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L'art dans la rue, une passion et une source de revenu !
Publié dans La Vie éco le 11 - 05 - 2018

Casablanca, Chefchaouen, Essaouira, Marrakech… De plus en plus d'artistes se produisent dans des places publiques. Etudiants, anciens cadres, retraités : ils présentent des profils diversifiés. Ces artistes ne sont pas à l'abri d'une intervention policière ou d'une agression.
Dimanche 29 avril. Casablanca, Place des Nations Unies. Trois musiciens font face à leur public. Badr alias Pedro à la basse, Sami à la guitare sèche et au chant et Badr à la guitare électrique. Ils sont jeunes et présentent très bien. Leur public : des familles casablancaises et leurs enfants en virée dominicale au centre-ville, des jeunes épris de musique rock, des couples... Bref, un auditoire hétérogène qui semble bien apprécier le répertoire de notre trio, les Sound Trip.
«Hotel California» des Eagles, «Wish you were here» des Pink Floyd ou encore «Black magic woman» de Santana, les Sound Trip étalent leur catalogue de grands classiques du rock. Et le public apprécie, applaudit à la fin de chaque chanson et ne manque pas d'aller mettre des pièces de monnaie dans la petite boîte prévue à cet effet.
Les Sound Trip, ce ne sont pas n'importe quelle formation musicale. Badr alias Pedro, 25 ans, a fait deux ans de droit avant de se lancer dans une carrière dans le commerce. Il a décidé de tout laisser tomber pour la musique, notamment dans la rue. «Cela fait 14 ans que je joue de la musique. J'ai suivi plusieurs master class, notamment auprès du grand Marcus Miller au Boultek. Avec le groupe Rockbut, nous avons été lauréats du "Boulvard" dans son édition de 2014. Je suis également bassiste de Amine Kamal, Taiich Style, Tripband et j'ai participé à plusieurs festivals au Maroc et à l'étranger, à Mawazine entre autres», lance, d'emblée, ce jeune musicien dont le rêve est de devenir un bass Hero.
La rue pour Badr, c'est l'occasion de jouer de la musique, de gagner un public. «On ne joue pas pour de l'argent. Mais l'argent vient quand on offre au public une musique de qualité. Pour une performance dans la rue, on peut gagner entre 200 et 500 DH. Ce n'est bien sûr pas le cas pour tout le monde», ajoute Badr. L'espace public casablancais a été investi par les artistes depuis quelques années. Snoopy, qui était connu pour ses performances de cirque, en a été le précurseur. D'autres ont suivi. Puis, le phénomène a pris de l'ampleur depuis deux ans. «Au début, de vrais artistes ont investi la rue à la recherche de visibilité, mais également d'opportunité de jouer. Puis, quand les autres ont vu que l'on pouvait gagner de l'argent en jouant dans la rue, ils s'y sont mis également. C'est pour cela qu'aujourd'hui on retrouve de tout, du bon et du moins bon», explique Sami, vocaliste des Sound Trip, titulaire d'un master en sciences sociales. Et d'ajouter : «La rue apporte son lot de difficultés techniques qu'il faut savoir surmonter. Il faut maîtriser le son, l'espace, les vibrations, les moods du jeu et avoir de la sensibilité par rapport à l'endroit où on joue».
Des codes à respecter
Badr et Sami font partie de ces artistes qui ont investi la rue avec une vision. Ils font attention au voisinage, saluent les commerçants qui partagent le même espace où ils jouent. Car l'art dans la rue a ses codes qu'il faut respecter. A commencer par les horaires qui sont partagés par les artistes de rue. Les artistes dialoguent avec le public, lancent une petite blague de temps à autre afin de décontracter les gens. «J'ai avant tout envie de faire partager ma joie de vivre avec les Casablancais, et, si possible, élever le goût musical de nos concitoyens. Malheureusement, d'autres artistes de la rue proposent aujourd'hui des formes de musique non professionnelle, mal jouées avec une sono de qualité médiocre», déplore Badr. Car la scène Street art a bien changé. «Au départ, ce sont des artistes et des musiciens de la classe moyenne, provenant des structures, des institutions et de la culture qui ont investi la rue. Ils se sont confrontés à des personnes qui étaient déjà dans cet espace, des marchands ambulants, des mendiants et avec tous ceux qui gagnaient leur vie dans la rue», explique Sami.
C'est le cas de Nour El Mahdi, 28 ans, un guitariste qui se produit depuis trois ans dans l'espace public. Il avoue que jouer dans la rue n'est pas de tout repos. «L'année dernière, nous avons été agressés par des marchands ambulants qui pensaient que l'on portait préjudice à leur business. Puis, à part la place des Nations Unies, on n'est jamais à l'abri d'une intervention policière. Ce fut le cas pour moi, il y a deux semaines, quand je voulais jouer à la corniche d'Aïn Diab», raconte-t-il. El Mahdi a fait des études d'infographie et 3D. Il a travaillé pendant quatre ans dans des boîtes de communication comme infographiste, puis comme directeur artistique. Puis un jour, il a tout lâché pour... la musique. «J'étais tout le temps sous un stress horrible parce que je faisais des choses qui ne me plaisaient pas. J'ai alors pris la décision de faire le choix de ma passion», se souvient-il encore. El Mahdi se définit comme un musicien de fusion, mélangeant allègrement les rythmes espagnols, marocains et africains. «Aujourd'hui, j'ai un répertoire de 14 chansons en darija et des textes qui traitent de la violence, de l'addiction, de la pauvreté, bref, des problèmes auxquels on fait face», ajoute-t-il. Afin de poursuivre son rêve, El Mahdi a créé avec d'autres artistes de la rue Art Blanca, une association qui se donne comme objectif de défendre les arts dans l'espace public: la musique, mais également le cirque, le théâtre, la danse et le graffiti.
