Le Comité d'éthique devrait se prononcer en mai prochain sur l'introduction de l'autotest VIH. Après une expérience pilote prévue sur neuf mois, la distribution sera généralisée en 2020. Ce nouveau dispositif de dépistage s'impose car aujourd'hui 30% des séropositifs ignorent encore qu'ils le sont… L'Association de lutte contre le sida (ALCS) planche, en partenariat avec le ministère de la santé, sur l'introduction de l'autotest VIH au Maroc. «Nous sommes actuellement au stade de la conception du protocole et de la formation des équipes. Les conclusions de l'étude seront soumises au comité d'éthique qui devra se prononcer en mai prochain. Une fois l'accord du comité obtenu, sera lancée une expérience pilote programmée sur neuf mois avant l'introduction officielle du l'autotest sur le marché», explique-t-on à l'ALCS. L'expérience pilote permettra la distribution de l'autotest, qui n'est pas encore disponible au Maroc, essentiellement aux personnes vivant avec le VIH et en contact avec l'ALCS. Après une étude d'évaluation de cette expérience, le ministère de la santé autorisera la mise sur le marché, dès l'année 2020, de ce nouveau dispositif de dépistage. Pour les responsables de l'association de lutte contre le sida, l'introduction de l'autotest, disponible aux Etats-Unis depuis 2012 et en France depuis 2015, permettra de renforcer le dépistage et de diagnostiquer des personnes qui sont aujourd'hui porteuses du virus mais qui n'ont jamais fait le test. Il est à signaler qu'actuellement 30% des séropositifs ignorent encore qu'ils sont porteurs de la maladie. Le renforcement du dispositif de dépistage est l'une des récentes innovations en matière de prévention pré-exposition et d'autotests. Le Maroc est, selon l'ALCS, «leader en ce qui concerne la lutte contre le sida dans la région MENA. Des approches innovantes ont été mises en place, notamment l'introduction du dépistage communautaire en 2015, la mise en place en 2017 de la prophylaxie pré-exposition qui consiste en l'utilisation préventive d'un traitement antirétroviral pour les personnes séronégatives afin qu'elles puissent se protéger de la contamination au VIH. Et, enfin, le lancement de l'expérience pilote de l'autotest qui est prévu pour mai prochain». Toutes ces initiatives ont contribué, selon les responsables de l'ALCS, à ériger le Maroc au rang de leader en matière de lutte contre le sida dans la région du Moyen-Orient-Nord Afrique. Le Maroc a été le premier pays de ce même espace à introduire le traitement du sida. Par ailleurs, la création, en 1988, de l'ALCS fut également une première dans la région. Aujourd'hui, l'association a pu mettre en place une plateforme comptant des associations similaires en Mauritanie, en Algérie, en Tunisie et bientôt au Liban. Concrètement, dans le milieu médical, on reconnaît que la lutte contre le sida a beaucoup avancé au Maroc. Ainsi, s'il y a quelques années, la majorité des personnes étaient tardivement dépistées, aujourd'hui 65% bénéficient d'un dépistage précoce et ceci grâce aux multiples campagnes ponctuelles menées par le ministère de la santé ainsi que par les services de dépistage VIH à base communautaire menées régulièrement par l'Association pour la lutte contre le sida. Le dépistage précoce a permis, selon les responsables de l'ALCS, «le déclin de la courbe épidémique, puisque le nombre des nouvelles infestions a en effet diminué depuis 2004. Il est passé de 1500 nouveaux cas en 2004 à 990 en 2017. Soit une baisse de 34%». Selon les statistiques officielles, on compte actuellement 20 000 personnes vivant avec le VIH ou PVVIH. C'est comme cela qu'on les appelle car on ne parle plus de malade ou de patient et ceci afin d'éviter, selon Hakima Himmich, Présidente Fondatrice de l'ALCS, une stigmatisation de ces personnes. Sur ces 20 000 personnes, 40% sont des femmes dont 70% ont été contaminées par leurs conjoints. Les chiffres révèlent aussi que 1 000 personnes vivant avec le VIH sont des enfants âgés de moins de 15 ans. L'état des lieux laisse apparaître que 30% de ces PVVIH ignorent qu'ils sont séropositifs. D'où l'intérêt primordial des campagnes régulières de dépistage et de l'introduction de l'autotest sur le marché marocain. Le taux de prévalence est de 0,1% chez les hommes contre 0,06% chez les femmes Le taux de prévalence du VIH demeure faible chez les adultes puisqu'il est estimé à 0,08%. Il est plus élevé chez les hommes, soit 0,1%, contre un taux de 0,06% chez les femmes. Par ailleurs, il est précisé que la prévalence est élevée parmi les populations vulnérables, notamment les professionnelles du sexe (1,3%), les homosexuels (5,7%) et enfin les usagers de drogues (7,9%). Sur le plan géographique, il est noté que 65% des cas notifiés de VIH se concentre principalement dans trois régions du pays : Souss-Massa avec 24% des cas, Casablanca-Settat avec 23% et enfin Marrakech-Safi qui enregistre 18% des cas de VIH-sida. Par ailleurs, les récentes études bio-comportementales soulignent des variations entre les régions et parlent d'un caractère concentré et multifocal de l'épidémie du VIH au Maroc. Celle-ci est concentrée à hauteur de 9,1% parmi les homosexuels dans la