Quoique en hausse, elles ne couvrent plus que 9 mois d'importation, contre plus de 12 mois il y a deux ans. Les importations ont progressé de 33% alors que les exportations, même avec l'effet phosphates, croissent de 29% seulement. Hors phosphates, leur progression est de 3,4% seulement. Les statistiques que publie l'Office des changes sur le commerce extérieur, à bien y regarder, recèlent de solides raisons de s'interroger sur le positionnement du Maroc sur la scène des échanges commerciaux internationaux. Cela fait en effet six ans que le déficit des échanges de marchandises ne cesse de s'aggraver. Et cela continue puisque, sur les sept premiers mois de 2008, les importations de biens culminent à 173,73 milliards de dirhams (+ 32,6% ou + 42,7 milliards de DH), alors que les exportations de biens, elles, se montent à 93,8 milliards de dirhams, certes en hausse de 28,7%, mais, hors phosphates, dont les cours ont fortement augmenté à l'instar de ceux des matières premières, la hausse des exportations n'est que de 3,4%. Du coup, le taux de couverture, qui était déjà à 51,3 % à la même période de 2007, est descendu à 50 %. Et même en intégrant dans la balance commerciale les services, qui ont dégagé un solde positif de 31 milliards sur la période considérée, le taux de couverture régresse, passant de 81,9% sur les sept premiers mois de 2007 à 75,5% sur la même période de 2008. Conséquence, les avoirs extérieurs de l'institut d'émission se montent à 193,5 milliards de dirhams (+3,2%), et les réserves en devises des banques de dépôt à à 28,3, soit un total de 221,8 milliards de dirhams ; de quoi couvrir 9 mois d'importation, alors qu'il y a deux ans, ils dépassaient 12 mois. Conséquence de ce déficit continu de la balance commerciale, plus encore de la balance des marchandises, le compte des transactions courantes a fini par être affecté, puisqu'en 2007, celui-ci avait, pour la première fois depuis 2001, dégagé une position de déficit. En 2007, les rentrées de devises au titre de transactions courantes étaient bien inférieures aux sorties : 571 millions de DH d'écart. Au cours du premier trimestre(*) de cette année, le déficit du compte courant de la balance des paiements a atteint 6,6 milliards de dirhams. Comme toujours, c'est le déficit de la balance des biens (de 31,6 milliards en l'occurrence) qui est à l'origine du solde négatif du compte courant. Certes, tempère un responsable à l'Office des changes, l'état du compte courant et, plus globalement, de la balance des paiements, en termes trimestriels, «ne signifie pas grand-chose, car l'effet saisonnier joue beaucoup». Autrement dit, il y a des périodes de l'année où les exportations sont plus importantes qu'à d'autres. Mais cela est surtout valable pour les exportations agricoles. Or, ce ne sont pas celles-ci qui dopent les exportations mais bien les phosphates et dérivés. Quand on regarde les chiffres de l'Office des changes entre janvier et fin juillet 2008, on voit bien que si les exportations de marchandises ont progressé sur cette période de 28,7%, c'est évidemment grâce aux exportations de phosphates et dérivés qui ont plus que doublé, passant de 12 milliards de dirhams à fin juillet 2007 à 31 milliards à fin juillet 2008. Ainsi, la part des phosphates et dérivés dans le total des exportations est passée de 16,6% à 33,1% entre les deux périodes. On peut dès lors estimer, toutes proportions gardées, que la situation (déficitaire) du compte courant au premier trimestre de cette année donne en quelque sorte un avant-goût de ce que sera ce compte à la fin de l'année. D'autant que, cette année, les recettes de voyages se sont quelque peu tassées. Elles n'ont en effet progressé sur les sept premiers mois de 2008 que de 1,8% par rapport à la même période de 2007 : 31,7 milliards de dirhams contre 31,1 milliards un an auparavant. Les recettes de voyages ont constitué 56% de la balance des services Certains vont même plus loin dans leur analyse, se demandant en effet si, compte tenu du renouvellement des générations, d'une part, et des politiques d'immigration à l'œuvre en Europe, d'autre part, les envois de fonds par les Marocains résidant à l'étranger (MRE), pour l'instant en constante augmentation, ne sont pas en fin de compte une source non extensible et, plus préoccupant, non revouvelable ! En fait, cette interrogation sous-tend une réflexion sur les politiques publiques en matière de commerce et d'industrie notamment. L'économie marocaine, en gros, est une économie de services (s'agissant des secteurs marchands en tout cas) ; mais il sera de plus en plus difficile de concurrencer des pays comme l'Inde ou la Chine sur ce créneau. De surcroît, en fait de services, il s'agit surtout de tourisme, puisque les recettes de voyages (31,7 milliards de DH), à fin juillet 2008, ont constitué 56% de la balance des services. En un mot, les exportations du Maroc, qu'il s'agisse de marchandises ou de services, contiennent très peu de valeur ajoutée. Le Plan Emergence, une fois concrétisé, permettra-t-il de renverser la tendance ? C'est difficile à dire. Un économiste, qui n'est pas spécialement un rabat-joie, a calculé que même si l'usine Renault de Tanger était déjà opérationnelle et que l'on vendait tout de suite 400 000 voitures, «on n'épongerait pas le déficit de la balance commerciale pour les seuls sept mois de 2008». Ceci pour souligner l'urgence qu'il y a à se pencher sur ce dossier du commerce extérieur. Car, à ce rythme-là, la balance des paiements, dont le solde excédentaire commence a reculé, risque de connaître un jour des déficits, ce qui, bien sûr, affecterait directement les avoirs extérieurs…