L'association a élu domicile dans un appartement situé dans un immeuble, au tout début du bd. MohammedV, non loin de la place des Nations Unies. Une structure avec trois studios : un réservé à la communication, un deuxième à la photographie et un troisième à la musique. «Ma famille se fait beaucoup de soucis pour moi. Elle croit que je vis de la mendicité parce que je joue dans la rue. Elle ne comprend pas que l'on peut bien vivre de la rue si on convainc les gens qui sont en face», conclut El Mahdi.
Des couples légitimes font courageusement face au regard critique de la société
Le groupe qui incarne l'art dans la rue dans cette place des Nations Unies, c'est bien Hafid et Selma, un duo dans la musique comme dans la vie. Hafid a été un des premiers à jouer dans l'espace public. Lui aussi a quitté son travail dans la communication, pour la musique. Après des études en arts appliqués, puis en développement multimédias, il a travaillé pendant deux ans dans le design graphique. Puis, un jour il décide de changer de vie. Quant à Selma, elle a fait des études supérieures en littérature anglaise avant de se dédier à la musique. «Quand je travaillais dans les entreprises, j'avais l'impression d'être un esclave de la survie. Cela fait maintenant trois ans que je me produis dans la rue. Au début, j'étais systématiquement invité à quitter les lieux par la police, par les autorités. Aujourd'hui, même le nom de la place a changé. Tout le monde la connaît comme Sahat el fenn (la place des arts). C'est déjà ça de gagné», lance Hafid, sourire aux lèvres. Hafid et Selma sont mariés et parents d'un enfant. Mais le couple affirme vivre de la rue : «On peut ne rien gagner pendant une journée, puis pendant un concert de deux heures, avoir assez pour vivre trois jours. Mais cela dépend de l'artiste, de son énergie, de sa faculté de communiquer avec les autres. L'art de la rue n'est qu'un moyen», explique Hafid. Avant de commencer le show, le duo se présente : «Nous sommes Hafid et Selma. On joue de la musique dans la rue. On a laissé tomber nos boulots. On s'est mariés. On a créé notre nouveau boulot qui n'existait pas auparavant». Pendant deux heures, le couple joue un répertoire de musique rock, reggae ou blues. Le duo a déjà à son actif un album de huit chansons, toutes en darija, mais non encore enregistrée.
Un peu plus loin, un autre duo, Marouane et Imane, les fameux Casa Art, rassemble la grande foule. Marouane et Imane, également mariés, font dans les arts de cirque. Ils ponctuent leurs numéros de magie par des gags, mais également par des phrases qui touchent le public : «Nous sommes des artistes, pas des mendiants», «On travaille dans la rue pour partager ce qu'on sait faire avec vous» «Oulad chaâb ont droit au cirque»... Le couple est très présent dans les réseaux sociaux. Marouane et Imane mettent en ligne des vidéos de leurs prestations à Casablanca et dans les autres villes ainsi que des photos d'animation dans les écoles. Pour eux, les spectacles de rue sont l'espoir de la jeunesse marginalisée.
Une association plaide pour le libre accès à l'espace public
Un espoir qui se heurte à des problèmes d'ordre structurels. «Les arts de la rue souffrent de l'absence d'un statut juridique encadrant cette activité. Nous pouvons à tout moment être interpellés par un policier ou un agent communal. Nous vivons dans l'aléatoire et le flou total. Ce qui n'encourage pas d'autres jeunes qui ont du talent à investir la rue», résume Sami, des Sound Trip. C'est pour cette raison que l'association Racines a lancé, en décembre 2016, Fadae, une campagne nationale de plaidoyer pour le libre accès à l'espace public par les citoyens (artistes, minorités, collectifs). Un plaidoyer qui s'appuie sur une pétition nationale (voir entretien). Puis, en janvier dernier, le Forum des Alternatives Maroc a publié un guide de l'action artistique dans l'espace public. Un guide à l'attention des artistes, «à même de permettre une meilleure connaissance du cadre juridique régissant l'espace public pour les activités culturelles et artistiques».
Mais, malgré tous ces handicaps, les arts de la rue prennent de l'ampleur. Après Casablanca, le phénomène gagne d'autres villes comme Rabat par exemple. Et les artistes investissent les grandes places des villes marocaines, à Chefchaouen, Essaouira, Marrakech... Ils sont également invités à se produire lors de manifestations sociales et culturelles. Des artistes de la rue participent à la journée de sensibilisation sur les violences faites aux femmes dans l'espace public dans le cadre de la campagne «Baraka», lancée par l'association Oxfam. Elle a lieu dimanche 6 mai à la place des Nations Unies. Badr, Hafid, Selma et les autres artistes de la rue chanteront à l'unisson pour dire «baraka» à la violence à l'égard des femmes...
A Lire aussi :
Art dans la rue : Questions à Mohamed Sammouni, Chercheur en sociologie politique


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