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Agadir et sa région : Des décideurs témoignent
Publié dans La Vie éco le 24 - 07 - 2019

Ils sont dans l'économie, la politique, le tourisme, l'architecture, l'associatif et ont un point en commun : une passion pour la région. Témoignages.
Brahim Hafidi, Président du Conseil régional du Souss Massa
Une région doit avoir sa métropole et Agadir doit en devenir véritablement une pour le Souss Massa. C'est d'ailleurs un élément très important de notre plan de développement régional. Dans ce sens, nous poussons à la création de zones de production économique. Il faut arrêter de construire de l'immobilier à tout-va dans le Grand Agadir et encourager la multiplication d'activités génératrices de richesses et d'emplois. Le pôle santé en perspective dans la zone d'implantation du CHU, avec en projet plusieurs cliniques privées autour, est un exemple de développement que nous voulons pour cette ville et sa région. Il y a aussi pour le même objectif de création de richesses et d'emplois, le projet de la zone franche pour lequel nous avons pris une partie du foncier du nouveau pôle urbain de la commune de Taggardirt qui va connaître ainsi un essor industriel. La mobilité à travers le développement d'une ligne de Bus à haut niveau de service, la rénovation des hôtels vétustes de la station balnéaire sont aussi au cœur de nos préoccupations et parmi nos chantiers. Ceci sans oublier la mise à niveau de l'éclairage et la multiplication des espaces verts. Notre ambition est de faire d'Agadir une smart city. Le développement passe aussi par la coopération décentralisée avec nos partenaires africains. Les Soussis n'ont jamais hésité à émigrer pour aller chercher des richesses ailleurs pour leur région, et, s'il le faut, allons produire ailleurs et valorisons ici. Il faut innover pour endiguer les contraintes et entraves, telle que la rareté des ressources en eau, pour aller de l'avant.
Najia Ounassar, Présidente de l'Association de l'industrie hôtelière d'Agadir
Aujourd'hui, la région est forte de ses clusters et son plan de développement régional. Le principal édifice du décollage économique de la région est maintenant l'industrialisation. Il faudra cependant faire preuve de vigilance quant à la bonne gestion des nouvelles zones industrielles. L'attractivité de la région pour les investisseurs ne passe pas uniquement par le volet économique, elle nécessite aussi des infrastructures complètes, des équipements urbains de loisirs, de santé, de sport, de culture et la modernisation des commerces. Ces équipements sont de nature à attirer également les compétences avec un projet de vie familiale. En matière de compétences justement, la région en manque cruellement. Elles existent mais, souvent, elles ne sont pas en adéquation avec la demande des entreprises. Il faut plus de rapprochement entre les entreprises et les établissements de formation pour former les bons profils. Pour finir, le secteur du tourisme reste le plus préoccupant. Une solution est en passe d'être trouvée à la réhabilitation d'une partie du parc hôtelier, mais qu'en est-il des hôtels ′′épaves′′, propriétés d'institutions publiques qui ternissent le paysage du secteur balnéaire? Des décisions doivent être prises rapidement. Lorsque le produit sera à niveau, l'aérien suivra inévitablement et la promotion n'en sera que plus aisée.
Driss Boutti, DG de l'entreprise Cosmaline
De par le passé, Agadir était une très belle ville avec une plage splendide. Aujourd'hui, force est de constater que son développement urbanistique a été mal maîtrisé à travers un urbanisme de fait, tirant vers le bas la cité. Nous avons donc aujourd'hui toujours une belle plage, classée parmi les plus belles du monde, mais la ville a perdu ses charmes. Dans ce paysage peu attractif, les trois secteurs traditionnels, que sont l'agriculture, le tourisme et la pêche, se sont essoufflés. Trop peu de transformations industrielles, une insuffisance de l'investissement public et une grande précarité sociale a entraîné une régression de l'investissement privé, engendrant un chômage inquiétant des jeunes. La ville d'Agadir est devenue par endroit une cité-dortoir. Nous avons le sentiment que l'élite s'est désengagée de la chose publique alors que la mobilisation de tous est indispensable. Les potentialités naturelles d'un territoire ne peuvent être à elles seules garantes d'une réussite. Le développement d'un territoire est aussi une histoire d'hommes et de femmes qui mettent en œuvre des actions pour la préservation et la valorisation d'un patrimoine. Ce capital territorial mérite aussi une bonne gouvernance locale par des gestionnaires choisis pour leurs compétences. C'est l'avenir de nos enfants pour lequel nous devons tous nous mobiliser.
