Abbas El Fassi s'est engagéà le former d'ici le 13 octobre. Une équipe de moins de trente ministres et un nombre de ministères de souveraineté réduit. Les alternatives à l'USFP : l'UC d'abord, le PJD ensuite. La Koutla survivra-t-elle à l'épreuve ? Au bout de combien de temps Abbas El Fassi parviendra-t-il à constituer son gouvernement ? A l'heure où nous mettions sous presse, à l'Istiqlal, l'ambiance semblait à l'optimiste, certains déclarant, officieusement, que l'architecture à peu près finale de l'exécutif sera prête, pour être soumise à la validation du Souverain d'ici mercredi 3 octobre. Officiellement cependant, on prend ses précautions : dans une dépêche publiée le 25 septembre par l'agence MAP, reprise par le site officiel du Maroc, www.maroc.ma, le nouveau Premier ministre annonçait que le prochain gouvernement serait prêt à temps pour la rentrée parlementaire, prévue pour le 13 octobre. Officiellement toujours, les négociations avec les composantes de la future majorité parlementaire avancent bien, et le parti de Abbas El Fassi le fait savoir à travers sa presse : ce même 25 septembre, le quotidien l'Opinion parlait d'un gouvernement de moins de trente ministres et de négociations en deux étapes. La première consistant en une série de rencontres destinées à exposer le programme du nouveau gouvernement à différentes formations. Ainsi, dans les deux jours qui ont suivi sa nomination à la Primature par le Souverain, mercredi 19 septembre, Abbas El Fassi a eu des rencontres successives avec les dirigeants de l'USFP, du Mouvement populaire, du RNI, et du PPS, élargissant ensuite son champ d'action au PJD de Saâd-Dine Elotmani, rencontré dans la soirée du lundi 24, ensuite l'UC de Mohamed Abied et le PSU de Mohamed Moujahid. De nouvelles rencontres étaient prévues pour le reste de la semaine. Deuxième étape, une tournée auprès des partis candidats à la participation au gouvernement en vue de discuter de la composition gouvernementale, son architecture, et la répartition des portefeuilles ministériels. Ce deuxième round de négociations semble être déjà en partie entamé, notamment avec le Mouvement populaire et le RNI, par définition des partis piliers du gouvernement. «Le Mouvement populaire ne voit, au vu des circonstances, pas d'empêchement à participer au gouvernement», annonçait deux jours après la nomination du Premier ministre, Saïd Ameskane, porte-parole du MP. L'on remarquera un soutien similaire du côté du RNI de Mustapha Mansouri qui avait visiblement trouvé un terrain d'entente avec l'Istiqlal avant même la nomination du Premier ministre. L'architecture finale connue d'ici une semaine? Au final, les choses sont assez avancées pour que des sources au sein de l'Istiqlal affirment que le gouvernement devrait se distribuer de la manière suivante : sept portefeuilles pour le PI, cinq pour le MP (41 sièges au Parlement) ainsi que le RNI (39 sièges) et l'USFP (38 sièges), et enfin deux à trois portefeuilles pour le PPSd'Ismaïl Alaoui. Au final, l'on devrait se retrouver avec environ vingt-cinq portefeuilles relevant des différentes formations politiques, auxquels il faudra ajouter les traditionnels ministères de souveraineté dont deux, selon les résultats de négociations en cours, pourraient aller à des personnalités partisanes : la Santé et les Affaires sociales. Par ailleurs, la présidence de la Chambre des représentants devrait très probablement revenir au secrétaire général du parti haraki et ministre de l'agriculture sortant, Mohand Laenser, le siège venant compléter l'assortiment de portefeuilles, et tenir compte de l'importance du groupe parlementaire de la Mouvance populaire. En attendant la confirmation de toutes ces tendances, les candidats ministrables se pressent dans les couloirs des partis. Lobbying, renvoi d'ascenseur, tous les moyens sont bons pour accéder à l'un des postes prévus, et les candidats n'ont pas toujours le profil adéquat, si bien que certains appellent à inverser le mode de distribution des ministères, en appelant les partis à mettre en avant leurs meilleurs profils et distribuer les ministères en fonction de ces derniers, au lieu de partager les portefeuilles entre les formations et laisser à ces dernières le soin de trouver les profils adéquats. Autant de détails à régler au cours des rencontres à venir, et qui ne semblent pas trop inquiéter ni l'Istiqlal ni ses alliés. En fait, le véritable souci du PI se situe à sa gauche. Un hic appelé USFP En effet, bien que les progrès enregistrés depuis la nomination du nouveau premier ministre laissent entendre que la formation du nouveau gouvernement prendra bien moins de temps qu'en 1997 ou 2002, l'essentiel de la deuxième phase des négociations ne commencera que ce vendredi 28 septembre, à la lumière des résultats du conseil national de l'USFP de la veille, jeudi 27 septembre. En effet, à l'heure où nous mettions sous presse, le parti socialiste, membre de la Koutla, premier cercle d'alliance de l'Istiqlal, et l'une des premières formations contactées par l'Istiqlal au lendemain de la proclamation des résultats du 7 septembre dernier, voyait encore sa participation au gouvernement suspendue à la décision du conseil national, véritable «Parlement» du parti, fermement décidé à sanctionner sa direction à la suite des résultats insatisfaisants obtenus aux