Plus de 20 sociétés cotées présentent un rendement de dividende supérieur à celui des obligations à10 ans. Ces obligations déguisées peuvent être classées selon trois critères. Il est possible aujourd'hui de trouver des actions combinant dividendes élevés et cours en hausse. Faut-il parier sur les valeurs de rendement ? Voilà la question qui préoccupe en ce début d'année boursière bon nombre d'investisseurs et qui divise aussi les professionnels de la gestion d'actifs. Pour bien comprendre l'enjeu, il faudrait, de prime abord, rappeler qu'en tant qu'investisseurs en Bourse, votre rémunération globale est à la fois composée de dividendes (une partie du résultat net, voire parfois des réserves de la société, distribuée annuellement sous forme de coupon par action) et de plus-value éventuelle (hausse du cours du titre). La contribution de chaque composante à la rentabilité réelle des actions diffère généralement d'un pays à l'autre (cf. encadré), varie selon les périodes d'observation et change au gré des caractéristiques propres à chaque secteur. Au Maroc, l'absence d'études et de statistiques établies sur une période suffisamment longue rend, certes, toute comparaison hasardeuse. Il est toutefois possible, au vu de leurs performances récentes et de leurs perspectives avérées, de savoir quelles sont les sociétés cotées à la Bourse de Casablanca qui peuvent être estampillées comme «valeur de rendement». De même qu'il est utile d'analyser, de façon prospective, la pertinence et les limites d'une stratégie de rendement. L'année écoulée a été, sur le registre des dividendes, une année exceptionnelle pour la place casablancaise car le volume distribué (au titre de l'exercice 2003) a atteint un montant de 5,14 milliards de dirhams, en progression de 21 % pour un rapport dividendes/bénéfices (appelé pay-out) de plus de 84 %. Un niveau favorisé, sans doute, par une distribution record de dividende exceptionnel (puisé des réserves) mais qui atteste, au passage, que les quatre années de correction boursière (1999 – 2002) ont radicalement changé la donne et que le marché est en passe d'en prendre conscience pleinement. En effet, par gros temps, l'arme du dividende retrouve son éclat car l'appât du dividende sert à contenir la désaffection des investisseurs vis-à-vis des placements risqués et à compenser la chute des cours. Mais, maintenant que les indices boursiers retrouvent le chemin de la croissance, avec +32 % en 2003 et +15 % en 2004, reste à savoir si l'élan de générosité envers les actionnaires devrait se maintenir ou s'émousser. Trois facteurs militent en faveur de la persistance de l'engouement pour les dividendes. D'abord, il est tout à fait admis que les envolées des cours enregistrées de 1993 à 1998 seront très difficilement «rééditables» au cours des dix prochaines années car les valorisations à l'échelle mondiale sont revenues à des niveaux raisonnables. Aussi, les actionnaires semblent-ils avoir plus envie de toucher du cash que de rêver d'une hausse vertigineuse des cours. Deuxième argument : le marché n'est plus chèrement valorisé comme lors des précédents cycles de croissance, avec un PER (rapport capitalisation sur bénéfices) estimé, pour 2004, à 16,5, au moment où les coupons sont exceptionnellement généreux. Conjuguée à la baisse structurelle des taux d'intérêt, notamment sur la partie longue de la courbe, cette situation débouche sur un phénomène encore inédit au Maroc. Le nombre des actions cotées à la BVC, dont le dividend yield (dividendes /dernier cours boursier de l'exercice : D/Y) est supérieur au taux de rendement à l'échéance des obligations d'Etat à 10 ans (4,95 % à fin 2004), atteint des records (voir tableau page suivante). Le cas de Maghrebail, toujours peu auréolé par le marché, avec un PER de 13,24, est encore plus révélateur de cette nouvelle donne puisque son rendement dividende anticipé pour 2004 dépasse même ceux de certaines de ses lignes d'endettement obligataires. Enfin, les titres qui assurent un tel rendement n'ont pas besoin d'enregistrer des plus-values mirobolantes pour assurer une rémunération correcte de l'actionnaire. Dans de telles conditions, ils présentent