ville de Casablanca, chez les usagers des drogues avec un taux de 14% à Nador et de 6% dans la ville de Tétouan. Au-delà des données chiffrées, il est intéressant de savoir si ces personnes vivant avec le VIH ont accès au traitement et de quelle prise en charge bénéficient-elles ? Les personnes vivant avec le VIH ne sont réellement malades que si le dépistage est tardif. Soit au déclenchement de la maladie qui intervient plusieurs années après l'infection. Et depuis 2008, plusieurs études ont démontré qu'une personne correctement traitée par les antiviraux n'a plus de virus dans le sang et qu'elle a désormais une charge virale négative. C'est-à-dire que ses sécrétions sexuelles ne transmettent plus le virus. Le dépistage précoce et l'introduction des médicaments nécessaires se sont également traduits par un recul du nombre de décès qui est passé de 690 en 2011 à 480 en 2017. Soit une baisse de l'ordre de 30% sur les six dernières années. Encouragée par ces résultats, l'ALCS a, pour permettre une grande accessibilité aux traitements, depuis 1996, lutté pour l'introduction au Maroc des génériques des trithérapies. Et en vue de réduire le coût du traitement qui, à l'époque, s'élevait à 12000 dirhams par mois et par patient, l'association est allée à la recherche d'un financement étranger. Ce qui fut fait en 1999, puisque le Fonds de solidarité thérapeutique international s'est engagé avec le ministère de la santé pour un co-financement à hauteur de 50% chacun. A partir de 2003, le financement a été pris en charge par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Mais, actuellement, c'est le ministère de la santé qui assure le traitement par antiviraux à toute personne diagnostiquée positive par le VIH. Ces traitements sont disponibles gratuitement dans les services hospitaliers spécialisés. Le coût de la trithérapie a connu une importante baisse même si les nouvelles molécules, non encore tombées dans le domaine public, coûtent cher. Leur prix varie de 15 000 à 20000 dirhams. Selon l'ALCS, le coût de la prise en charge est estimé à 250DH par mois et par patient. Un coût qui ne peut être remboursé ou pris en charge par les organismes de prévoyance sociale dans la mesure où très peu de PVVIH bénéficient d'une couverture médicale. Vulnérables, les PVVIH ne disposent ni de l'AMO ni du Ramed... «En effet, ils sont très peu nombreux à être assurés de l'AMO. Ce qui est compréhensible, étant donné que cette infection touche principalement des personnes marginalisées et vulnérables n'ayant de ce fait accès à aucune couverture médicale», dit-on à l'ALCS. Celle-ci tente de les faire bénéficier du Régime d'assistance médicale pour les démunis (RAMED), mais malheureusement beaucoup d'entre eux ne remplissent pas les conditions d'octroi de la carte dans la mesure où ils n'ont pas d'adresse fixe ! Il est à noter que le traitement du VIH ne se limite pas seulement aux trithérapies mais inclut aussi, d'une part, l'accompagnement des personnes infectées en vue d'une amélioration de la qualité de vie, et, d'autre part, le traitement des infections opportunistes. L'ALCS, grâce aux fonds collectés lors des Sidaction et au soutien financier de plusieurs partenaires, assure une prise en charge psychosociale des PVVIH en faisant appel à des professionnels pluridisciplinaires. Pour cela, les équipes chargées de l'accompagnement psychosocial travaillent en collaboration avec les médecins infectiologues en vue d'une prise en charge qui porte à la fois sur un soutien social, économique et thérapeutique. Ces professionnels assurent des séances de médiation thérapeutique destinées spécifiquement aux femmes en âge de procréation et aux femmes enceintes. Séances permettant d'aborder des sujets variés liés au désir de procréation et à sa gestion avec les couples séropositifs. Pour les femmes enceintes, il y a une sensibilisation à la nécéssité du suivi de la grossesse, la gestion du traitement préventif de la maman et du nouveau-né. Le soutien thérapeutique, quant à lui, permet le traitement et la prise en charge des infections opportunistes et le paiement des consultations chez les spécialistes et des actes médicaux non accessibles au niveau des structures de soins de santé publiques. Pour ce qui est du soutien social et matériel, l'ALCS assure un accompagnement pour les démarches administratives, le financement des frais de transport pour les PVVIH résidant dans des régions éloignées des structures de soins et le financement du matériel nécessaire pour les actes chirurgicaux, des frais de l'ambulance si nécessaire. Pour les plus démunis, l'association de Hakima Himmich prend en charge les frais de scolarité et l'achat des fournitures scolaires. Elle prendra même en charge le lait infantile pour les mères séropositives. L'ALCS a également mis en place des groupes de paroles, des thérapies individuelles ainsi que des cellules d'orientation juridique. Toutes ces actions et cette mobilisation ont fait qu'aujourd'hui le sida est devenu une pathologie chronique et à l'ALCS on souligne que l'espérance de vie d'une personne sous traitement est désormais égale à celle d'une personne du même âge n'ayant pas d'infection.