Mise en situation et participation aux débats sur des sujets techniques permettent d'apprécier les connaissances. L'évaluation peut se faire au cours de l'intégration et à la fin de la période d'essai. Les jugements hà¢tifs sont à bannir ; il est difficile de juger en quelques semaines une personne qui fait ses premiers pas. jamal amrani DG du cabinet Jadh «Comment peut-on juger une nouvelle recrue sur un critère comme l'autonomie alors que, parfois, les cadres expérimentés eux-mêmes n'arrivent pas à faire preuve de toute l'autonomie nécessaire ?» Les entreprises sont de plus en exigeantes à l'égard de leurs employés. Elles attendent d'eux qu'ils soient toujours performants, prêts à relever tous les défis. Les recrues qui viennent juste de débarquer n'échappent pas à la pression. On entend souvent des patrons ou cadres dirigeants pester contre le manque de ressources opérationnelles «tout de suite». Pourtant, ce vÅ"u est une chimère, sachant qu'il faut suffisamment de temps (mais pas trop) pour prendre ses marques. C'est pourquoi, plutôt que d'approcher l'évaluation dans sa dimension technique, il est plus judicieux de bien suivre et encadrer une nouvelle recrue. Il s'agit en fait d'une observation permanente, ponctuée par des moments d'échange de sorte à franchir une nouvelle étape. Jamal Amrani, DG du cabinet Jadh, spécialisé en RH, est pour cette approche progressive. Il s'en explique. La Vie éco : Quand peut-on apprécier une nouvelle recrue?? Jamal Amrani : Généralement, une nouvelle recrue se fait évaluer durant sa période d'essai. Le code du travail ou les conventions collectives prévoient une période d'essai qui peut aller jusqu'à 6 mois. A cet effet, les grandes entreprises sont mieux organisées. Les recrues bénéficient d'une procédure d'intégration spécifique et annoncée a priori, avec communication et livraison de documents et d'un livret d'accueil, mise en place des ressources nécessaires (bureau, ordinateur, téléphone, internet, badge d'accès aux locaux, mutuelle, carte de cantine…), rencontres avec les responsables hiérarchiques… Tous ces outils sont destinés à mettre le nouveau dans le bain dès son recrutement. Pour l'entreprise, cette procédure permet de véhiculer les messages essentiels de la vie d'entreprise. Pour la recrue, cela permet de prendre conscience de la dimension de l'entreprise et de développer des aptitudes. Il faut savoir la mobiliser. Rien ne sert de bien accueillir une nouvelle recrue si vous n'avez pas planifié les premières tâches qui lui incomberont. Certes, il faut lui laisser le temps de s'acclimater, de prendre connaissance des diverses sources d'information de la société et procédures, mais une tâche de fond permet de l'intégrer activement. Comment se fait concrètement l'évaluation ? Il faut profiter de la période d'essai pour tester votre nouvelle recrue, notamment sur ses connaissances, son esprit d'initiative, sa réactivité… Il faut évaluer assez rapidement, sur des faits concrets et des attitudes, la capacité d'adaptation de la recrue dans son nouvel environnement. Ensuite, il y a toutes sortes de manières de tester une recrue. Cela va de la mise en situation au débat sur des sujets techniques, par exemple. Par contre, je ne recommande pas de pousser le test trop loin jusqu'à vouloir piéger la personne. On n'a aucun intérêt à la mettre dans une situation difficile qui pourrait la paralyser ou lui faire perdre son naturel. La première consiste à faire suivre la personne par un tuteur ou parrain qui pourra communiquer au fur et à mesure ses remarques au recruteur. Cette méthode permet de suivre pas à pas la nouvelle recrue. Il ne faut pas hésiter à la rencontrer fréquemment pour l'aider à surmonter ses difficultés, corriger ses imperfections et lui donner des feedback sur l'évolution de son travail. L'évaluation peut se faire au cours de son intégration et à la fin de sa période d'essai. L'autre façon d'apprécier le potentiel d'une personne est de l'intégrer