6 055 900 élèves, 230 000 enseignants, 18 000 établissements scolaires, tels sont les chiffres clés de la rentrée scolaire. Au chapitre nouveautés : enseignement de la Moudawana et des droits de l'homme et apprentissage de la deuxième langue étrangère à partir de la 1ère année dans les collèges. Les enseignants bénéficieront de formation continue pour s'imprégner du nouveau système pédagogique. Six millions cinquante-cinq mille neuf cents élèves, collégiens et lycéens s'apprêtent à aborder une rentrée scolaire différée, du moins dans le public, pour cause de recensement général de la population et de l'habitat. Une progression de 6,6 % par rapport à l'année scolaire 2003-2004, font observer, non sans fierté, les responsables du ministère de l'Education nationale (MEN). De fait, la généralisation de l'enseignement, un des piliers majeurs de la réforme, est en bonne voie. En 1999-2000, le nombre de scolarisés (primaire, secondaire collégial et secondaire qualifiant) était de 5 133 384, pour atteindre 5 780 234 à la rentrée 2002-2003. Un bémol : le cycle préscolaire, si nécessaire à l'éveil de l'enfant, ne profitera, cette année qu'à 58,3 % des 4-5 ans, autrement dit plus de 40 % des enfants accèderont à l'école avec des chances amoindries. Le ministère de l'Education nationale s'en désole, d'autant que le préscolaire demeure, incompréhensiblement, l'apanage du privé, donc inaccessible aux moins nantis. La scolarisation en milieu rural cause également des soucis au MEN qui en fait, cette année, une de ses principales préoccupations. Non que les parents rechignent, comme par le passé, à envoyer leurs enfants à l'école (2 302 000 d'entre eux seront présents à la rentrée), mais parce que ces derniers interrompent souvent leur cursus pour des raisons de force majeure. La première raison est l'éloignement, obstacle aplani depuis l'année dernière, dans les régions de Khouribga, Chefchaouen, Al Hoceima et Chichaoua, par la mise à la disposition des élèves de «carrosses», des charrettes, en fait. L'expérience a été tellement concluante que le MEN envisage de l'étendre cette année. La deuxième contrainte concerne particulièrement les jeunes filles rurales qui, accédant au collège, ne trouvent pas d'internats pour les accueillir, ceux-ci étant dévolus, jusqu'ici aux garçons. Un énorme effort a été accompli dans ce sens par le MEN. Il demeure cependant insuffisant, comme le sont les dix bus scolaires affrétés pour le transport des élèves ruraux, dans la région de Fès uniquement. L'exigence de qualité est l'un des principes qui régissent la réforme entamée depuis quatre ans. Elle a trait, en particulier, au rôle de l'école, qui a été repensé foncièrement. En premier lieu, instruire, bien sûr, mais pas n'importe comment. Naguère, l'acte pédagogique était fondé sur la mémorisation et la reproduction. Les élèves apprenaient par cœur des fragments de textes et ne savaient pas se servir d'un livre. Ils accomplissaient leur cursus scolaire avec une méthode d'enseignement où le professeur tenait le rôle de père, sans jamais développer ni esprit critique ni sens de l'initiative, puisque l'acquisition des connaissances s'effectuait par un jeu de questions-réponses. Désormais, cette pédagogie stérilisante sera jetée aux oubliettes. Une autre, appelée de compétence, lui sera substituée. Elle veille à encourager, chez l'élève, l'exercice de la raison, du jugement, de la critique. Au lieu de le lester de connaissances, dont il se désencombrera sûrement, elle lui apprendra à apprendre. Les branches techniques représentent à peine 1 % de l'ensemble Le deuxième rôle imparti à l'école est de former à des techniques et d'adapter à des emplois. Toutes les sections sont concernées, sans exclusive. Les branches techniques en premier. Malheureusement, celles-ci sont désaffectées, représentant à peine 1 % de l'ensemble, parce qu'elles souffrent d'un préjugé défavorable. Aussi, le MEN compte-t-il les revaloriser, dès cette rentrée, afin d'y faire affluer les élèves. Les sciences mathématiques, grandes pourvoyeuses d'ingénieurs, ne sont pas non plus très courues. Alors que les sciences expérimentales et les disciplines littéraires attirent chacune 45 % de lycéens, seuls 3 % de ces derniers osent affronter les sciences mathématiques. Ce dont s'afflige le MEN, lequel envisage de sensibiliser les élèves à l'utilité gratifiante de cette branche. La fonction de l'école consiste à éduquer, c'est-à-dire à la fois instruire, éveiller