Un bachelier casablancais obtient un 18,66/20 en sciences maths ! Plus de filles que de garçons en tête de classement. Point commun : un travail acharné et une forte volonté d'être au top. Ils étaient 221 697 candidats au Baccalauréat cette année. 98 720, seulement, ont réussi, soit 48,2 % d'entre eux, selon les chiffres du ministère de l'Education nationale. Parmi les 90 955 candidats dans l'enseignement public, certains ont passé leur Bac haut la main. Les moyennes ont frôlé les 19/20 au sein des branches scientifiques au niveau des académies de Rabat et de Casablanca. A Casablanca, Yassir El Firouqi, du lycée Ziryab, arbore fièrement son 18,66 en sciences mathématiques, suivi de près par Kaoutar Jowa et son 18,47. A Rabat, Oumama Jamal, major en sciences expérimentales, a obtenu une moyenne de 18,24 et a déjà rejoint la ville d'El Hajeb pour se préparer à une carrière militaire en médecine. La liste est loin d'être exhaustive. Si les profils suivants sont cantonnés aux villes de Rabat et de Casablanca, plusieurs autres jeunes à travers le Maroc ont brillé dans leurs villes et leurs domaines respectifs. Et si leurs parents dénoncent le peu d'intérêt accordé à leur studieuse progéniture, malgré un «festival de l'excellence» organisé par le ministère et récompensant les meilleurs élèves de l'année, les bacheliers, eux, ont déjà les yeux tournés vers autre chose: leur avenir. Une première remarque cependant : les «premiers de la classe» se bousculent toujours autant au portillon de la faculté de médecine, des classes préparatoires et d'une poignée d'écoles publiques. Pas ou peu de places pour d'autres vocations. Plusieurs bacheliers interrogés avouent qu'il y avait cette peur de «finir à la fac». On n'y échappe que grâce à d'excellentes notes. Des notes plus élevées dans les matières scientifiques que littéraires Là encore, le fossé se creuse entre les scientifiques, qui récoltent tout le «prestige» et les littéraires, presque oubliés. A ce titre, les premières moyennes en section littéraire dans les deux villes de Casablanca et de Rabat ne dépassent pas le note de 16,21, obtenue par le Slaoui Mohamed Taiebine. Les professionnels de l'éducation l'expliquent par la difficulté d'obtenir des moyennes élevées dans des matières sujettes à dissertation. Cela dit, ces jeunes fraîchement diplômés répètent qu'ils ne considèrent pas le Bac comme un aboutissement, mais plutôt comme le commencement de «la vraie vie». La bataille se fera sur le marché du travail, dans quelques années. C'est pour cela que, pour eux, la victoire du Bac n'est finalement qu'une sorte de «Smig culturel» qui ouvre d'autres portes. Quant au nouveau système éducatif qui a instauré la première année de lycée comme tronc commun et les matières secondaires comme épreuves de deuxième année, les «cracks du Bac» sélectionnés ont pensé que ça ne rendait pas l'épreuve plus difficile. A examiner le nombre de candidats qui ont échoué, le mystère sur leur échec n'en demeure que plus grand Hajar Abbadi Un penchant pour les chiffres :18,07/20 en «techniques de gestion comptable» Lycée Dar Essalam, Rabat Hajar Abbadi a fêté le 3 août ses dix-huit printemps avec la satisfaction d'avoir obtenu la première moyenne au niveau de la région de Rabat dans les Techniques de gestion comptable (TGC). Aujourd'hui, elle s'apprête à entreprendre des études de gestion à l'ISCAE, qui «jouit d'une bonne réputation chez les entreprises et propose une formation professionnelle et spécialisée», selon ses mots. «La grande question pour moi n'était pas de passer le Bac, mais que faire une fois le diplôme en poche ?», dit-elle. Sa grande hantise, comme des milliers d'autres jeunes bacheliers, était de «finir à la fac». Avec sa moyenne, il lui était possible d'intégrer deux écoles publiques : l'Ecole nationale de commerce et de gestion-ENCG, dont elle a réussi le concours, et l'ISCAE. Née dans la capitale en 1987, Hajar a toujours été une bonne élève, depuis ses premières années à l'école primaire Tarik Ibn Ziyad, puis au collège Talha Bnou Nouçair. Elle rejoint par la suite Dar Essalam, un des rares lycées proposant la spécialité dans laquelle elle se sent le plus à l'aise. «Je voulais découvrir de nouvelles matières, mais j'ai toujours eu un penchant pour la comptabilité», dit-elle. Hajar défend les techniques de gestion qu'elle dit «compliquées et intéressantes malgré les apparences» et se passionne pour le droit des entreprises, «indispensable