à un groupe de travail. Cette méthode facilite son intégration, mais surtout elle permet d'avoir des échos auprès des autres membres du groupe. On peut aussi l'évaluer sur des critères quantitatifs et qualitatifs. Ainsi, pour un assistant commercial, le poste exige des qualités d'efficacité, de flexibilité et une capacité à gérer des projets multiples. Dès lors, on peut avoir une idée de son efficacité grâce au nombre de contrats décrochés. On peut également fonder son appréciation sur des compétences clés comme l'aptitude à la rédaction. On pourra ainsi lui suggérer de rédiger des rapports ou des PV de réunion, voir s'il a assimilé les discussions, s'il s'est informé sur certains aspects techniques… On peut le charger de faire une présentation orale en réunion, le laisser intervenir lors des rendez-vous en clientèle. Toutes ces mises en situation donnent des éléments qui contribueront à l'évaluation. Y a t-il des formes à respecter ? Absolument ! Le plus important est de lui donner un descriptif de poste, au départ. Ensuite, il faut lui indiquer précisément ce qu'on attend de lui. Et de toute façon, des points périodiques permettent de faire le point avec lui. Les rencontres doivent-elles être fréquentes ? Tout à fait. Les mises au point doivent être régulières, qu'elles soient formelles ou informelles. Elles servent notamment à identifier les dysfonctionnements, avoir le point de vue de la recrue sur certaines procédures, identifier les besoins complémentaires en formation s'il y a lieu… Comment peut-on agir en cas de désaccord ou de mauvais rendements ? Quand les choses se présentent mal, il faut éviter de décider trop rapidement. On peut peser le pour et le contre et étudier toutes les éventualités. Avant de mettre un terme à la relation, on peut par ailleurs envisager une réorientation professionnelle. Cela donne parfois de bons résultats. Combien de fois n'a-t-on pas vu des personnes mieux épanouies et plus efficaces après avoir changé de fonction. Tout comme on peut procéder à une révision du poste. N'est-il pas trop chargé ? La formation est aussi une possibilité qui aide à l'intégration d'une nouvelle recrue. En fin de compte, la séparation reste l'ultime décision en cas d'échec flagrant. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? Il faut éviter les incompréhensions dès le départ. Les problèmes d'intégration et d'accompagnement se posent surtout dans les PME parce qu'elles ne savent pas gérer correctement les stagiaires ou les nouvelles recrues. Souvent, le manque de temps et de disponibilité des managers ou le manque d'accompagnateurs ou de tuteurs font que la période d'intégration est très difficile. Par ailleurs, si les missions ne sont pas clairement définies, la recrue aura du mal à trouver ses repères. Une incompréhension peut s'installer, voire une frustration des deux parties. Il est évident que les problèmes ne se poseraient pas si l'évaluation, les attentes et les objectifs de chaque partie étaient définis préalablement et respectés. Pour cela, la recrue doit constamment s'informer et communiquer. Deuxième erreur à éviter : lâcher la recrue dans la nature. On a tendance à laisser le soin à la DRH de l'encadrer et de la jauger. Or, c'est le supérieur hiérarchique direct qui doit être responsabilisé sur ce point. Troisième erreur à éviter et c'est la plus grave : porter des jugements hâtifs. J'ai lu le rapport d'un responsable des ressources humaines qui reprochait à sa nouvelle recrue un manque d'autonomie et d'initiative deux semaines seulement après son recrutement. Une absurdité ! On ne peut juger une personne sur une courte période, surtout s'il s'agit d'un élément inexpérimenté qui ne maà®trise pas encore les enjeux de sa fonction et qui n'a pas encore pris confiance en elle. Comment peut-on la juger sur un critère aussi capital que l'autonomie alors que, parfois, les cadres expérimentés eux-mêmes n'arrivent pas à faire preuve de toute l'autonomie nécessaire.