des avantages proches des obligations, notamment pour la rémunération régulière, tout en préservant un espoir de plus-value. Un pari qui s'est avéré gagnant, par exemple, pour les actionnaires de sociétés telles Afriquia Gaz, Auto-Hall ou Auto-Nejma qui, pour compenser une performance peu éclatante en 2003, avaient distribué un dividende généreux l'année suivante, relayé par une franche reprise de la valorisation puisqu'en 2004 elles figuraient à la fois au Top Ten des meilleures progressions de cours et parmi les sociétés de rendement les plus en vue (D/Y espéré allant de 5 % à 8 %). Ce dernier argument aurait même, selon les observateurs, fait sillage parmi les caisses de retraite et les compagnies d'assurances marocaines dont la principale contrainte est de couvrir les sorties liées aux indemnisations et au paiement des rentes. Car, à plus de 5 %, la couverture du besoin de rendement courant (rappelons que le taux minimum garanti de capitalisation des produits d'épargne a été ramené à 3,25 % en 2004) est largement assurée, tout en attendant une éventuelle revalorisation. Compte tenu du poids de ces institutions sur le marché, les valeurs de rendement de la place casablancaise ont encore de beaux jours devant elles. Alors, si ces atouts vous paraissent des plus convaincants au point d'envisager de sélectionner des actions de rendement pour un fond de portefeuille, sachez qu'il importe d'investir dans plusieurs secteurs pour un souci de diversification, mais surtout en appliquant trois critères. 1- Identifier les valeurs au D/Y nettement supérieur au marché et qui ont surtout la capacité de maintenir durablement de gros coupons En effet, certaines sociétés distribuent ponctuellement un dividende très élevé car elles ont dégagé un résultat net exceptionnel et n'ont pas de projet immédiat d'investissements importants. Leur D/Y de l'année en question se trouve donc boosté de façon éphémère, surtout si le pic du résultat n'a pas été anticipé, donc intégré au cours avant la clôture de l'exercice. Pour 2004, Wafa Assurances et Zellidja présentent ce profil d'un rendement potentiel de dividende anormalement élevé, avec un résultat nettement revigoré par les plus-values ou par un bénéfice exceptionnel. Des plus-values sur les titres Wafabank (cédés à la BCM) pour la nouvelle filiale d'Attijari Wafabank, et un bénéfice des plus exceptionnels pour Zellidja suite à la cession de son trésor de 478 459 actions BCM, avec une plus-value de l'ordre de 350 MDH pour un résultat net habituel autour de 20 MDH seulement ! Aussi est-il important de se concentrer sur les sociétés dont le management a démontré son souci de l'actionnaire par une augmentation régulière de sa rémunération, et ce sans nuire aux équilibres financiers car les dividendes ne peuvent pas croître indéfiniment plus vite que les profits. 2- Viser les sociétés dont la valorisation est inférieure au marché, notamment au regard du PER et du P/B (multiple fonds propres) Un point qui a son importance car la régularité des coupons généreux n'est jamais garantie. Ainsi, avec une société «sous-valorisée», on dispose en sus du rendement du dividende d'un espoir de plus-value intéressant. Des sociétés telles Sonasid, Aluminium du Maroc (PER 2004 respectifs de 7,8 et 9,8 contre 16,5 pour marché) et, dans une moindre mesure, Holcim se rangent parfaitement dans ce registre de valeurs de rendement (voir tableau) aux valorisations tout aussi intéressantes. 3- Sélectionner les entreprises présentant un endettement raisonnable Un dernier point tout aussi crucial, car il ne faut pas perdre de vue que, plus la société est endettée, plus son résultat est volatil et plus l'actionnaire devient la variable d'ajustement. Aussi, les sociétés les moins endettées traversent-elles mieux les aléas de la conjoncture (baisse de la croissance économique, hausse des taux d'intérêt…) et présentent donc une meilleure probabilité de maintien de la profitabilité et de la distribution du dividende. Néanmoins, ne vous méprenez pas, quelle que soit la pertinence de votre sélection, car si les actions de rendement dites «obligations déguisées» ont l'avantage d'être moins exposées aux chocs