à la comptabilité». Hajar, qui rêve de travailler dans une grande structure, ou créer son propre cabinet, s'est enfermée toute l'année pour préparer l'«épreuve des épreuves». Ses parents disent qu'elle se nourrissait à peine et se consacrait entièrement à ses cours. Elle a même laissé de côté ses hobbies : le cinéma, internet, la lecture, mais s'est gardé la musique en fond de révision. L'épreuve passée, les notes récoltées, elle savoure sa réussite avec un arrière-goût amer. «Dommage qu'après tous ces efforts, la région nous récompense avec des livres à deux sous». Mais la fierté de la moyenne en valait largement la peine Ismail Farach Le fou d'électronique : 16,58/20 en «technique industrielle» Lycée Jabir Ibn Hayan, Casablanca Ismaà ̄l Farach a, contrairement à beaucoup d'autres, la chance d'avoir trouvé ce qu'il aime : Ismail est un fou de technique et d'électrique. Dès sa première année de lycée, il a choisi le tronc commun en génie électrique puis il s'est spécialisé en électronique. «Je n'y peux rien, j'adore fouiner dans les circuits, faire du calcul». Mais le grand rêve d'Ismaà ̄l est de devenir ingénieur d'Etat. Pour ce, il va intégrer les classes préparatoires «Maths sup, Maths spé» au Lycée technique de Mohammédia. Né le 13 juillet 1987 à Casablanca, Ismaà ̄l est le benjamin d'une famille de cinq enfants. Il a d'abord fréquenté les bancs de l'école Cheikh Abdou, puis ceux du collège Al Moutanabbi et enfin le lycée Jabir Ibn Hayan, qui propose les formations scientifiques et techniques. Il dit avoir toujours eu un penchant pour tout ce qui est technique, et «principalement les physiques, le calcul et les mathématiques». C'est d'ailleurs dans ces matières qu'il a obtenu les meilleures notes. Ismaà ̄l affectionnait également les travaux pratiques, «surtout avec les plaques électroniques comme celles utilisées dans les appareils radiophoniques». Avec une passion pareille, il était compréhensible de le voir réviser tous les soirs après ses cours. «Je ne voulais surtout pas laisser le travail s'accumuler, c'est l'erreur de la plupart de mes camarades», explique-t-il. Ismaà ̄l dit s'être préparé longuement à l'avance, sans pression aucune des parents qui lui «font confiance». Le jour J, il s'est retrouvé assis à la première table. Quelques semaines plus tard, il était premier de sa série dans tout le Grand Casablanca. Aujourd'hui, il peut profiter de son temps libre pour jouer au foot, sa passion de toujours, dans le terrain des Cheminots à Aà ̄n Sebaâ, lire des romans ou encore passer des heures sur son ordinateur à jouer au Chicken run ou au Pinball Lamia Kabbage Elle voulait savoir ce qu'il y a à l'intérieur des crânes : 18/20 en «sciences expérimentales» Lycée Ibn Sina, Rabat Petite, Lamia disait à ses parents vouloir «ouvrir les crânes pour voir ce qu'il y a dedans». A 18 ans, elle sait traduire autrement ses désirs d'enfant : elle veut être neuro-chirurgienne. Elle a réussi avec brio le concours de médecine, oà1 seulement 180 personnes ont été retenues sur un total de 1200 candidats. Mais pas seulement, puisqu'elle a également réussi les concours de l'ISCAE, de l'ENCG, de l'école de médecine dentaire et même des classes préparatoires de maths-physiques au lycée Moulay Youssef. Seulement 12 bacheliers en sciences expérimentales ont été sélectionnés pour ces classes préparatoires d'habitude réservés aux «matheux», dont quatre de son lycée. C'est dire que la concurrence était rude. «Même au cours de l'année, il s'agissait d'être à jour tout le temps pour les contrôles continus. C'était très stressant». Les contrôles continus, c'était parfois deux ou trois contrôles par jour et trois à quatre contrôles par semaine. «Je ne voulais surtout pas négliger mes matières littéraires sous prétexte que je me destinais à une carrière scientifique», explique-t-elle. Elle qui rêvait d'être institutrice n'a que l'embarras du choix, mais elle a déjà tranché. C'est d'ailleurs pour avoir le choix qu'elle a travaillé aussi dur. «Il n'y a pas de secret. Seulement du travail et de la volonté», dit-elle. Née le 22 août 1987, Lamia dit avoir appris la discipline et la rigueur dès ses années de primaire à l'école Jeanne d'Arc oà1 «on devait remplir un tableau de bord tous les soirs après avoir fini nos devoirs». Mais il y a également le soutien des parents qui ne regrettent pas d'avoir insisté pour que leur fille fasse des heures supplémentaires dans les matières