Le chef du gouvernement doit gérer une alliance avec le PPS voulue stratégique mais jugée désormais encombrante. En s'attaquant à leurs alliés, les parlementaires du PJD sont devenus une source de préoccupation pour la direction du parti. Un remaniement serait à l'ordre du jour pour un nouveau départ. Pour la majorité gouvernementale, trois dates clés marqueront cette rentrée. D'abord le conseil national du PJD programmé pour le 15 septembre. Ensuite, la réunion du comité central du PPS, prévue le 22 septembre et, enfin, le congrès national du MP qui aura lieu vers la fin du mois. Les deux évènements étant de toute évidence les plus attendus, eu égard à la nature de la crise engendrée par la suppression du Secrétariat d'Etat chargé de l'eau et, par conséquent, le limogeage de la titulaire du poste. Il est même question d'une éventuelle réorganisation du gouvernement, mais il semble que ce n'est pas pour demain. N'empêche que des sources proches de la coalition gouvernementale ont bien fait état d'une entente pour le principe au sein de cette dernière afin de réduire l'équipe aux commandes, pour une plus grande efficacité dans son action, en supprimant plusieurs Secrétariats d'Etat. Le Secrétariat d'Etat chargé de l'eau fait évidemment partie du lot. Sauf qu'après coup l'idée a été abandonnée, nous explique-t-on, pour deux raisons. La première étant que l'approche genre devrait en souffrir gravement, étant donné que la majorité des postes en question sont occupés par des femmes. «Le PJD n'accepterait jamais d'être catalogué comme un parti antiféministe, une réputation qui lui colle depuis la fameuse marche de Casablanca en mars 2000», explique cette source. De même, et c'est la deuxième raison, le MP qui, malgré ses 27 députés, n'est représenté que par deux ministères et trois Secrétariats d'Etat serait de fait presque hors du gouvernement. Soit autant de portefeuilles ministériels que le PPS qui, avec seulement 13 sièges, est représenté par deux ministères. Le fait est qu'après le renvoi de la Secrétaire d'Etat, sans en avoir informé au préalable son parti (PPS), ce dernier a réuni en catastrophe son bureau politique, lequel s'est fendu d'un communiqué incendiaire accusant son allié de l'avoir poignardé dans le dos. Alors que l'on s'attendait à ce que le parti prenne une décision radicale, certains de ses dirigeants ayant évoqué en ce sens un possible retrait du gouvernement, sa direction a décidé de prendre le temps de mieux digérer cet affront. Il est clair, note cet analyste politique, qu'en se donnant un délai de réflexion aussi long (le comité central se réunit cinq semaines après les faits), le PPS ne semble aucunement envisager ce scénario. El Othmani à la barre Le PPS, qui est au gouvernement depuis 1998, a démarré après son alliance stratégique avec le PJD (2011) avec cinq portefeuilles ministériels (quatre ministères dont celui occupé par le secrétaire général et un ministère délégué occupé justement par Charafat Afailal). Il a rempilé dans le gouvernement El Othmani avec trois portefeuilles, deux ministères, dont un occupé par le secrétaire général avant d'être limogé, et un Secrétariat d'Etat pour finir avec seulement deux postes en perdant ce dernier. Et cela ne semble pas l'incommoder. Quant à son alliance avec le PJD, c'est certain qu'elle vient de prendre un coup. Bref, tout comme le PPS, le PJD a tenu une réunion d'urgence de son secrétariat général. Une session extraordinaire de son conseil national a été décidée pour le 15 septembre, à l'issue de cette réunion. Officiellement, c'est pour dresser un bilan de l'action du gouvernement et du parti et évaluer l'actuelle rentrée politique. Pour certaines sources qui suivent de près l'évolution de ce parti, il s'agit pour la nouvelle direction renforcée récemment par l'ex-député d'Oujda renvoyé par Benkirane en 2012, Abdelaziz Aftati, d'un double enjeu. En premier, il sera question d'un désengagement (avec le moins de dégâts possibles), du PJD de son alliance stratégique scellée depuis 7 ans avec le PPS. En second lieu, la direction du parti veut obtenir l'engagement des députés à voter le projet de loi-cadre de l'enseignement dont la question de la gratuité est au cœur d'une polémique qui enfle depuis longtemps. Evidemment, le parti écarte toute incidence du récent limogeage de la Secrétaire d'Etat chargée de l'eau, et donc de ses futures relations avec le PPS, sur l'agenda de ses instances dirigeantes. Le