent-elles valables ? Car tous les analystes s'accordent à dire que la reprise hésitante actuellement constatée n'est pas là pour durer. Le schéma évoqué fait état d'une baisse latente à laquelle succéderait une hausse effective. Les avis divergent à propos du timing de ce processus. «Une opinion confortée par un ensemble d'indicateurs révèle la présence de pressions baissières à moyen terme», informe Widad Ouardi. Sans se prononcer sur le timing, l'analyste envisage le seuil des 8 800 points comme marquant le point de retournement à la hausse. Plus pessimiste, M. Bennani envisage un potentiel de baisse beaucoup plus marqué pouvant tirer le Masi jusqu'à un plancher de 7 000 points (voir avis ci-dessus). Mais avant que ne soit entamée cette phase à dominante baissière, le directeur s'attend à ce que le Masi prenne 10% d'ici mars 2009, notamment sous l'effet de l'anticipation des dividendes à distribuer par les valeurs défensives. Il va de soi que l'annonce des résultats annuels devrait impacter grandement ce schéma de base. A ce titre, les analystes n'en font pas mystère, l'heure est plutôt à la révision à la baisse des réalisations espérées des sociétés cotées. Aussi, et «à l'interprétation de la réaction du marché à la publication des résultats semestriels 2008, on ne peut avoir de grands espoirs par rapport à la publication des résultats annuels», tranche un gérant d'actifs. Il faut rappeler néanmoins que le contexte associé à ces publications serait différent puisque les niveaux des cours sont plus attrayants et que les pressions vendeuses ne sont plus aussi fortes.