boursiers, elles demeurent toujours sujettes aux risques liés aux investissements en actions. A leur tête, la volatilité qui est sensiblement plus élevée que les produits obligataires. Le tableau (ci-dessous) donne un aperçu sur les valeurs marocaines qui offrent un rendement alléchant, notamment supérieur au taux actuel des obligations à 10 ans. Il en ressort que les sociétés qui dégagent structurellement un D/Y intéressant et qui devraient le confirmer en 2004, selon tous les indicateurs disponibles, sont répertoriées, en premier lieu, dans les secteurs dits cycliques, tels ceux des biens d'équipement, de la chimie, des biens intermédiaires (emballage), de la sidérurgie, de l'automobile, du transport ou encore les plus traditionnels, comme le secteur pétrolier. Une donnée qui s'explique par la nature même de ces valeurs : les cycliques sont des groupes habituellement mal valorisés sur le marché (Auto-Hall, Auto Nejma, CTM ou Afriquia Gaz en sont la parfaite illustration), qui cherchent avant tout à défendre leur position, à protéger leur rentabilité et à rémunérer leurs actionnaires de façon satisfaisante, quelle que soit la conjoncture. C'est pour ces raisons qu'elles privilégient d'abord l'option qui consiste à générer du cash-flow. Un luxe que ne peuvent se permettre les valeurs de croissance qui évoluent dans des activités en plein développement, telles l'agroalimentaire (production et distribution), la technologie, les télécoms. Celles-ci sont, certes, généralement mieux valorisées, car elles sont moins exposées aux cycles économiques, mais leur taux de croissance à deux chiffres a pour tribut l'utilisation, pour une grande partie, de leur cash-flow pour financer leur expansion. C'est le cas, par exemple, des groupes opérant dans le secteur des produits de grande consommation tels Oulmès, Cosumar ou Unimer, ou encore dans celui de la pharmacie, où les importantes dépenses de recherche et développement sont inévitables, et qui aura bientôt un premier représentant à la Bourse de Casablanca. Une dichotomie qui risque de tourner encore à la faveur des premières car, tant que les années de purge boursière entretiendront la «riscophobie» des investisseurs, ces derniers continueront à préférer les coupons à court terme aux promesses à long terme. En attendant que certains tropismes se dissipent et que le marché fasse un distinguo intelligent entre financement sain du développement et aventure hasardeuse, vous arriverez heureusement à trouver encore des valeurs qui présentent à la fois le caractère de rendement et de croissance. La nouvelle pépite du marché, Maroc Telecom, en fait évidemment partie, avec une activité en forte croissance depuis plusieurs années et une distribution de dividende des plus généreuses. En 2004, sur la base d'un résultat net estimé en progression de 10 % par rapport à son niveau de 2003 (en ligne avec la performance du premier semestre), et d'un pay-out de 75 % (le minimum statutaire est de 50 %), un dividende espéré de 4,8 DH par action aboutirait à un D/Y de 5,5 %. Cela sans compter le potentiel de hausse du titre, qui a déjà fait le bonheur des premiers souscripteurs à son introduction. D'autres sociétés telles Branoma, LGMC ou Lesieur affichent, avec succès, à leur tour, cette double marque de fabrique. A vous, donc, de faire votre marché, mais sachez que la Bourse a parmi ses principales vocations d'être un indicateur avancé de l'économie. Ainsi, la valeur est entièrement contenue dans la capacité à anticiper, notamment pour les tenants du rendement, le niveau de distribution de dividende. Une fois la nouvelle connue, le potentiel de progression du cours est quasi nul 5,14 milliards de DH ont été distribués au titre de 2003, en progression de 21 % pour un rapport dividendes/bénéfices de plus de 84 %. La crise boursière a radicalement changé la donne et le marché est en passe d'en prendre pleinement conscience. Plus la société est endettée, plus son résultat est volatil et plus l'actionnaire devient la variable d'ajustement. Aussi, les sociétés les moins endettées présentent une meilleure probabilité de maintien de la profitabilité et de la distribution du dividende.