A plus d'un an des communales, les partis commencent à communiquer. Les petites formations en quête d'alliances. Mode de scrutin et découpage électoral ressurgissent dans les débats. Branle-bas de combat électoral à Benhamdouch, Fask et Anemzi : jeudi 13 mars, les trois communes, situées respectivement dans les provinces d'El Jadida, Guelmim et Khénifra élisaient une trentaine de conseillers communaux. Les résultats ont été largement dominés par l'Istiqlal. Ce jour-là, le parti du Premier ministre a raflé 16 des 34 sièges mis en jeu, contre 10 pour l'USFP, 4 pour le RNI, 3 pour le PSU et un seul pour le Parti socialiste de Abdelmajid Bouzoubaâ, et avec un taux de participation plutôt honorable pour des élections partielles, post-7 septembre 2007 de surcroît : 44 %. Organisées à la suite de la dissolution du conseil communal de Sidi Ali Benhamdouch, bloqué depuis 2006 par le refus de sa majorité d'approuver des budgets communaux, et au lendemain de la chute de cinq conseillers de Fask, arrêtés en flagrant délit de vente de voix aux dernières législatives, ces résultats préfigurent-ils le paysage communal qui nous attend au lendemain des élections de 2009? Une chose est sûre, échaudés par leur expérience désastreuse des dernières législatives, les partis ont entamé les préparatifs du prochain rendez-vous électoral plus tôt que de coutume. Débats enflammés autour des dossiers de l'attribution des terrains du FUS à Rabat ou de la révision du contrat de Lydec à Casablanca, présentation des ambitions partisanes, comme au PPS, qui, samedi 15 mars, annonçait, à l'occasion d'une journée d'études sur les élections locales et professionnelles, son intention de se présenter dans 12 000 circonscriptions et de porter le nombre de ses élus locaux de 1207 à 2500, nos politiques (re)commencent. Une opération de charme qui démarre alors que la plupart des grosses formations sont en pleine restructuration, quand elles ne sont pas à quelques mois d'un congrès déterminant pour leur avenir. C'est le cas de l'Istiqlal, qui devra bientôt se réunir pour désigner un nouveau secrétaire général, mais aussi du PJD, que les préparatifs de son congrès national, prévu en juillet prochain, n'ont pas empêché d'organiser le mois dernier une caravane moralisante à Ksar El Kébir, Meknès et Marrakech. L'USFP n'échappe pas à la tendance puisque, à la veille du congrès destiné à réformer sa ligne politique, le parti de la rose a déjà entamé l'étude du terrain. Quant au MP et au RNI, la réorganisation en cours de leurs structures devrait s'avérer doublement bénéfique en les redynamisant tout en favorisant l'émergence des futurs candidats. Petites structures cherchent partenaire Moins présentes à travers le pays, les petites structures ne sont pas en reste côté préparatifs, même si ces derniers se font sous le signe de la recherche d'alliances. «La commission des élections se réunit, elle continue d'évaluer les résultats des législatives tout en préparant les communales. Une session du conseil national est prévue pour le 13 avril prochain», indique Mohamed Moujahid, secrétaire général du PSU, qui précise que cette dernière devra notamment décider si le parti participera aux élections en solo ou avec des partenaires, auquel cas la priorité serait donnée à ses alliés du 7 septembre dernier, le Congrès national ittihadi et le PADS. Pendant ce temps, Abdelkrim Benatiq, secrétaire général du Parti travailliste place la barre très haut pour sa jeune formation : «Cette année, nous travaillons à restructurer le parti, puis nous allons préparer le combat de 2009. Pour ces échéances, l'objectif est de couvrir l'ensemble du Maroc», annonce-t-il, tout en se déclarant ouvert à une alliance avec la gauche. Des partenaires pour les communales, l'on en cherche aussi du côté des libéraux. «Les préparatifs des élections ? Nous n'en sommes pas encore là: nous en sommes au stade de la recherche d'une coalition pour la constitution de listes communes avec d'autres partis», indique Ali Belhaj, président de l'Alliance des libertés (ADL). Une coalition pour laquelle Forces citoyennes reste un allié de choix, mais pas le seul. En effet, le leader d'ADL, dont l'unique parlementaire évolue au sein du groupe «Authenticité et modernité», estime qu'il n'est pas très logique pour des formations politiques appartenant au même groupe parlementaire de se faire de la concurrence pour obtenir des sièges au niveau des communes. Toutefois, si alliance il y a entre les partis appartenant au groupe El Himma, cette dernière devrait se limiter à des accords entre les partis concernés et ne concernerait pas un mouvement