Dépassement des horaires légaux de travail, nuisances sonores, poussière, occupation du domaine public... Les chantiers de construction portent souvent préjudice aux riverains. La loi 11-03 interdit tout bruit susceptible de causer une gêne. Aucun contrôle de la part des autorités n'est effectué. Nouvelles lignes de tramway, projets immobiliers, élargissement des avenues, pose de câbles, fibre optique : les chantiers de construction et de BTP se multiplient au Maroc. Il n'y a qu'à faire un tour dans les principales villes du pays pour s'en assurer. On s'en félicite car c'est un bon signe pour l'emploi et la croissance. Un hic cependant, certains projets, pour ne pas dire tous, ne répondent pas forcément aux règles élémentaires de respect du voisinage et des horaires de travail. Beaucoup de riverains se plaignent des nuisances sonores à des heures où ils ont besoin d'un peu de quiétude, de la poussière et de l'occupation de l'espace public. Même les chantiers publics, supposés respecter la loi sans équivoque, ne dérogent pas à ce constat. Combien de chantiers restent ouverts au-delà des heures de travail légales, week-end compris ? Combien de ménages ont subi des désagréments en raison d'un chantier voisin ayant nécessité la destruction d'un mur extérieur (avec promesse de restitution à la fin des gros œuvres) ? Plusieurs personnes se plaignent de ces préjudices, sans pour autant trouver une solution ! Des chantiers ouverts au-delà de 20 heures Pourtant, les horaires appliqués pour les travaux de chantiers de BTP, de façon générale, sont les mêmes imposés pour tous et fixés par le code du travail : 44 heures hebdomadaires, sans dépasser 8 heures par jour. Dans la pratique, il est permis aux ouvriers de travailler de 7h jusqu'à 20h, avec 2 heures de pause et le samedi jusqu'à midi. Et nul n'est au-dessus de la loi. «Sauf que ces dispositions ne sont pas respectées, même des projets relevant de l'Etat mettent en place des équipes avec deux shifts, ce qui est totalement illégal», constate un architecte. Me Younes Anibar, avocat au barreau de Casablanca, est d'un autre avis. Selon lui, «il n'existe pas de réglementation dédiée aux chantiers de BTP». Et de préciser : «Si problème il y a, il faut donc se référer au régime de la responsabilité civile qui, soit dit en passant, n'est pas aussi développé au Maroc que le système anglo-saxon par exemple». La réglementation liée à la copropriété, elle, précise à peine les droits et obligations des propriétaires et locataires de l'immeuble, ainsi que les lots et la quote-part des charges qui leur sont affectées, pour une meilleure cohabitation. Les pétitions comme unique recours Il est vrai qu'aucun texte précis ne fait référence aux chantiers. Toutefois, le législateur n'est pas totalement muet sur la question des nuisances. La loi 11-03 promulguée par le dahir n°1-03-59 du 12 mai 2003 relative à la protection et à la mise en valeur de l'environnement stipule dans son article 47 : «Les bruits et les vibrations sonores, quelles qu'en soient l'origine et la nature, susceptibles de causer une gêne pour le voisinage, de nuire à la santé de l'homme ou de porter atteinte à l'environnement en général, notamment lors de l'exercice des activités de production, de services, de mise en marche de machines et de matériels et d'utilisation d'alarmes et des haut-parleurs, doivent être supprimés ou réduits conformément aux dispositions législatives et réglementaires prises en application de la présente loi. Ces dispositions fixent les valeurs limites sonores admises, les cas et les conditions où toute vibration ou bruit est interdit ainsi que les systèmes de mesure et les moyens de contrôle». L'article suivant, lui, est relatif à l'interdiction d'émission d'odeurs qui, par leur concentration ou leur nature, sont incommodes et dépassent les normes. Quid du respect de ces normes? «Aucun contrôle n'est effectué sur place pour s'assurer du respect des horaires de travail, encore moins de l'ampleur des nuisances sonores et autres préjudices subis», déplore Karim Sbai, président de l'ordre des architectes de la région du centre, avant de poursuivre : «Même les appareils de construction utilisés dans la plupart des chantiers sont vétustes et les procédés de construction dépassés. Dans certains cas, la fabrication du béton se fait encore sur place». Ce qui aggrave les bruits et amplifie les nuisances sonores. En l'absence de contrôle, les citoyens n'ont de recours que de signer une pétition et la présenter au président de la municipalité ou la commune, en vue d'obliger l'autorité compétente à intervenir pour arrêter les travaux au-delà des heures légales de travail. Les sociétés de construction n'ignorent rien de ces nuisances, mais invoquent des considérations contractuelles. Seul argument fourni : l'obligation d'accélérer les travaux pour répondre aux exigences du cahier des charges du donneur d'ordre. C'est donc à l'administration d'agir. [tabs] [tab title="Commerce : une assurance perte d'exploitation peut être utile" id=""]En raison de travaux de chantiers, les autorités sont obligées de fermer l'accès à certaines artères, affectant ainsi l'activité des commerces. Pour palier ce type de problèmes à la source, il est recommandé de contracter une assurance dite perte d'exploitation. «En cas de préjudice, l'assuré fait appel à des experts en vue de dresser un rapport qui consiste à faire le lien de causalité entre les travaux entamés et le préjudice subi», explique Me Younes Anibar, avocat. Toutefois, il est difficile de prouver ce préjudice, même en cas de baisse avéré du chiffre d'affaires.[/tab] [/tabs]