à la conscience morale, imposer les règles de la vie commune et former. Les savoirs et les savoir-faire ne peuvent suffire à construire la cohésion sociale. Le sens moral, l'adhésion à des valeurs partagées et les qualités de cœur sont tout autant nécessaires que la raison pour refonder sans cesse, génération après génération, une société solidaire. D'où l'intérêt porté par le MEN à l'éducation civique, qui sera de plus en plus incluse dans les programmes, dès le primaire. Mieux, les droits de l'homme et la Moudawana seront enseignés, dès cette rentrée, dans les collèges. Un intérêt grandissant sera porté à l'éducation civique, dès le primaire L'ouverture sur le monde est une des valeurs que désire développer la réforme, d'abord en renforçant l'apprentissage des langues étrangères. Ainsi, le français est enseigné, depuis l'année dernière, à partir de la 2e année du primaire, la deuxième langue étrangère (anglais, espagnol, allemand, italien…), elle, sera étendue à tout le cycle collégial, dès la rentrée 2004-2005. Pour qu'elle puisse effectivement être mise en œuvre, la refonte de l'enseignement s'est par ailleurs accompagnée de celle des outils pédagogiques, notamment les manuels scolaires. Edités autrefois exclusivement par le MEN et rédigés anonymement, ceux-ci sont, depuis la mise en application de la réforme, conçus par des éditeurs ou des groupes d'auteurs, conformément à un cahier de charges établi par le MEN. Auparavant, ils ont été décortiqués par une commission de 63 membres. De nouveaux manuels, aérés, colorés et surtout pédagogiquement bien pensés, commencent donc à balayer les anciens, dont le contenu exhalait parfois des relents d'intolérance. Après la 1ère et 3e année du primaire (2002-2003), la 2e et 4e année du primaire et la 1ère année du collège (2003-2004), c'est au tour de la 2e année du collège d'en profiter dès cette rentrée. Mais aucune pédagogie, si percutante soit-elle, ne saurait porter ses fruits si l'espace où elle se déploie est encombré. Or, les salles accueillent souvent plus de quarante élèves, au grand désespoir des enseignants, comme le professeur Otman Benalila : « J'enseigne la philosophie dans un lycée de Casablanca, témoigne-t-il. A chaque rentrée que Dieu fait, j'hérite de classes de 45 élèves, sinon davantage. Comment capter leur attention ? Comment les faire participer tous aux débats que suscite ma discipline ? J'avoue que cela est impossible et inhumain. Et j'en ressens une profonde frustration». Le nombre d'établissements aura doublé depuis 2002 mais cela reste insuffisant Les enseignants confrontés à la surcharge des classes sont légion, bien que le MEN prétende que «seuls» 30 % des classes dépassent l'effectif de quarante élèves, norme, par ailleurs, très discutable. Pour pallier le surnombre, et ses effets désastreux, le MEN fait construire à tour de bras des établissements scolaires. Ils étaient 8 488 en 2002, ils seront 18 000 à la rentrée 2004-2005. Et c'est encore insuffisant. Au désagrément induit par le surnombre, s'ajoute, pour beaucoup d'enseignants, l'embarras de mettre en œuvre une pédagogie à laquelle ils n'ont pas été formés. Hatim, enseignant d'arabe dans un collège, le confesse sans ambages : « Je ne peux mener à bien ma mission parce que je n'ai jamais été préparé au nouveau système pédagogique. J'ai été formé au CPR par des professeurs qui préconisaient un enseignement fondé sur la répétition. On ingurgite un savoir et on le recrache tel quel. Alors, vous comprenez que je sois désarmé devant la tâche à accomplir désormais». Qu'il se rassure ! Le MEN entend organiser, à partir de la rentrée, des cycles de formation continue, dont bénéficieront pédagogues, responsables des établissements et directeurs d'académies. Comme les élèves, ils apprendront à apprendre, ainsi que le préconise la nouvelle pédagogie L'Education nationale compte revaloriser les filières techniques qui souffrent encore de préjugés défavorables et sensibiliser les élèves à l'intérêt des sciences mathématiques, pourvoyeuses d'ingénieurs et jusqu'ici désaffectées. 6 055 900 élèves, 230 000 enseignants, 18 000 établissements scolaires, tels sont les chiffres clés de la rentrée scolaire. Au chapitre nouveautés : enseignement de la Moudawana et des droits de l'homme et apprentissage de la deuxième langue étrangère à partir de la 1ère année dans les collèges. Les enseignants bénéficieront de formation continue pour s'imprégner du nouveau système pédagogique.