L'accès au Barreau pour exercer la profession d'avocat, requérant la présentation d'un dossier complet où figure notamment un extrait du casier judiciaire....qui doit être vierge. L'appât du gain facile peut être dangereux ! Une bien curieuse et étrange affaire passionne les réseaux sociaux ces dernières semaines. C'est une situation assez inédite, rarement rencontrée en temps normal. Dans une vidéo diffusée par un internaute, on voit ou plutôt on devine une dame assise à l'arrière d'une voiture s'entretenant avec un monsieur assis, lui, à côté du conducteur. Il s'agit d'un «rendez-vous» d'affaires, où il est question d'une personne incarcérée depuis un mois, poursuivie pour différents actes délictueux non anodins, comme constitution d'une bande de malfaiteurs, terme judiciaire utilisé couramment pour qualifier les escroqueries commises par plusieurs individus, en concertation les uns avec les autres. La femme dans la voiture serait la fille de celle qui est en prison, et le monsieur lui propose quelque moyen d'atténuer le verdict attendu lors d'un procès prochain. Le dialogue est assez surréaliste, et ne déparerait pas dans un bon polar. On parle argent, intervention, ...pour ne pas utiliser le terme qui fâche. En gros, le monsieur veut convaincre la dame de lui donner de l'argent. Qu'il remettra à un magistrat. Qui condamnera, au final, la dame, à une peine de prison modérée. Ce qui est qualifié par les juristes, toujours prompts à dégainer les mots qui touchent, de «corruption de fonctionnaires» ; inculpation grave qui peut valoir, à l'arrivée, quelques années de détention. Il n'existe pas un pays au monde qui prenne cette inculpation à la légère, car il en va de la crédibilité de tout un système, aussi bien juridique que politique et économique. Car, en effet, la bonne marche des affaires, et de l'économie en général, repose sur le postulat de l'honnêteté des participants, et leur bonne foi, sachant qu'en cas de problème quelconque, ils seront protégés par un système judiciaire digne de confiance. Alors, la corruption, tout le monde s'en méfie. La discussion, dans la voiture, est explicite. Une première somme de 35000 DH a déjà été versée au monsieur, qui estime qu'elle est insuffisante. Alors, il explique, argumente, fait valoir que pareil délit peut valoir plusieurs années de prison, que l'affaire est grave, que la personne détenue a reconnu les faits lors de son interrogatoire par la police, que les PV de police servent de preuve irréfutable devant un tribunal. Il en rajoute une couche, prenant son téléphone pour s'entretenir avec un mystérieux interlocuteur, qu'il appelle «Oustad», afin de se renseigner sur les peines exactes encourues par la prévenue. On n'en saura pas plus, la vidéo s'arrêtant là. Première interrogation: Qui est ce monsieur, totalement inconscient, qui tient ce genre de discours...tout en se sachant filmé par le portable de son interlocutrice ? Deuxième interrogation : Est-ce ainsi que cela se passe dans bien des dossiers jugés en correctionnel, et où l'enjeu majeur est d'éviter de lourdes condamnations d'emprisonnement? Si les réponses à ces questions demeurent floues, celle de Me Abdennabaoui, chef du parquet, ne s'est, elle, pas fait attendre. Il a immédiatement ordonné l'ouverture d'une enquête et l'arrestation de toute personne impliquée dans cette affaire, quel que soit son statut. La première réaction est venue des avocats. En quelques jours, et après une rapide vérification, ils ont déclaré que l'individu en question n'était pas des leurs, qu'il n'était inscrit auprès de quelque barreau que ce soit. Puis la presse a entrepris de mener des investigations, qui se heurtent, pour l'instant, au secret de l'instruction. Si les faits sont avérés, l'addition sera très lourde. Les intervenants risquent des peines sévères, notamment pour le présumé magistrat embarqué dans cette affaire. A côté d'une éventuelle condamnation pénale, c'est toute sa carrière qui sera ruinée. Et même après, car bien des magistrats se reconvertissent en avocat, après une carrière de fonctionnaire au ministère de la justice. Eventualité improbable, l'accès au barreau pour exercer la profession d'avocat, requérant la présentation d'un dossier complet où figure notamment un extrait du casier judiciaire....qui doit être vierge. L'appât du gain facile peut être dangereux !