La grande bataille que vient d'engager le gouvernement pour une plus grande intégration des femmes n'est pas seulement un chantier à dimension sociale. Certes, le Maroc s'est très tôt positionné en force sur la problématique du genre en donnant une place de choix dans ses politiques publiques à la question de la parité hommes-femmes et en appuyant l'inclusion de la femme dans tous les domaines et pas seulement dans l'activité économique. Depuis des années, le ministère des finances marocain a instauré une tradition annuelle au moment de l'examen de la Loi de finances, à savoir la publication d'un budget prenant en considération l'approche du genre. Aujourd'hui, et au-delà de ces considérations, l'inclusion de la femme dans le marché de l'emploi est un impératif d'ordre éminemment économique. Car il s'agit tout simplement de doubler presque la population active et donc de multiplier par deux le facteur travail avec ce qui s'en suivra en termes de production de valeur ajoutée. Cela revient à faire jouer une plus-value démographique latente mais conséquente. Selon les dernières statistiques du HCP en la matière, le Maroc compte aujourd'hui quelque 10 millions de femmes en âge de travailler qui sont en dehors du marché du travail. On passe sur l'ampleur de l'injustice envers ces millions de travailleuses, mais c'est tout de même un manque à gagner en points de PIB et de croissance! Car, le fait de ne pas être recensées officiellement dans la force de travail ne veut pas dire que ces 10 millions de femmes ne travaillent pas, ou ne produisent rien. C'est même tout le contraire. Sauf que, comme exposé par le Chef du gouvernement cette semaine devant les Conseillers, sur les 20% d'entre elles qui ont une activité rémunérée en dehors du foyer, à peine la moitié, soit 10%, dispose de la rémunération correspondant au travail effectué. D'un autre côté, les statistiques indiquent aussi que pour le peu d'entre elles qui accèdent à l'emploi, plus du tiers exercent une activité sans aucune rémunération. Au même moment, des millions de femmes créent de la valeur et pour l'économie et pour la société sans aucune contrepartie. Dans les campagnes, elles travaillent activement dans les champs, s'occupent en plus des tâches ménagères, des troupeaux, du ramassage de bois et des corvées en tous genres. Dans les villes, les femmes au foyer sont tout aussi actives que leurs homologues rurales… Jusqu'à quand le monde, et pas seulement le Maroc, s'accommodera-t-il encore de cette injustice flagrante envers ces travailleuses invisibles... ?