commun. «On ne peut parler d'alliance dans le cas du groupe parlementaire, car il ne s'agit pas d'un parti politique mais d'un ensemble de partis. Les partis peuvent parler d'alliance, entre eux, mais au niveau du groupe parlementaire cela ne s'est pas fait et il n'y a pas lieu que cela se fasse», explique Fatiha El Ayadi, membre du groupe. Attendues pour 2009, à une date qui reste à déterminer, les prochaines élections communales devraient permettre de remplacer les 22 944 élus du 12 septembre 2003. Désignés à l'issue d'une opération de vote qui avait mobilisé un peu moins de 8 millions d'électeurs et 27 partis poltiques, les conseillers communaux sortants avaient été élus par un double mode de scrutin : proportionnel de liste au plus fort reste pour les 3 494 sièges des circonscriptions de plus de 25 000 habitants, et uninominal à un tour pour les 19 450 sièges des circonscriptions de moins de 25 000 habitants. Un taux de participation plus élevé par définition ? Un système qui avait apporté son lot de surprises. Ainsi, si l'Istiqlal a confirmé en 2003 sa forte implantation locale en remportant le plus grand nombre de sièges (3 890 au total), l'USFP, avec ses 3 375 sièges, avait fait une entrée remarquée dans les petites villes tout en reculant dans les grandes où il avait cédé la place, entre autres au PJD avec ses 593 élus. Aujourd'hui, alors que les négociations sont encore en cours entre les partis et les autorités, concernant le scrutin à venir, les traditionnelles divergences sur le mode de scrutin n'ont pas manqué de ressurgir entre partisans d'un retour au scrutin uninominal et ceux d'un élargissement de l'application du scrutin de liste. «Nous voulons un mode de scrutin plus démocratique, le scrutin uninominal à la majorité relative à un tour, et nous le voulons non seulement dans les communes de plus de 25 000 habitants mais aussi dans celles de plus de 50000 habitants», insiste Me Abdelaziz Alaoui Hafidi, président du groupe parlementaire du RNI à la Chambre des représentants. «Nous demandons à ce que le scrutin de liste passe d'un seuil de 25000 habitants à 12 000, voire 10 000», affirme, à l'opposé, Lahcen Daoudi, deuxième vice-secrétaire général du PJD, dont l'appel coïncide avec celui du PSU. Pourtant, aussi bien le scrutin uninominal que le scrutin de liste posent problème : favorisant le contact direct entre les électeurs et les candidats, le scrutin uninominal apparaît plus à même d'encourager la participation des électeurs que le scrutin de liste. Toutefois, on lui associe un risque plus élevé de corruption. Quant au scrutin de liste, il a pour défaut de réduire l'écart entre petites et grandes formations, faisant craindre l'apparition de majorités éclatées, et donc affaiblies, ce qui amène Lahcen Daoudi à proposer la mise en place d'un seuil de 10% de voix au niveau local pour limiter les dégâts. Enfin, certains appellent à la mise en place d'une troisième formule : le scrutin uninominal à deux tours, mais il reste à déterminer si, dans notre culture politique, les candidats perdants accepteraient d'appeler à voter pour leur adversaire au deuxième tour. Les communales suscitent un intérêt car en relation avec le quotidien du citoyen Le découpage électoral devrait également faire l'objet de discussions importantes au cours des mois à venir, certains se prononçant pour un découpage plus logique, mieux à même de favoriser le développement des communes, même si, du côté du PJD, l'on craint un «charcutage» à l'image de ce qui s'est passé aux dernières élections législatives, comme le souligne Lahcen Daoudi. Mobilisés sur le plan de la communication, soutenus par un mode de scrutin uninominal encore très présent au niveau local, les partis politiques parviendront-ils à convaincre davantage d'électeurs de faire le déplacement jusqu'aux urnes qu'en septembre ? Interrogés, la plupart des acteurs politiques ne semblent pas trop inquiets. «Les élections locales, en tout cas chez nous, intéressent plus les gens que les élections législatives, car les candidats sont des candidats de proximité et les problèmes qui se posent sont les problèmes du quotidien. Il devrait donc y avoir une plus grande participation, à moins que le mal ne soit beaucoup plus profond, ce qui m'étonnerait», indique Ismaïl Alaoui, secrétaire général du PPS. Bien que moins stratégiques que les élections législatives, les communales devraient en effet susciter l'intérêt d'un plus grand nombre de personnes car traitant de problèmes plus concrets à leurs yeux. Espérons seulement qu'à trop vouloir communiquer nos partis ne provoqueront pas la lassitude des électeurs…