secrétaire général adjoint soutient d'ailleurs que cette réunion du conseil national a été programmée depuis longtemps. Elle devait initialement avoir lieu en juillet, mais la direction a décidé de la reporter pour après les vacances. El Othmani sera amené à présenter un rapport sur l'état du parti et la situation politique générale du pays. Cela au moment où le PJD vient de sortir d'un dialogue interne qui n'a pas donné les résultats escomptés. Au contraire, l'épisode de la diffusion d'une vidéo des propos d'Abdelali Hamieddine, conseiller parlementaire et numéro 2 du conseil national, à propos la monarchie, a confirmé le malaise que traverse le parti depuis les dernières élections législatives. Mais c'est là un autre sujet. Succession ouverte au MP La direction du PJD devrait également profiter de l'occasion de son conseil national pour remettre donc un peu d'ordre dans sa cuisine interne. Les sorties de ses députés non seulement affectent ses rapports avec ses partenaires, mais demandent beaucoup d'efforts et d'énergie à sa direction pour en atténuer l'effet et éviter le pire. On citera en ce sens une récente sortie, début août, du même Hamieddine dans laquelle il a suggéré au RNI de quitter le gouvernement. Ce qui lui a valu un sévère rappel à l'ordre de la part du secrétaire général-adjoint. Plus récemment, c'est au ministre haraki de l'éducation nationale que les parlementaires du parti s'attaquent à cause des termes en «darija» contenus dans certains manuels scolaires du primaire. Le groupe a exigé une réunion de la commission parlementaire de l'enseignement, avec comparution du ministre. Il a adressé deux questions orales dans le même sens au ministre et au chef du gouvernement. Après les attaques envers les ministres du RNI, voici que les élus du parti islamiste s'en prennent à ceux du MP. En parlant de ce parti, il tient justement son 13e congrès national du 28 au 30 septembre. L'enjeu étant de réussir la transition, l'actuel secrétaire général en poste depuis une trentaine d'années a d'ailleurs assuré à maintes reprises qu'il ne souhaite pas rempiler. Des préparatifs que certaines déclarations attribuées à l'ancien ministre de la jeunesse, et actuel député d'Ifrane, Mohamed Ouzzine, visant le ministre de l'éducation nationale viennent perturber. Il n'en reste pas moins que le comité préparatoire, présidé par Essaid Ameskane, mène normalement sa mission. Cela dit, même si ce dernier n'a encore reçu, à l'heure où nous mettions sous presse, aucune candidature, dans les coulisses de la préparation du congrès trois noms circulent déjà comme d'éventuels successeurs de Laenser. Il s'agit du propre secrétaire général qui serait un candidat de consensus afin d'éviter un éventuel éclatement du parti, de l'ancien et éphémère ministre de l'éducation nationale, Mohamed Hassad, dont la candidature a été rendue possible grâce au dernier amendement des statuts du parti, et de l'actuel ministre de la culture et de la communication, Mohamed Laarej, dont les chances sont bien moindres que les deux premiers candidats potentiels. Cependant, pour les partisans de la réélection de Mohand Laenser, qui, précisons-le, n'est en rien contraire à la nouvelle loi sur les partis politiques, ils proposent une période transitoire pour gérer la position du parti au sein de la majorité et préparer les prochaines élections législatives, régionales et locales de 2021. Pour ce faire, M.Laenser serait à la tête d'une direction collégiale dans laquelle le secrétaire général sera secondé par six membres qui seront tous des secrétaires généraux-adjoints, en plus bien sûr du bureau politique. Encore des élections... Dans tous les cas, le congrès national du MP, et ses résultats, est une donne avec laquelle le chef de la coalition gouvernementale devrait composer. Des décisions majeures au sein de la majorité ne pourraient être prises qu'après. Ce qui donnerait le temps également à un autre membre de la majorité, en l'occurrence l'USFP, de resserrer ses rangs. Le parti, rappelons-le, a fini l'année sur une brouille entre la direction et le chef du groupe parlementaire sur fond de réforme du régime de retraite des députés. La réunion du bureau politique, tenue lundi, a également pour objectif d'évaluer l'impact des dernières initiatives du parti à l'échelle locale ainsi que d'initier le débat sur les propositions du parti concernant le nouveau modèle de développement. Ce faisant, les amis de Driss