Une saisie conservatoire sur le terrain a été inscrite par la Conservation foncière. 74 villas et 28 locaux commerciaux y sont en cours de réalisation. La propriété du terrain de 16 ha est revendiquée par des héritiers d'un certain Haj Harti Ben Douh qui a acquis plusieurs terrains dans la région en 1906. C 'est un véritable imbroglio juridique qui secoue la commune de Bouskoura. Le projet Central Park qui est réalisé par le groupe immobilier Manazilna se retrouve au cœur de la polémique. La famille Douh El Idrissi qui soutient être la seule héritière de 455 ha dans cette commune, conteste le titre immobilier dont dispose le groupe Manazilna. Ce dernier réalise actuellement (les travaux sont au stade de la finition) 74 villas haut standing et 28 locaux commerciaux sur 14 ha inclus dans le terrain dont la famille El Idrissi revendique la propriété. Mais ce projet risque de connaître quelques remous puisque les contestataires (la famille Douh El Idrissi) viennent d'obtenir l'inscription d'une saisie conservatoire sur les deux titres fonciers Mansouria I et Mansouria II sur lesquels se trouve le projet Central Park. Cette inscription n'empêche pas le groupe immobilier de continuer ses travaux, mais la délivrance des permis d'habiter ne peut avoir lieu. L'histoire commence en 1906, date à laquelle un certain Haj Harti Ben Douh acquiert par acte adoulaire visé par le tribunal civil (dont La Vie éco a pu se procurer copie) plusieurs lots de terrains d'une superficie globale de 455 ha à Bouskoura. Zélé, Haj Harti Ben Douh accomplira tout au long de sa vie des actes de propriété et de jouissance de ses terrains afin d'en assurer l'appartenance. Fahd Douh El Idrissi, arrière petit-fils du propriétaire, explique que son arrière grand-père a toujours fait face aux nombreux assauts contre ses propriétés. «J'ai en ma possession tous les documents prouvant que mon arrière grand-père avait initié des procédures d'immatriculation sur ses terrains depuis 1918, date d'entrée en vigueur du dahir relatif à l'immatriculation des biens immeubles. Et malgré les nombreux obstacles qu'il a rencontrés, il a réussi à enregistrer plusieurs titres», indique le représentant des héritiers. En 2007, ce dernier entame plusieurs procédures d'inscription des nombreux terrains non encore immatriculés. Il se heurte néanmoins aux contestations des bidonvillois qui avaient élu domicile sur lesdits terrains. Mais ce sont les villas construites sur les titres Mansouria I et Mansouria II qui, selon lui, l'inquiètent le plus. «Au moment où j'ai entamé les procédures d'immatriculation, j'ai été contacté par El Mamoun Bennani, patron de Manazilna. Il m'a demandé de lui vendre la parcelle de terrain sur laquelle la société qu'il dirige avait déjà commencé les constructions. Au départ, j'ai accepté, mais lorsque j'ai constaté des tergiversations concernant le prix du mètre carré, le nombre et la surface des terrains objet des négociations, j'ai décidé de me tourner vers la justice», explique Fahd Douh El Idrissi. Le prix du m2 est estimé entre 2000 et 2500 DH, selon le plaignant Le 20 décembre dernier, il introduit une requête auprès du tribunal de première instance de Casablanca dans laquelle il réclame une expertise foncière pour déterminer le montant du m2 pour les deux lots de terrain (Mansouria I et II). «Cette expertise devrait permettre à la justice de fixer le montant de l'indemnisation qui doit englober le prix du m2 et le préjudice de l'occupation illégitime», renchérit M.Douh El Idrissi. Muni de la requête introductive d'instance, le plaignant essayera à maintes reprises d'inscrire une saisie conservatoire sur les deux titres objet du litige. «A la Conservation foncière, on m'a refusé cette inscription durant une vingtaine de jours sans aucun motif valable. Je n'ai réussi à faire l'inscription que le 15 janvier», ajoute-t-il. Pour ce qui est de l'indemnisation, M.Douh El Idrissi soutient que le m2 dans cette parcelle vacille actuellement entre 2 000 et 2 500 DH. «Pour les 14 ha, ma défense réclamera près de 270 MDH à la société Manazilna», estime le plaignant dont l'avocat a demandé une expertise du terrain en question. Contactée par La Vie éco, la direction de Manazilna, qui ne veut pas trop communiquer sur cette affaire, affirme «ne pas vouloir créer une polémique qui n'a pas lieu d'être». Ainsi, explique-t-on auprès du groupe immobilier, les titres fonciers 50/63 et 51/63 dénommés respectivement Mansouria I et II ont été achetés séparément auprès de la Société marocaine de grande distribution (SMGD) qui, elle-même, les aurait acquis auprès de la direction des domaines. «La transaction est parfaitement légale. De plus, nous avons respecté à la lettre le cahier des charges du projet qui avance très bien d'ailleurs. Nous pensons pouvoir livrer les lots dès le mois prochain», affirme un haut responsable de Manazilna. En outre, ajoute ce responsable, «lorsqu'un titre foncier est établi, il apure tout le passé. Et c'est justement le cas en l'espèce, puisque nous disposons des titres fonciers pour les deux terrains». Cette version des faits est corroborée par un responsable à la commune de Bouskoura qui a tenu à garder l'anonymat : «La famille Douh El Idrissi dispose d'un seul titre foncier et non de plusieurs. Selon les informations dont nous disposons, les titres de la société Manazilna sont tout à fait valables». La direction du groupe immobilier qui a commercialisé les 74 villas haut standing (le prix de vente a avoisiné les 9 millions de DH par unité) reconnaît l'existence d'une saisie conservatoire qui frappe les deux titres fonciers, mais minimise l'impact de ce qu'elle qualifie comme «manœuvre». «Cette saisie n'a aucune importance. Nous pouvons accéder à la mainlevée à n'importe quel moment en nous acquittant de la caution de 20 000 DH fixée pour cette saisie», indique la même source. Quoi qu'il en soit, l'épreuve de force entre la famille Douh El Idrissi et le groupe immobilier Manazilna ne fait que commencer. La première audience dans ce dossier aura lieu le 19 février prochain.