Le régime suspensif de TVA à l'importation maintenu, mais assorti de conditions. Les voitures pour handicapés exonérées de droits de douane. Le projet de Budget 2008 a été voté en Commission des finances de la première Chambre, aux premières heures de la journée du mercredi 28 novembre, mais sans les députés de l'opposition. Ceux-ci ont dû quitter la salle environ une heure après le début de la séance d'examen des articles du projet de loi. Les représentants de l'opposition, qui avaient présenté une soixantaine d'amendements, ont manifesté ainsi leur colère face au recours, jugé excessif, du ministre des finances, Salah Eddine Mezouar, à l'article 51 de la Constitution pour repousser leurs amendements. «Le ministre n'avait pas besoin d'user de l'article 51 pour passer outre les amendements de l'opposition, puisqu'il avait pour lui la majorité», estime un député. Mais, avant de quitter les lieux, l'opposition avait obtenu que la Taxe intérieure de consommation (TIC) sur les cigares fût augmentée de 15 % à 25 %, beaucoup moins cependant que ce qu'elle souhaitait voir appliquer à ce produit. En fait, l'essentiel, pour ne pas dire la totalité des amendements retenus sont ceux présentés par la majorité ; sauf trois amendements, émanant de l'USFP, et contre lesquels le ministre des finances, là encore, a brandi l'article 51 de la Constitution. La transformation des établissements publics en sociétés anonymes exonérées d'impôts Quels sont-ils donc ces amendements ? Les plus importants concernent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la cotisation minimale, et l'exonération fiscale pour toute transformation d'établissements publics en société anonyme (SA). D'abord, la TVA. L'amendement à ce niveau concerne, d'une part, le remboursement du crédit de TVA dû aux sociétés de leasing (près d'un milliard cumulé sur l'année 2007), et, d'autre part, le maintien du régime suspensif de TVA à l'importation, sous certaines conditions toutefois. S'agissant du leasing, les professionnels, qui s'étaient félicités de l'égalisation des taux d'entrée et de sortie de la TVA (20-20 %), avaient néanmoins demandé que soit reconnu le principe du remboursement, car la TVA qu'ils facturent aux clients n'est récupérée qu'au bout de quatre ou cinq ans ; ce qui constitue une charge importante pour leur trésorerie. Ce principe est désormais reconnu, puisque la récupération concerne aussi les années à venir ; et c'est une proposition du gouvernement et non pas des députés, lesquels ont voulu surtout maintenir le taux de 10 % appliqué aux clients, sans succès. «Il faudrait que le remboursement du crédit de TVA soit généralisé et devienne une pratique tout à fait normale. La créance doit pouvoir être honorée, qu'elle soit détenue sur l'Etat ou sur l'entreprise», estime Abdelkader Boukhriss, expert-comptable, gérant de la société Experts Consultants Associés. Signalons que les députés de la majorité avaient soulevé le problème qui se pose pour la location avec option d'achat (LOA), notamment pour les clients (environ 70 000) dont les contrats ont été conclus avant l'entrée en vigueur du nouveau taux de la TVA (20%) le 1er janvier 2008. L'idée était d'aménager une période transitoire pour ces clients (dont les loyers subissaient une TVA de 10 %) et de n'appliquer les 20 % qu'aux opérations d'après janvier 2008. Niet pour l'instant. Pour le régime suspensif de TVA à l'importation, le projet de loi avait prévu initialement de le supprimer, mais un amendement de la majorité l'a maintenu, en l'assortissant de certaines conditions. Les entreprises sont donc tenues de remplir ces conditions pour y être éligibles. L'autre amendement de la majorité concerne la cotisation minimale : le projet de Budget prévoyait de supprimer purement et simplement l'imputation triennale, mais en commission, les députés de la majorité l'ont maintenue, en la modifiant. Selon l'amendement retenu, l'imputation de la cotisation minimale est donc désormais annuelle. «A mon avis, c'est une manière d'imposer aux sociétés des exercices déficitaires. Le principe de l'impôt, je le rappelle, est qu'il est perçu sur le bénéfice. Si l'on veut, par cette disposition, traquer les déficits imaginaires, il ne me paraà®t pas juste pour autant que les bons paient pour les mauvais», analyse notre expert-comptable. Quant à l'exonération fiscale pour toute transformation d'établissement public en SA, M. Boukhriss juge l'amendement très intéressant; et «il serait encore plus intéressant si on l'étendait au secteur privé», ajoute-t-il. Par le passé, une disposition similaire avait été instituée dans la Loi de finances et reconduite deux fois de suite. «Le but était d'encourager les gens à passer de l'informel au formel, donc de favoriser la transparence», poursuit-il. D'autres amendements ont été retenus, on peut citer notamment l'allocation d'une enveloppe de 200 millions de dirhams au Fonds de développement rural, la création d'un compte spécial pour les festivités des 1200 ans de la ville de Fès, et la suppression des droits de douane sur les voitures destinées aux handicapés. Pour de nombreux observateurs et chefs d'entreprises, cependant, «la vraie réforme», selon l'expression de M. Boukhriss, c'est celle de l'impôt sur le revenu (l'IR). Et ceci en raison de son impact à la fois sur le salarié et sur l'entreprise. Il y a, c'est une évidence aujourd'hui, expliquent ces observateurs, un vrai problème de pouvoir d'achat, et ce problème, si on met de côté les dépenses de compensation, n'est pas abordé dans ce budget.