Une stratégie qui peut s'avérer appropriée pour le dirham est celle d'un régime de marges. Cependant, sans la consolidation budgétaire, ce régime n'est pas plus fructueux qu'un autre. Dans cette perspective, la question n'est donc pas celle des taux de change fixes contre des taux flexibles, mais plutôt celle des bonnes politiques contre les mauvaises politiques. De temps en temps, au gré de la conjoncture, le débat sur la gestion du dirham refait surface. On spécule sur sa valeur. Est-elle surévaluée ou sous-évaluée ? On s'interroge sur sa robustesse : notre monnaie est-elle forte ou est-elle faible ? On polémique sur son ancrage : faut-il retenir l'euro, le dollar ou un panier de devises ? On scrute ses variations. On anticipe sur son devenir : a-t-elle les constituants pour flotter librement ? Des controverses ravivées par l'intégration économique et financière accrue de notre économie dans le système-monde et par les risques des incidences des «crises monétaires» sur le développement national. Derrière la profusion d'avis se dessine le débat sur le rôle et la performance des politiques de taux de change, sur le régime idéal pour la monnaie d'un pays de petite dimension, comme le Maroc. En arrière-plan de ces controverses se posent des questions plus fondamentales telles que l'effet des variations du taux de change sur les flux commerciaux, la production des entreprises et la consommation des ménages. Des questions qui demeurent au premier rang du débat de politique économique. Dans le suivi de ces débats s'impose une observation : aujourd'hui, on ne parle plus de dévaluation de la monnaie, mais du régime pertinent de taux change pour garantir la stabilité à long terme de la monnaie et la performance du développement économique. Si ce régime doit se fonder sur des principes macroéconomiques généraux (croissance, inflation, équilibre des échanges extérieurs, déficits internes…), il doit également tenir compte des caractéristiques structurelles et des circonstances propres du pays. Autrement dit de la compétitivité/ diversification de l'économie mais aussi du niveau de développement humain et du progrès social, de l'évolution des rapports entre les devises internationales mais aussi du contexte monétaire et financier régional. Tenant compte de ces considérations, quel est donc le régime idéal pour le dirham ? Le champ des régimes de change actuellement en cours dans les pays en développement est vaste et couvre presque tous les types de régimes. Les régimes de rattachement du taux de change, qui sont de plusieurs formes : les régimes oà1 la monnaie est irrévocablement fixée contre une monnaie étrangère ; le régime des parités ajustables, dans lequel la monnaie est fixée par rapport à une monnaie étrangère et est rarement modifiée ; le régime des parités rampantes, dans lequel la monnaie est initialement fixée mais les décideurs politiques ajustent ultérieurement le taux de change à des intervalles réguliers pour prendre en compte les variations des différentiels d'inflation ou la situation de la balance commerciale. Il y a d'un autre côté les régimes de taux de change flexibles, dans lesquels le taux de change est autorisé à fluctuer en réponse aux variations de l'offre et de la demande de devises. Si la banque centrale n'intervient pas sur le marché des devises, le régime est un régime de flottement pur, sinon c'est un régime de flottement dirigé. Il y a par ailleurs les régimes de marges de fluctuation, qui impliquent l'annonce d'un taux de change pivot et une marge de fluctuation autour de ce taux. Le taux pivot est lui-même géré d'une certaine manière qui peut être, par exemple, fixe ou rampante. Une stratégie qui peut s'avérer appropriée pour le dirham est celle d'un régime de marges rampantes oà1 le taux de change est autorisé à flotter à l'intérieur de certaines limites et la marge elle-même est ajustée selon un sentier prédéfini, déterminé sur la base, par exemple, du différentiel d'inflation entre l'économie nationale et ses principaux partenaires commerciaux. L'objectif de ce régime est d'obtenir le meilleur des deux possibilités : donner un certain ancrage contre les anticipations inflationnistes, mais aussi éviter la surévaluation et restaurer le pari réciproque des spéculateurs en utilisant des marges suffisantes. Cependant, sans la consolidation budgétaire ce régime n'est pas plus fructueux qu'un autre. Dans cette perspective, la question n'est donc pas celle des taux de change fixes contre des taux flexibles, mais plutôt celle des bonnes politiques contre les mauvaises politiques.