Faire de la sollicitude royale un atout, de la koutla un bouclier, de l'évincement du PJD de l'équipe gouvernemental une assurance et des conditions posées par le Conseil national une base de repli : Voilà comment Mohamed El Yazghi négociait la participation de son parti l'USFP au gouvernement Abbas El Fassi. Les choses n'étaient pas de tout repos, pourtant. Abbas El Fassi n'en faisait pas un secret : Mohamed El Yazghi a placé la barre haut, lors des négociations de sa part au gouvernement. Aux syndicalistes, avec lesquels il a tenu des réunions de concertation, il a explicitement fait remarquer que : « le leader de l'USFP a posé des conditions presque insurmontables ». Le Premier ministre fraîchement nommé par le Souverain est pourtant conscient « que le poids politique du parti lui permet une bonne position ». Une confession, faite apparemment pour être divulguée?:? «S.M Le Roi Mohammed VI m'a explicitement commandé de prendre en considération le poids politique de notre allié ». Une consigne royale qui vaut son pesant en portefeuille, pour le chef de file socialiste. « Mohamed El Yazghi, note cet observateur de la scène nationale, veut tirer le maximum de la situation actuelle ». Et d'ajouter?: « il est certes dans son droit, l'art de la négociation est à mi-chemin entre le profit et l'engagement » pris avec les alliés de la koutla. En clair : « Mohamed El Yazghi a d'abord demandé sept sièges à Abbas El Fassi ». Une manière d'insinuer que les urnes n'ont pas eu d'effet corrosif sur son statut issu de 2002. Point de départ pour les uns, diktat pour les autres, les conditions posées par Mohamed El Yazghi n'ont pas trouvé preneur. Réponse donc de Abbas El Fassi?: « quatre sièges seulement, à l'instar des deux premières composantes de la majorité sortante, à savoir le MP de Mohand Laenser, le RNI de Mustapha Mansouri, à prendre ou à laisser» note un membre du comité exécutif du PI, parti du Premier ministre. Quatre portefeuilles ont été proposés aux socialistes. À savoir les Finances, la Pêche maritime, l'Enseignement supérieur et enfin, le Commerce et l'Industrie. Les profils restent à déterminer. En matière d'appétit gouvernemental, le PPS, le parent pauvre de ladite majorité n'a pas été en reste. En réaction à la démarche de leur allié au sein de la koutla, les dirigeants du parti de Smail Alaoui ont demandé un siège en plus. Arithmétique à l'appui. « Notre parti ? Et son nouvel allié le FFD de Thami khiari compte quelque 27 sièges au Parlement. Soit la moitié de ceux obtenus par le premier parti du pays. À Abbas El Fassi d'en tirer les conclusions ». Les socialistes marocains de l'USFP ont décidé de participer au gouvernement du Premier ministre désigné du Maroc, Abbas El Fassi mais à condition de «négocier préalablement» cette participation, a-t-on appris vendredi à l'aube auprès de ce parti. L'art de la politique voulant que :« pas de négociation sans préparation, mais pas de négociation sans improvisation. Jusqu'à la dernière minute, tout peut basculer ». Radi au Parlement au nom de la koutla Selon des sources istiqlaliennes, l'éventualité n'effraie pas Abbas El Fassi. « Vous savez, mon grand honneur c'était de présider aux destinées de mon Parti», aurait-il confié à un responsable syndical. Enchères contre enchères ? Une chose est sûre, ni l'un ni l'autre n'est dupe. Mohamed El Yazghi a beaucoup peiné pour convaincre les siens. Les membres du Conseil national. Après des travaux marathoniens qui ont duré douze heures, le jeudi 27 septembre dernier, la décision de participer a été votée à la «majorité écrasante» par environ 200 membres du Conseil national. Le bureau politique a certes obtenu quitus, il n'en demeure pas moins que le Premier secrétaire savait mieux que personne que : « Le conseil national, dans sa résolution, appuie le bureau politique dans ses discussions en cours, en vue de la formation d'un gouvernement ». Ou encore : «il lui octroie les pouvoirs de négocier sous des conditions». Mais négocier «la composition du gouvernement sous des conditions», peut mener, effectivement à revoir la résolution même, car «toutes les options restent ouvertes y compris celle de la non participation, bien que les chances de cette dernière sont infimes», comme l'a signalé Younès Moujahid, le secrétaire général du Syndicat national de la presse et membre du conseil national de l'USFP. Mohamed Guessous, l'intello de l'USFP a renchéri. Preuve que la direction n'a pas les coudées franches. « Le Conseil national a délégué au bureau politique le pouvoir de négocier la composition du gouvernement », mais c'est un pouvoir qui est loin d'être irréversible. Contrainte ou atout ? En fait, une base de repli, pour une attaque plus vigoureuse. À tout le moins au début.Y ajouter la conviction que le PJD n'est pas encore prêt à se fondre dans le paysage interne de la gouvernance, revient à rétrécir encore plus la marge de manœuvre du Premier ministre. Autre question : le PI et l'USFP peuvent-ils, pour un simple calcul politique, enterrer la Koutla ? Rien n'est moins sûr. Mohamed El Yazghi en fait d'ailleurs d'une pierre deux coups. Convaincre à l'intérieur d'un parti et faire pression à son extérieur ! «Il est des moments où les négociations ne tenaient qu'à un fil», note un membre du bureau politique qui a requis l'anonymat. Mohamed El Yazghi est, on ne peut plus conscient, que le but de toute négociation « est de trouver un accord ». Du coup, il est prêt à faire des concessions. En contre-partie, plusieurs membres politiques lui reprochent «une gestion purement individuelle, dans les grandes traditions patrimoniales» note un éditorialiste d'Al Ahdath Almaghribia. Et le camp des opposants va en grandissant : Après la volte face de Abderrafii Jouahri, pourtant très proche du Premier secrétaire, c'est au tour de Abdelhadi Khayrat, Achaari et Driss Lachgar de sortir leurs griffes. Bien que le premier secrétaire ait confié à ses camarades que le PPS et l'Istiqlal ont donné leur aval pour que Radi se représente au perchoir au nom de la koutla. En conclusion, le bureau politique de l'USFP a mis la pression sur El Yazghi pour qu'il renégocie un cinquième portefeuille ministériel. Mis au pied du mur sur le nombre des portefeuilles et la gestion des négociations, Mohamed El Yazghi aurait menacé de jeter l'éponge ! Un rapport de force, qui ne dit pas son nom. En dépit de toutes les tractations, un consensus autour des propositions de Abbas El Fassi a été des plus hypothétiques ! « La feuille de route est trop étroite et les retournements de situation prévisibles », note une militante de proue.