- Les professionnels appellent à une réorganisation du secteur «L'architecture moderne d'hier et d'aujourd'hui», tel est le thème d'une conférence qui s'est tenue à Agadir en fin de semaine dernière. Une rencontre organisée par le groupe Archimedia dans le cadre du développement des activités de leur publication «Clefs en main» sur la région. C'était l'occasion de dresser des constats sur le cadre bâti de la capitale du Souss. A l'unanimité, élus et architectes ont exprimé leurs préoccupations quand au développement anarchique de l'urbanisme, marqué par l'éclatement et le morcellement de son foncier. Une situation assimilée par le psychanalyste Aboubakr Harakat «à de la schizophrénie». Pour Elie Azagury, un architecte qui a participé à la reconstruction d'Agadir après le tremblement de terre de la cité en 1960, il est urgent et indispensable de refaire le plan urbanistique de la ville. «Le plan d'aménagement actuel est dépassé. Mais le modèle architectural ne doit pas changer», affirme le professionnel. Rappelons que l'orientation en 1960 vers une architecture moderne ne s'est pas faite par hasard. La reconstruction qui a coïncidé avec le mouvement moderniste mené par Le Corbusier - architecte urbaniste et peintre français - a été fortement inspirée par cette tendance. D'autant plus que les architectes qui ont participé à l'opération (Zevaco, Ecochard, Azagury, De Mazières, Faraoui) en étaient de forts défenseurs. Ces maîtres en la matière ont fait d'Agadir une ville caractérisée par une unicité du décor et un ordonnancement homogène. Par ailleurs, ils ont réalisé de nombreux chefs-d'œuvres connus mondialement et qui ont même reçu des prix pour leur singularité, tels que le Prix Aga Khan pour les petites villas construites sur l'avenue des FAR. Comment a-t-on pu passer de modèle architectural à cette situation d'anarchie urbanistique où les constructions illégales foisonnent et l'identité visuelle de la cité bafouée ? Pour les élus, ces erreurs remontent aux années 80 et 90. Tariq Kabbage, maire de la ville, déplore également le développement urbanistique de Hay Mohammadi, une nouvelle zone d'Agadir (plus de 470 ha), où l'immobilier est en pleine croissance: «alors que dans d'autres pays, on détruit les barres d'immeubles, ici on les construit sans aucune vision globale du quartier. Pourtant Hay Mohammadi avait fait l'objet d'un concours d'architectes». «Le travail retenu est malheureusement resté dans les tiroirs», répond un intervenant. Pour d'autres architectes, l'absence de maîtres d'ouvrage à la hauteur, le manque de suivi des procédures est aussi à l'origine de la situation. «Aucun lotissement de la ville n'a été réalisé comme prévu», lance un professionnel. De fait, dans la situation actuelle, tous les intervenants dans le bâtiment et acteurs de la cité sont responsables. Aujourd'hui seule une synergie entre tous peut sauver l'existant et rattraper les erreurs. Avant qu'il ne soit trop tard. Sauver le Cinéma Salam Parmi les bâtiments marquants d'Agadir, le cinéma Salam est un véritable modèle architectural. Cet édifice, une mémoire de la ville, dont le tremblement de terre n'a pas eu raison est menacé aujourd'hui de démolition. Un promoteur immobilier l'a acquis et veut aménager sur le terrain (près de 3.000 m2) un complexe immobilier. La Commune urbaine tente de l'en dissuader. La démarche est cependant difficile. Pour préserver d'autres bâtiments historiques, la ville a également dressé une liste pour les inscrire en tant que patrimoine architectural.