Du 23 février au 22 avril, le public du musée Yves Saint-Laurent, à Marrakech, découvrira la somptueuse exposition d'œuvres du couturier marocain Noureddine Amir. Les robes sculptures du créateur jettent un pont entre art et couture. Pierre Bergé l'avait décidé avant de quitter ce monde. Il fallait exposer les œuvres de Noureddine Amir, car «Noureddine est un artiste et qu'il se sert du vêtement pour créer son œuvre», note-t-il après s'être émerveillé de l'exposition à l'Institut du Monde arabe. La Fondation Jardin Majorelle voudrait ainsi rendre hommage à la singulière adaptation de l'artisanat marocain dans le travail de l'artiste. Lui qui s'est plongé dans la mode, en puisant dans l'immensité de l'héritage ancestral, avant d'en sortir avec un esprit neuf, une envie de déconstruire. Un habit mais pas que... De ces robes sculptures, l'on peut décrypter le rapport de Noureddine Amir avec la matière, avec la tradition et avec la terre nourricière. Car c'est au bout d'un travail patient de la laine, le raphia ou la soie, qu'il soustrait ses fils, les tanne, les tresse, les façonne et les construit. Teintées au henné, à la peau de grenade sèche ou à l'indigo, longtemps utilisés par les femmes pour de nombreux usages, parfois traitées à la pierre d'alun, ces matières se soumettent à la transformation fantasmée par l'artiste. Dans son délire créatif, Noureddine Amir poursuit la noblesse qu'il s'évertue à confectionner, à extirper au monde des songes et à figer dans des postures altières. Dans son travail, une certaine poésie se dégage de l'harmonie des lignes, de la minutie sensible de ses revers et dans le caractère éthéré de ses finitions. L'on n'est plus dans le domaine de l'étoffe utilitaire, tant le respect s'impose devant la beauté et la distinction des œuvres. Pourtant, la sophistication et le naturel y cohabitent étonnamment. «Les totems que produit Noureddine Amir nous renvoient à des formes lointaines que nous ont léguées des sociétés dites primitives, quand l'humain n'écoutait que ses sensations et ses instincts et vivait le corps collé à la nature, avant les dogmes et la morale, avant la naissance du bien et du mal... Noureddine Amir a cette capacité de lire dans les plis de la matière tout ce que ses ancêtres africains y ont déposé comme symboles, magie et amour. Imaginons alors les robes-sculptures de Noureddine Amir transformées en œuvres architecturales…», commente si élégamment le philosophe et critique d'art Moulim Laroussi. Un artiste avant-gardiste Vous allez souvent entendre parler de Noureddine Amir. Non que son nom ne retentisse pas assez, mais son travail est amené à franchir les seuils qu'aucun autre styliste marocain n'a dépassé avant lui. Natif de Rabat, cet artiste atypique a obtenu son diplôme à l'Ecole supérieure des arts et techniques de la mode Esmod en 1996. Dès ses premières années de création, il collabore avec l'artiste iranienne Shirin Neshat pour qui il crée de nombreux costumes. À partir de 2001, Noureddine Amir investit le champ de la mode marocaine, avec des collections toujours uniques, inimitables. Sa collection de haïks présentée à Casablanca en demeure une belle preuve. Depuis 2003, ses créations font le tour des musées internationaux, tels que le Musée de la Mode à Anvers (MoMu), le Musée des Beaux-Arts de Lille (2004), l'Institut du Monde arabe à Paris (2014-2015), et plus récemment, la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent (2016) à Paris. C'est certainement cette belle exposition des robes sculptures qui a valu une invitation par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode française à participer au défilé Haute Couture de la Fashion Week à Paris qui se tiendra du 1er au 5 juillet 2018. Comprenez : l'événement le plus prestigieux de la mode en France et la plus haute distinction pour un couturier. Noureddine Amir est de ce fait à suivre de très près. En attendant, ses robes vous attendent au musée Saint-Laurent.