Entré en Commission des finances et du développement économique le 20 octobre, le Projet de Loi de Finances (PLF) a finalement été adopté en séance plénière de la Chambre des représentants dans la nuit du dimanche 16 novembre avec 174 voix pour et 87 contre. Depuis lundi, le PLF 2015, tel que modifié par les députés de la première Chambre, est passé à la Chambre des conseillers. Un compromis a bien été trouvé sur l'assurance-retraite ; la TVA sur le riz et les pâtes a été revue à la baisse, tandis que l'article 8 a été supprimé. Durant les trois semaines de débats en Commission des finances (du 20 octobre au 13 novembre), les députés de la majorité et ceux de l'opposition ont discuté des dispositions du budget 2015, principalement le volet recettes, (1ère partie du PLF 2105) et y ont apporté près de 132 amendements comme le souligne un communiqué du Parlement. Ce dernier précise que sur ces 132 amendements, 38 ont été acceptés par le gouvernement. Parmi ceux-ci, 20 émanent des députés de la majorité, 12 des députés de l'opposition et 6 du gouvernement. Au final, la première partie du budget 2015 a été votée en commission avec 20 voix pour, 12 contre et aucune abstention. La deuxième partie du budget, qui concerne le volet dépenses, a fait l'objet d'un vote des projets de budgets sectoriels au sein de chaque commission le samedi 15 novembre sans grands chamboulements notables. Assurance retraite : exonération plafonnée à 20% au lieu de 10% Revenons à présent au volet recettes du PLF 2015, et intéressons-nous aux principaux amendements acceptés par le ministère des Finances (ndlr : pour avoir le détail des amendements rejetés et acceptés, il est possible de consulter le rapport de la Commission des finances en langue arabe à partir de la page 168). L'article 6 du PLF 2015 relatif au Code général des impôts aura monopolisé une grande partie des débats et occasionné le plus d'amendements. Signalons tout d'abord l'amendement concernant la fiscalité de l'assurance retraite. Le texte initial prévoyait de limiter l'exonération de la cotisation à hauteur de 10% du salaire au lieu de l'exonération totale pratiquée auparavant. Comme nous vous l'annoncions, (www.financesnews.press.ma), Boussaid a lâché du lest sur ce point sans toutefois dénaturer l'esprit de cette mesure qui vise, rappelons-le, à empêcher certaines personnes aisées ayant plusieurs sources de revenus d'échapper à l'impôt en souscrivant la totalité de leur salaire dans un produit d'assurance retraite. Le plafonnement à 10% jugé trop radical par la profession, un amendement de la majorité est venu relever ce plafond. Ainsi, il est fixé à 20% si la personne qui signe un contrat d'assurance retraite n'a pour seul revenu que son salaire. En revanche, si le contractant a d'autres sources de revenus en plus de son salaire, il peut choisir entre deux plafonds : soit 20% de son salaire, soit 10% de la totalité de ses revenus. Les députés ont justifié cet amendement par la volonté de favoriser, dans des limites raisonnables, la constitution d'une épargne retraite complémentaire pour les salariés et les professions libérales. L'opposition a soumis un amendement qui propose deux plafonds de 50% et 20%, mais il a été rejeté pour des raisons de justice fiscale. TVA : baisse pour les pâtes, le riz et les oeuvres d'art L'autre amendement-phare de l'article 6 concerne la TVA sur les pâtes et le riz. Les députés de la majorité ont proposé et obtenu la réduction du taux à 10% au lieu de le hisser à 20% comme le prévoyait le texte initial, au prétexte qu'il s'agit de produits de première nécessité pour un grand nombre de citoyens. Autre amendement de la majorité adoptée : la TVA sur les oeuvres de créations artistiques a été ramenée à 10% au lieu de 20 pour encourager la production artistique nationale et s'aligner sur les taux pratiqués dans plusieurs pays. Au sujet de la TVA sur le thé, il faut noter que l'amendement de la majorité pour le baisser à 10% a été rejeté. Pour le gouvernement qui prévoit de hausser la TVA sur le thé à 20%, la baisse des droits d'importations de 40% à 32,5% pour le thé conditionné, et de 25% et 32,5% à 2,5% pour le thé en vrac, devrait compenser cette hausse et occasionner une stagnation des prix. Il s'agit en outre de favoriser l'activité du conditionnement du thé en vrac. L'article III a également enregistré une série d'amendements de la majorité concernant les sanctions à l'encontre des fraudes et des infractions au Code de la douane et impôts indirects. Les députés ont obtenu du gouvernement des sanctions plus lourdes et des amendes plus dissuasives dans le cadre du durcissement du dispositif de lutte contre la contrebande. L'article IV relatif aux tarifs des droits de douane a, pour sa part, subi des modifications importantes à l'initiative des députés de la majorité dans la mesure où un certain nombre de produits non fabriqués localement vont se voir désormais appliquer un tarif bas de 2,5% au lieu de 40%, et cela afin de favoriser le pouvoir d'achat du consommateur. Dans cette liste de produits, on retrouve la noix de coco, la vanille, l'anis, le gingembre et la pistache. Le prix de ces denrées devrait donc connaître une baisse sensible dès janvier 2015. Autre amendement de taille, celui de l'article V sur les biens d'équipement acquis par certaines entreprises. Ainsi, le texte initial stipule que les entreprises qui s'engagent à réaliser un investissement portant sur un montant égal ou supérieur à 150 millions de dirhams peuvent bénéficier d'exonérations. Les députés de la majorité ont proposé de ramener ce seuil à 100 millions de DH pour augmenter le rythme des investissements. Finalement, le seuil retenu sera de 120 millions de DH. Enfin, les députés de l'opposition et ceux de la majorité ont unanimement obtenu la suppression pure et simple de l'Article VIII du PLF 2015 qui interdit «à toute personne à laquelle l'Etat doit verser de l'argent, en vertu d'une décision judiciaire, d'effectuer une saisie conservatoire sur un bien ou des comptes de l'administration». Une mesure surprenante qui place l'Etat au-dessus des lois et qui naturellement a été abrogée du fait de son caractère inconstitutionnel. Dimanche, en plénière, Mohamed Boussaid a souligné que le gouvernement a traité les amendements présentés à la fois par les groupes de la majorité et de l'opposition d'une manière objective, tout en respectant ses engagements et la politique menée par l'Exécutif sur les plans économique et social. Place maintenant à la deuxième Chambre qui ne devrait pas, sauf surprise, apporter de grands changements au PLF 2015 tel qu'amendé par la première Chambre.