Le HCP estime à 3% la croissance en 2018 et prévoit 2.9% pour 2019. Le PIB non agricole augmenterait à 3,3% en 2019 contre 2,9% en 2018. La demande extérieure continuerait, comme en 2018, de contribuer négativement à la croissance du PIB. Croissance du PIB non Agricole (Source : HCP) Récession, ralentissement : voici deux sujets qui dominent depuis quelque temps les débats dans la presse économique occidentale. Ce recul de l'activité, certains le prévoient, au mieux, pour 2020, d'autres le voient déjà arriver en 2019. Le spectre de la récession plane surtout sur l'économie américaine, parvenue au bout d'un cycle de croissance qui a duré une dizaine d'années. Mais compte tenu du poids de l'économie américaine, de son impact sur le reste du monde, le ralentissement devrait être général. Les différents instituts de prévisions viennent d'ailleurs presque tous de réviser à la baisse leurs anticipations pour 2019. L'économie marocaine, de son côté, continuerait d'évoluer mollement en 2019. Le HCP, dans son Budget économique prévisionnel 2019, prévoit pour cet exercice une croissance de 2,9%, après 3%% en 2018. Cette prévision, le HCP l'a bâtie sur un certain nombre d'hypothèses, dont la réalisation d'une campagne céréalière moyenne durant la campagne agricole 2018/2019, l'augmentation de 3,6% de la demande mondiale adressée au Maroc, la hausse des recettes touristiques de 4%, le redressement des envois des MRE de 3% et l'accroissement des investissements directs étrangers (IDE) de 10%. Si ces hypothèses venaient à se réaliser, le secteur primaire (agriculture, pêche et sylviculture) devrait afficher une croissance de 0,1% en 2019, après 3,8% en 2018. Les activités non agricoles, elles, réaliseraient une hausse de 3,1% contre 2,9% en 2018. Amélioration des secteurs secondaire et tertiaire Dans le détail, le frémissement prévisible des activités non agricoles serait porté par une amélioration des secteurs secondaire et tertiaire, respectivement de 3,1% (contre 2,8% un an auparavant) et de 3,2% (contre 3%). Pour leur part, les impôts et taxes nets de subventions progresseraient de 4,5% au lieu de 2,4% estimé pour 2018. Sous cette configuration, marquée par un ralentissement de la croissance économique, les créations d'emplois, en termes nets, seraient faibles en 2019. Pour autant, le taux de chômage ne devrait pas s'aggraver ; il stagnerait à 10,1% (au lieu de 10% estimé pour 2018), pour la raison simple que le taux d'activité devrait poursuivre sa tendance baissière, entamée depuis le début de la décennie 2000. Sur le plan de la demande, c'est encore et toujours la demande intérieure qui devrait porter la croissance de 2019. Sa progression est prévue à 3,4% au lieu de 3,6% en 2018. Par composante, c'est la consommation des ménages, soit le gros de la demande intérieure, qui, avec une augmentation de 3,5%, contribuerait le plus (2 points) à la croissance du PIB. La formation brute de capital fixe (ou l'investissement), après une baisse en 2017 (-0,8%), une hausse de 2,9% en 2018, devrait se consolider à 3,2% en 2019, contribuant ainsi de 0,9 point à la croissance du PIB. Le problème, comme nous le relevons à chaque fois ici, est que cette demande intérieure est fortement nourrie (plus de 40%) par les importations. Et c'est là, soit dit en passant, une des limites, sinon la limite du modèle actuel de croissance. En 2019, en effet, le HCP prévoit que les importations augmenteraient de 6,4% (contre 6,1% en 2018), et les exportations de 5,9% (au lieu de 4,9% en 2018) – il s'agit ici, pour la précision, d'évolutions en termes réels et non en nominal. Résultat : la demande extérieure nette, contrairement à la demande intérieure, contribuerait négativement (-0,8 point) à la croissance, comme d'ailleurs en 2018 (-1point). Déficit structurel de la balance commerciale L'autre conséquence de cette évolution, marquée