Le grand virage de la cession d'entreprise peut s'opérer à un âge mur. Les statistiques françaises démontrent qu'en moyenne 66% des dirigeants lâchent les amarres lors du départ à la retraite. En effet, après avoir longtemps travaillé, ils font le choix durant cette période de se réinventer une nouvelle vie, en redéfinir le sens, et un cadre plus épanouissant, en espérant que les enfants puissent reprendre le joyau familial. C'est surtout le cas, lorsque l'entreprise va bien, qu'elle est dotée d'une forte culture, de ressources compétentes, et d'un potentiel de développement et de croissance. Mais ce n'est pas un phénomène universel, surtout chez nous, où la transmission, même si l'ADN de la majorité des entreprises est familial, n'est pas encore un vrai sujet. Beaucoup de chefs de famille gardent leur mainmise sur les affaires. Un successeur parmi les héritiers potentiels, surtout lorsqu'il manifeste de l'intérêt, peut apporter un souffle nouveau, une vision différente et des «bests-pratices» en termes de gouvernance, vu que l'exercice du pouvoir dans de nombreuses PME se conjugue encore au singulier. D'après le baromètre de la transmission publié régulièrement par le cabinet BDO, au niveau international 81% des entreprises familiales n'ont pas mis en place de plan de successions. Donc les conditions de transmission du flambeau ne sont pas vraiment préparées. L'improvisation qui s'en suit peut remettre en cause le fonctionnement serein futur par les membres de la famille. Celle-ci peut être une grande force tissant des liens forts, mais malheureusement aussi un terreau fécond et fertile, favorable aux litiges lorsque les règles du jeu ne sont pas définies au préalable face aux enjeux financiers. Céder son entreprise au Maroc à des repreneurs externes, entreprises ou salariés, peut s'avérer encore plus difficile sur un plan psychologique, lorsqu'on a été fondateur, vécu des moments forts, mené la barque seul, développé une idée ou un projet qui nous a tenus à cœur et en haleine de longues années. Il arrive aussi souvent que se dessaisir de son affaire, se fait par nécessité et non par choix ou conviction, en profitant de l'opportunité de redonner du souffle et de la vie à une entreprise en convalescence ou en déclin. Un manque de ressources financières, humaines, un endettement important, des problèmes de trésorerie et besoin de capitalisation, peuvent être à la source de cette décision. Surtout si l'entreprise dispose d'actifs importants. Cela peut conduire à valoriser l'entreprise et lui conférer une valeur patrimoniale importante en dépit de ses passifs, et facilitera les négociations pour le vendeur lors de la transaction. L'acheteur doit rester vigilant dans ce cadre, et revendiquer «la clause de garantie du passif» généralement étendue aux actifs, qui intervient en phase de négociation. Elle prévient l'acheteur de tout risque de passifs non détectés qui peuvent survenir après la date de cession et dont l'origine est antérieure. Citons le cas d'un risque fiscal ou social, des dettes fournisseurs, un stock détérioré, etc. Aussi est-il important avant toute cession de faire un état des lieux de la conformité et régularité de la société sur un plan fiscal, social, juridique, solvabilité financière. Des audits dans ce sens pour certifier et attester de cette conformité, constituent une sécurité juridique incontournable pour mener à bien la cession.