Lachgar ont également entamé les préparatifs de la réunion tant attendue du conseil national, la première depuis le congrès, et dont la date n'a pas encore été fixée. Depuis le dernier congrès et la réinstauration du conseil national, à la tête duquel Habib El Malki a été élu en juin 2017, ce dernier n'a tenu qu'une seule réunion, celle du 3 février dernier, alors que, selon la nouvelle loi sur les partis, cette instance devrait se réunir au moins deux fois par an en session ordinaire. Le RNI, lui, a choisi d'entamer sa rentrée à partir des régions, en tout cas hors Rabat. C'est ainsi qu'il a démarré sa rentrée, après une réunion du bureau politique à laquelle a participé pour la première fois le nouveau ministre des finances, avec un déplacement fort remarqué des membres de son bureau politique dans les régions du Sud, notamment à Dakhla. La coordination régionale de Dakhla-Oued Eddahab a été renforcée en juillet dernier par un groupe d'élus locaux et anciennes figures de proue de l'Istiqlal à l'échelle locale conduits par l'homme d'affaires, élus pour la CGEM à la deuxième Chambre, Mohamed Lamine Hormatallah, devenant par la même occasion nouveau coordinateur régional du RNI. Pour reprendre une déclaration de Rachid Talbi Alami, membre du bureau politique, dans le cadre de la rentrée politique du parti, «cette rencontre, tenue en prélude des prochaines échéances, fait partie des activités initiées au terme de la première phase du processus de réorganisation des structures du parti». Les deux partis, note-t-on, restent fidèles à leur engagement au sein de la majorité et ne présentent, de ce fait, aucun motif de préoccupation pour le chef du gouvernement. A moins que les prochaines élections à F'nideq, où le siège réservé à cette circonscription est à prendre pour la troisième fois, n'en représente une. Le siège est occupé par le PPS depuis les élections de 2016, lesquelles ont été invalidées par la Cour constitutionnelle. A l'issue des premières élections partielles, il a été remporté par le RNI avant que celles-ci ne soient annulées pour la deuxième fois à cause d'une photo du candidat avec le Souverain publiée sur Facebook en pleine campagne électorale. Certains observateurs évoquent déjà un possible soutien du PJD au PPS pour récupérer ce siège, en guise de réparation pour le Secrétariat d'Etat qui a été supprimé. Ce qui ne manquera pas de susciter certaines frictions au sein de la majorité. [tabs][tab title ="Une rentrée sociale mouvementée"]Des milliers d'enseignants contractuels ont entamé, depuis quelques jours, un sit-in à Rabat pour exiger leur intégration dans la fonction publique. C'est un premier test social de la rentrée pour le chef du gouvernement. Cela d'autant que le ministère annonce une rentrée scolaire exemplaire avec la généralisation progressive du préscolaire et un nouveau programme pour le primaire qui comporte, entre autres, une initiation à la langue française depuis la première année. Un contexte dans lequel sera également initié le débat sur le projet de loi-cadre relatif à la réforme de l'enseignement. Tout cela, estiment certaines sources, a contraint le gouvernement à céder sur ce dossier face aux enseignants contractuels soutenus par certains syndicats, y compris l'UNTM affidé au PJD. Bref, le gouvernement aurait proposé une solution d'intégration dans le cadre du personnel des Académies régionales de l'éducation et de la formation (AREF), mais cette proposition a été rejetée par les intéressés. En parallèle avec la rogne des enseignants, le personnel des hôpitaux, infirmiers et techniciens, ont appelé à une grève nationale de 48 h, les 4 et 5 septembre, au niveau de tous les services hospitaliers, à l'exception des services de réanimation et des urgences. Un sit-in national était également observé le 4 septembre devant le ministère de la santé. Les grévistes dénoncent notamment les conditions de travail «catastrophiques» dans le secteur. Le département dirigé par le PPS a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport accablant de la Cour des comptes. Le secteur du transport, géré par le PJD, est lui aussi frappé par une grogne des professionnels du transport soutenus, entre autres, par le bras syndical du PJD. Les grévistes contestent des décisions unilatérales prises dernièrement par le Secrétaire d'Etat chargé du transport et qui, selon eux, affectent leurs intérêts et nuisent à la bonne marche du secteur.[/tab][/tabs]