élections. Une chose est sûre, à la veille de la rencontre, le bureau politique de l'USFP, dans sa majorité, était pour une participation au gouvernement et avait bien l'intention de défendre cette thèse devant le conseil national. Mais, face à des militants déçus tentés par un retour à l'opposition, le mystère quant à la décision finale aura plané jusqu'au bout, la thèse la plus souvent évoquée étant celle d'un accord quant à une participation au gouvernement mais sous des conditions sévères. Ironie du sort, en 1997, c'était l'Istiqlal, lourdement pénalisé par des élections marquées par la griffe Basri, qui avait choisi de discuter de sa participation au gouvernement dans le cadre d'un congrès extraordinaire, retardant la formation du gouvernement Youssoufi. Cinq ans plus tard, en 2002, l'USFP en avait fait de même, après la nomination d'un Premier ministre technocrate en la personne de Driss Jettou, là où l'on attendait un membre de la Koutla. «Lors du débat, la majorité des intervenants était contre la participation au gouvernement Jettou, mais le bureau politique avait demandé une délégation du comité central, qu'il avait obtenue, et le parti avait alors opté pour la participation», explique Younès Moujahid, membre de l'USFP. Aujourd'hui, toutefois, rien ne laisse présager que les choses seront aussi faciles au sein de l'USFP, surtout après la performance décevante du parti. Istiqlal : «Les socialistes ont promis d'être avec nous, qu'ils tiennent leurs engagements» L'Istiqlal, lui, ne l'entend pas de cette oreille, du moins a-t-il un argument contractuel à mettre en avant. Après tout, l'USFP, l'Istiqlal et le PPS ont signé et dûment médiatisé une déclaration commune dans laquelle les trois formations se promettaient de rester ensemble, au gouvernement ou à l'opposition. Après un scrutin généralement transparent, où peu après la proclamation des résultats, le secrétaire général de l'Istiqlal, Abbas El Fassi, avait montré qu'il avait bien l'intention de respecter l'accord. Un revirement de l'USFP serait forcément mal pris par l'Istiqlal. «La politique, ce n'est pas un moment, c'est un processus, il y a demain, après-demain, et ce qui va venir après : 2009, 2012», clame-t-on au PI. «N'avions nous pas dit, une semaine avant les élections, que nous entrerions au gouvernement ensemble ?», proteste ce cadre istiqlalien qui ajoute que l'USFP n'a qu'à «respecter ses engagements comme spécifié dans la déclaration commune. Cette dernière n'indique pas que si nous voulons entrer ou sortir ensemble, il faut revenir vers le conseil national». Sans le dire ouvertement, on accuse l'USFP de vouloir revenir sur sa promesse dans un accès de mauvaise humeur à la suite de sa contre-performance aux élections, voire d'essayer de profiter de la situation pour obtenir plus de portefeuilles que ne lui en permet véritablement son poids à la Chambre des représentants. PJD au gouvernement : quatre partis seulement pour une majorité Vue sous cet angle, l'annonce des contacts diplomatiques entre le PI et l'UC ainsi que le PJD prend des allures d'avertissement à l'égard du parti de la rose. En effet, au-delà du risque de mort de la Koutla pour non-respect des engagements collectifs, les gestes de l'Istiqlal laissent entendre que le parti saura se débrouiller sans son allié socialiste dans la formation d'un gouvernement. Première alternative envisagée : une alliance avec l'UC, option considérée comme jouable mais difficile qui entraînerait de facto le renvoi de l'USFP et du PJD à l'opposition. Toutefois, incapables de cohabiter au gouvernement, l'USFP et le PJD pourront-ils y parvenir sans dégâts dans l'opposition ? Autre option : l'alliance avec le PJD. Elle entraînerait nécessairement une réorganisation du gouvernement, seuls quatre partis étant nécessaires pour le former (PI, PJD, MP, RNI), et signifierait également un nombre de portefeuilles plus important à concéder de la part du parti vainqueur. Moins probable que l'option UC, une telle composition mettrait très probablement un terme aux visées du MP sur la présidence de la Première chambre puisque le parti islamiste ne manquerait pas de le réclamer en guise de lot de consolation pour ne pas avoir obtenu la Primature. «Il faudrait que le PJD ait autant de ministères que l'Istiqlal, dans le cas où la présidence du Parlement irait aux Harakis», indique-t-on du côté du parti islamiste, Au final, quelle que soit l'option retenue, la formation d'un gouvernement sans l'aide de l'USFP reste réalisable, quoique visiblement moins confortable, ce qui explique aussi pourquoi, au-delà des engagements passés, le parti de Abbas El Fassi ne ferme pas la porte à son allié. Mieux, bien que l'USFP soit classé en cinquième position, il semble bien placé pour obtenir un nombre de portefeuilles égal à ceux du RNI et du MP. Une marque de générosité de la part du parti de M. El Mansouri, signale-t-on au PI. De la décision du conseil national de l'USFP découlera tout le reste. Si ce dernier «exprime des demandes raisonnables, il n'y aura pas de problèmes», explique-t-on à l'Istiqlal, «s'il dépasse le raisonnable, à ce moment-là, j'imagine que Abbas El Fassi va demander l'avis des autres formations politiques», indique ce cadre du parti de la balance qui souligne que le RNI et le MP s'organisent déjà pour riposter, face à une telle situation.