scientifiques. Lamia, férue de romans, passe des heures à écouter de la musique, «surtout en anglais, pour améliorer la langue». «Maintenant, je me sens soulagée. Le Bac est derrière moi, mais je sais que le plus dur est à venir» Rajaa El Kassouani La toge et le prétoire comme son papa : 16,07/20 «lettres» Lycée Mustapha El Mâani, Casablanca Rajaa a toujours su ce qu'elle voulait faire : poursuivre la carrière de son papa et devenir avocate. Elle ambitionne même de reprendre son cabinet. «C'est mon rêve depuis que je suis enfant. Mon père est mon exemple», dit-elle, les yeux brillants. Pour devenir avocate, Rajaa entreprendra dès septembre des études en droit français après un Baccalauréat littéraire. Elle s'inquiète un peu de la difficulté du programme, pose des questions, s'enquiert des cours et des professeurs. Elle a même décidé de prendre, à la rentrée, des cours en français juridique à l'Institut français. «Je voudrais être bien préparée. Je sais que la fac ne sera pas du gâteau», dit-elle. Née le 19 mai 1987 à Casablanca, aà®née de cinq frères et sÅ"urs, Rajaa poursuit ses études d'abord à l'école Al Ittihad, puis au collège Salaheddine et au lycée Mustapha El Mâani. Pour elle, le Bac n'était finalement qu'une formalité. «J'ai pensé que les années précédentes étaient bien difficiles, mais j'y ai excellé quand même», s'enorgueillit-elle. Rajaa ne comprend pas comment des milliers d'autres candidats au Baccalauréat n'arrivent pas à avoir leur moyenne. «Pourtant, c'est à la portée de tout le monde». Mais Rajaa pense qu'il y a une seule recette : «Le travail acharné sans cesse». Tous les jours, elle a préparé ses épreuves sans relâche et sans perdre son temps. «Avec mes copines, c'était « bonjour, bye-bye». J'ai gardé d'excellentes relations avec mes camarades mais je devais rester concentrée et bien organisée». Rajaa dit adorer les langues étrangères, surtout l'anglais, «dont on a toujours besoin dans le monde entier». D'ailleurs, ses cours au Centre américain lui ont permis de se perfectionner et de rencontrer des professeurs de différents pays : anglais, américains et même mexicains. Rajaa, qui aime la marche, la natation et le net, profite de son temps libre désormais pour s'essayer aux romans d'Agatha Christie en anglais. Mais bientôt, elle se remettra à l'action. Objectif, plaidoiries Sanaa Amguoune Pourvu qu'il y ait les maths : 16,77/20 en «sciences mathématiques» Lycée Mohammed V, Casablanca Seconde au niveau de la région de Casablanca dans les sciences mathématiques, Sanaa Amguoune hésite à poursuivre ses études en France ou au Maroc. Elle sait néanmoins vouloir passer par les classes préparatoires en mathématiques pour intégrer par la suite une école d'ingénieurs. Admise au lycée Albert Châtelet près de Lille et aux classes préparatoires du lycée Mohammed V, son cÅ"ur balance. Elle sait que les deux prochaines années ne seront pas faciles et redoute la difficulté de l'adaptation à l'étranger, qui corserait encore plus un programme réputé ardu. Mais qu'importe. La passion est là . «Il suffit qu'il y ait des mathématiques et ça me rend heureuse. Je sais que c'est ma vocation», dit-elle. Née le 9 juillet 1987, Sanaa est l'aà®née d'une famille de trois enfants. C'est à l'école Le Cèdre qu'elle a fait l'essentiel des années de primaire, avant d'intégrer le collège Khnata et le lycée Mohammed V, oà1 elle a ressenti une pression «énorme» à l'approche du Bac. «Je me disais que si je n'avais pas de bonne moyenne, je n'arriverais jamais à être sélectionnée pour de bonnes écoles». En choisissant la branche sciences mathématiques B, Sanaa se heurte à une discipline qu'elle ne connaissait pas : le dessin industriel. «Au début, j'ai trouvé que c'était difficile. Mais dès que j'ai compris les principes, ça allait beaucoup mieux», se souvient-elle. Sanaa a une particularité. Elle réagit à chaque difficulté avec calme et rigueur. Elle avoue n'avoir jamais pris de cours particuliers, ni au collège ni au lycée. «Je préfère travailler seule. J'ai ma petite routine», sourit-elle. Lorsqu'elle n'étudie pas, Sanaa passe une grande partie de son temps libre à discuter avec sa mère, dont elle se dit très proche. Elle partage ses autres moments entre la télévision et les livres. Cependant, Sanaa souligne que la stabilité familiale est essentielle à la réussite des étudiants. «Je n'oublierais jamais le réconfort que j'ai reçu de mes parents à chaque épreuve scolaire ou autre», dit-elle