Leurs revendications sont nombreuses : entre autres, celle de devenir juge de famille après 15 ans d'expérience. «Le mot d'ordre de grève générale n'est pas levé, il est seulement suspendu et reporté à une date ultérieure», déclare d'emblée à La Vie éco Abdeslam Bouraïni, président de l'Association nationale des adoul du Maroc. Si les 5 000 adoul que compte le pays en sont arrivés au point de menacer de faire grève, c'est que leur mécontentement a atteint ses limites. Et il semble que la menace d'une grève générale nationale des adoul pour le mercredi 3 décembre ait suffi pour amener les pouvoirs publics à engager le dialogue avec une profession d'habitude très discrète. La grève n'a pas eu lieu parce que les négociations entre les représentants des adoul et le secrétaire général du ministère de la Justice, Mohamed Lididi, ont abouti à un accord. Les revendications de cette profession ont-elles été satisfaites ? En tout cas, promesse a été faite de satisfaire l'ensemble des revendications légitimes des adoul. «Nous savons que M. Lididi est un homme de parole et nous espérons que cette promesse sera tenue», affirme M. Bouraïni. 100 DH pour les actes de mariage et 150 DH pour les divorces Mais quelles sont les revendications de cette profession ? Les adoul se plaignent d'un effeuillage progressif de leurs prérogatives au profit des notaires pour les transactions immobilières et des juges pour tout ce qui relève du statut personnel. Leurs craintes de voir cette évolution s'aggraver se sont renforcées avec le projet de Code de la famille qui accorde une place centrale au juge de famille en matière de mariage, de polygamie, de divorce, de pension alimentaire, etc. Une situation décrite par l'un des représentants des adoul comme «alarmante menaçant, à terme, notre profession de disparition. Notre rôle peut être assimilé à une boîte d'enregistrement… De plus, les actes que nous rédigeons et nos interventions sont subordonnés à la validation du juge», ironise M. Bouraïni. Parmi leurs revendications figurent justement l'ouverture aux adoul ayant 15 ans d'expérience de la possibilité d'intégration comme juges de famille, la simplification de la procédure des actes adoulaires (enregistrement, conservation, etc.) et la dispense (hormis les actes du mariage et du divorce) du cachet du juge. Ils veulent un ordre national à l'instar des médecins et avocats L'autre motif de grogne chez les adoul concerne les constatations et les certifications des actes immobiliers, à titre gratuit (donations), ou onéreux (ventes). Naguère, avant l'Indépendance, on faisait systématiquement appel aux adoul pour tout ce qui touchait à l'immobilier. Désormais, les contractants, pour donner plus de force légale à leurs actes en la matière, encouragés en cela par le législateur, préfèrent des actes authentifiés devant notaire. De plus, depuis l'entrée en vigueur de la loi 11/81 organisant la profession, leurs honoraires ont été sérieusement rognés. Ils ne perçoivent plus que 0,50% (au lieu de 0,75%) sur la valeur totale d'une succession lors de leur intervention pour son partage. Leurs honoraires ont été également réduits de moitié, passant de 1% à 0,5%, lors de la signature d'un acte de cession ou d'acquisition d'un bien. Toujours au niveau des honoraires, un acte de mariage est légalement tarifé à 100 dirhams et un divorce à 150 dirhams. Mais force est de constater que les honoraires perçus par les adoul sont beaucoup plus conséquents que ce que les textes prévoient, et représentent souvent cinq à six fois ce montant légal. Pourquoi alors ne pas légaliser ce qui relève d'un constat sur le terrain. Les adoul de Casablanca souffriraient d'un handicap supplémentaire. Depuis l'éclatement de la ville en huit préfectures et la création subséquente de huit tribunaux de première instance, l'aire géographique d'intervention d'un adel se réduit au ressort territorial du tribunal de première instance où est domicilié son bureau. Qu'en sera-t-il maintenant que Casablanca est divisée en 16 préfectures ? Une limitation injustifiée qui n'a pas son équivalent dans les autres professions libérales. Les adoul se considèrent comme appartenant à une profession libérale comme les autres puisqu'ils paient aussi bien la TVA que l'IGR. «Cette restriction n'est imposée ni aux notaires, ni aux médecins, encore moins aux pharmaciens», renchérit un adel ayant 30 ans d'ancienneté au quartier des Habous. D'ailleurs, l'une des principales revendications des adoul, exprimées lors de la rencontre avec le secrétaire général du ministère de la Justice, porte sur leur statut juridique. Selon Abdeslam Bouraïni, «un projet de statut moisit dans les tiroirs du Secrétariat général du gouvernement depuis 1998. Il est temps de le dépoussiérer et de le mettre dans le circuit d'adoption officiel». Ils demandent ainsi la transformation de leur profession en ordre, à l'instar de celui des médecins ou des pharmaciens. Cet «Ordre national des adoul du Maroc» serait doté d'un «barreau» au niveau de chaque Cour d'appel, sur le modèle de l'Ordre des avocats. En s'inspirant cette fois-ci des notaires, ils appellent à l'institution d'une «caisse de dépôt» où sont déposées les avances en guise de garantie lors de transactions immobilières dans l'attente que le client apporte le quitus d'exonération des impôts