Khalil Nazih, Directeur du Centre régional d'investissement Souss Massa
Aujourd'hui, nous assistons à un changement du profil économique du Souss Massa, après la mise en œuvre de la déclinaison régionale du plan d'accélération industrielle. Une forte demande actuellement pour le foncier industriel montre que le PAI a insufflé une dynamique. Les premiers signes positifs sont ressentis à travers les premiers bilans dans lesquels on retient une vraie avancée de ce programme d'accélération industrielle. Pour accompagner la demande accrue en foncier, un parc industriel intégré va voir le jour, à proximité de la future zone franche. Pour ce qui est du tourisme, le développement de Taghazout va apporter un nouveau souffle à la région. En ce qui concerne l'agriculture et la pêche, l'évolution en vue de l'agroalimentaire à travers la valorisation des produits va être bénéfique. Pour aller de l'avant, l'implication des différents partenaires est indispensable, notamment pour la mobilisation du foncier. L'appareil administratif doit aussi avancer au même rythme que l'investisseur. Pour cela, l'administration gagnerait à être plus souple, plus fluide pour contribuer à l'aboutissement des objectifs.

Said Iraa Sbai, Président de l'association Igoudars pour sauver les mendiants
Agadir dispose d'importantes potentialités et aussi des infrastructures qui méritent d'être valorisées. En outre, la ville a un fort capital humain. Malgré ces atouts, la cité connaît un déclin d'attractivité qui se répercute inévitablement sur le niveau social d'une large frange de sa population. Manque de stratégie globale avec une approche systémique des domaines économique, social, écologique et culturel sont à mon avis quelques unes des causes de cette situation. Une approche urbanistique mal maîtrisée avec des quartiers périphériques construits à la va-vite. Ces quartiers abritent une forte population sans accès facile aux services et aux équipements. Cela a pour effet l'exclusion d'une grande partie de la ville. Sur l'aspect social, un grand travail est à faire dans plusieurs domaines. L'accès à la culture et un renforcement des équipements sportifs pour tous sont aussi indispensables. Sur l'aspect économique, le monde est dans un tournant, et Agadir n'en échappe pas, notamment en ce qui concerne les problématiques liées à l'environnement. Le retard pris à ce niveau est considérable mais pas insurmontable. Dans ce domaine porteurs d'emplois directs et indirects, les opportunités pour la ville sont importantes à condition que cela soit traité de manière responsable et par des professionnels.
Samira Saoudi, Architecte
La ville d'Agadir s'est développée par addition de lotissements successifs visant principalement le logement de masse. Les discours politiques d'aménagement ont causé beaucoup d'incohérences. De plus, la transformation économique et sociale de la zone a affecté sa morphologie et son organisation spatiale. L'architecture moderne de la ville est un chef-d'œuvre véritable et un archétype. Les architectes de la reconstruction ont eu l'occasion de produire une architecture marocaine moderne. La reconstruction n'était pas seulement sociologique, économique, fonctionnelle et sécuritaire. Elle était un exercice de style à l'échelle universelle. On peut même avancer qu'Agadir est le porte-flambeau de l'architecture moderne universelle. Ce résultat est le fruit de la collaboration d'architectes marocains et étrangers autour d'un projet d'urbanisme moderne. Mais pas sans une référence à l'architecture de la région que l'on retrouve au niveau de la conception des maisons comme au niveau des établissements publics à travers la mise en place de patios dans la structure des bâtiments.
Aujourd'hui, pour préserver ces acquis, il est nécessaire de procéder à la reconnaissance du patrimoine architectural moderne d'Agadir. Cet héritage légué doit être transmis de génération en génération. Cela passe par la création d'une association de préservation pour la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine architectural de la reconstruction de la ville d'Agadir. Il s'agit de sensibiliser et obtenir la reconnaissance de ce capital par l'UNESCO pour sa classification en tant que patrimoine de l'humanité. Agadir à travers les premières étapes de la reconstruction est un modèle riche dans l'art de bâtir. La ville se distingue par sa qualité architecturale et les prouesses techniques des architectes de la reconstruction. A l'époque, ces grands maîtres étaient en symbiose avec le monde artistique. C'est pour cela que nous militons en tant qu'architectes pour l'implantation d'une école des beaux-arts à Agadir. Ainsi, nous pourrons rendre hommage aux grands maîtres d'œuvres et aux constructeurs de l'époque.
Majid Joundy, Président de l'Union régionale de la CGEM Souss Massa
La région dispose aujourd'hui d'importantes et belles perspectives à travers notamment le Plan d'accélération industrielle. Il y a cependant à faire pour endiguer les entraves qui freinent l'essor économique de la zone. Dans ce contexte, il faut souligner que les délais de paiement et les commandes publiques en baisse, notamment au niveau du BTP, pénalisent lourdement le développement économique du Souss Massa. Une stratégie régionale relative aux délais de paiement est, à mon avis, indispensable pour redonner du souffle au tissu économique. Il est important que les décideurs publics s'ouvrent plus sur l'environnement de l'entreprise. La mise à niveau du port, la mise en place de nouvelles zones industrielles accompagnées de mesures d'encouragement et mécanismes de financement en faveur des entreprises restent de l'avis de notre Union régionale quelques-unes des priorités à renforcer. Nous soulignons enfin l'intérêt d'une amélioration du climat des affaires à travers notamment une décentralisation et déconcentration effective et adaptée aux spécificités de la région ainsi qu'une qualité de vie dans laquelle se conjuguent éducation, santé, sécurité, mobilité et animation.
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