par un déficit structurel de la balance commerciale (de l'ordre de 18% du PIB), c'est l'accroissement du besoin de financement de l'économie, qui se manifeste par un creusement du compte des transactions courantes. D'autant que l'épargne nationale, en particulier l'épargne intérieure, ne progresse pas, elle recule même légèrement. L'écart entre l'épargne intérieure et le taux d'investissement est estimé par le HCP à 10% du PIB entre 2018 et 2019. Et encore, cet écart aurait pu être beaucoup plus important n'eut été le recul du taux d'investissement brut à 32% du PIB contre une moyenne de 33,5% entre 2010 et 2017. Bien sûr, avec les revenus provenant de l'extérieur, essentiellement les transferts des MRE, cette épargne intérieure se bonifie et, ainsi, l'épargne nationale grimpe à près de 29% du PIB. En 2018, cependant, l'épargne nationale aurait reculé à 28% du PIB et en 2019, elle devrait encore continuer de se replier pour s'établir à 27,7% du PIB. D'où le gap entre l'épargne et l'investissement estimé à 4,5% du PIB en 2018. En 2019, le HCP prévoit que ce gap se réduirait légèrement à 4,3%, mais ce niveau reste un peu élevé ; du moins au regard des objectifs que le gouvernement s'est fixés en termes de maîtrise des équilibres macroéconomiques. Au total, bien qu'augmentant d'une année à l'autre, l'activité augmente lentement ; sa progression est bien loin des rythmes observés jusqu'en 2007, et même jusqu'en 2010 (pour être large). Surtout, les activités non agricoles, qui représentent en moyenne 85% du PIB, ont vu leur croissance fortement décélérée depuis 2012 (voir graphe) pour ne représenter, depuis, qu'une modeste moyenne de 3% par an. Et à ce niveau, une précision mériterait peut-être d'être apportée : bien souvent, lorsque la croissance atteint 3,5% ou 4,5%, il se dit ici et là que le Maroc fait mieux que la France dont le PIB a augmenté par exemple de 1,5% ou 2%. C'est oublier que les deux économies sont sur deux échelles différentes. En France, 1,5% de croissance, c'est déjà énorme, compte tenu du niveau de son PIB qui est autour de 2 500 milliards d'euros. Le taux de croissance ne devrait pas tomber en dessous de 4% Dans les pays en développement comme le Maroc, où les retards à rattraper sont énormes, le taux de croissance ne devrait pas tomber en dessous de 4% et sur une très longue durée, afin d'assurer une convergence vers le niveau de développement atteint par les économies de l'Europe du Sud. Le problème est que la croissance, au-delà des facteurs endogènes et exogènes qui la stimulent, c'est aussi une affaire de cycles (courts, moyens ou longs). C'est un peu, et même beaucoup, le cas de l'économie américaine qui devrait dès cette année connaître un ralentissement, voire une récession, selon pratiquement l'ensemble des prévisionnistes occidentaux. Bien sûr, la remontée des taux d'intérêt par la FED et, probablement aussi, les retombées du blocage des activités gouvernementales par le Congrès (le fameux "shutdown"), sont certainement des facteurs expliquant en partie la récession attendue. Mais celle-ci proviendrait aussi, pour l'autre partie, de la surchauffe de l'économie dont la croissance a duré près de dix ans, s'inscrivant même au-delà de la croissance potentielle, avec un taux de chômage de 4%. C'est d'ailleurs pour éviter l'apparition de pressions inflationnistes que la FED compte mettre un terme à la politique expansionniste en augmentant les taux d'intérêt. Pourquoi ce rappel du cas américain ? Pour dire qu'au Maroc, le ralentissement de la croissance, à l'œuvre depuis au moins huit ans, ne semble pas lié à un problème de cycle, puisque la croissance potentielle a décliné depuis 2008/2009 (voir notre édition de la semaine dernière) et l'inflation a longtemps été maintenue à un très faible niveau... Evolution des indicateurs macroéconomiques selon les estimations du HCP