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PLF 2015 : La vérité sur les différentes hausses de la TVA
Publié dans Les ECO le 27 - 10 - 2014

Boussaid apporte des explications concernant le thé, les riz et pâtes ou encore le péage autoroute. Le dispositif de la contribution libératoire a permis de rapatrier 2 MMDH, loin des 5 MMDH attendus par le gouvernement.
«Ce n'est pas un budget d'austérité», a commencé par lancer le ministre des Finances, au démarrage de la conférence de presse sur le PLF 2015, tenue vendredi à Rabat. Les hypothèses de départ sont assez bonnes: un taux de croissance à 4,4%, un déficit budgétaire de 4,3%, un baril à 103 dollars et un cours moyen du gaz butane à 804 dollars/tonne, ainsi qu'un taux de change par rapport au dollar de 8,6. L'on prévoit aussi que la consommation interne augmente de 3,5% l'année prochaine. Par ailleurs, il n'y a pas eu de coupe budgétaire, tandis que la pression fiscale, hormis la hausse de la TVA de certains produits, est restée maîtrisable. Ceci, explique Mohamed Boussaid, s'inscrit dans la droite ligne de l'évolution positive de cette pression fiscale qui est passée de 27% en 2008 à 22,4% en 2013. La marge budgétaire est aussi satisfaisante grâce à la baisse drastique des dépenses de la compensation à 23 MMDH prévue pour 2015 contre 33,5 MMDH en 2014, soit 10,5 MMDH de gagnés. Mais où cet argent va-t-il aller ? Ce n'est pas un secret: 5 MMDH iront à l'investissement et le reste à la résorption du déficit budgétaire prévu à 4,3% contre 4,9 % cette année, précise le ministre. Quant à l'investissement public, il est prévu à 189 MMDH contre 186,6 MMDH en 2014. Ces 2,4 MMDH de plus, quand bien même on pourrait trouver cette somme peu importante, sont du pain béni dans un contexte marqué par une révision à la baisse de la croissance en zone euro de 1,1% annoncée en juillet dernier, à 0,8 % selon le FMI.
Les métiers mondiaux cartonnent
Malgré cela, le PLF 2015, le dernier sous la loi organique de 1998 qui doit être très bientôt réformée, est né sous de bons auspices. C'est en tout cas ce que soutient Boussaid qui s'enorgueillit des métiers mondiaux du Maroc ayant réalisé cette année 38,3% du total des exportations et l'automobile en pôle position avec 28,9 MMDH, une progression record de 31,3% entre septembre 2013 et le même mois de 2014. Prouesse aussi pour les secteurs de l'électronique (+ 22,2%) et de l'aéronautique (+ 3,7 %), mais timide hausse de 1,9% des recettes voyages et de 1,1% des transferts des MRE. Le résultat est plutôt satisfaisant puisque l'on constate un allégement du déficit commercial de 5,1% et la reconstitution des réserves de change nettes, assurant une couverture de plus de 5 mois des importations (un jour de réserve correspond à 1,2 milliards de dollars). Saisissant la balle au bond, Boussaid a voulu focaliser l'attention sur cette volonté de réindustrialisation de l'économie marocaine. Désormais, l'objectif est d'augmenter la part de l'industrie dans le PIB de 9 points pour passer de 14% à 23% en 2020, et de créer 500.000 emplois. Ainsi, le fonds de développement industriel (FDI) sera doté de 3 MMDH en 2015. Comme tout projet de loi de Finances à venir ne peut être déconnecté de celui qui s'achève, il est permis de s'attarder un moment sur l'exécution du Budget 2014. Le ministre affirme à ce propos que l'objectif de réduire le déficit budgétaire à 4,9% sera atteint fin 2014 contre 7% en 2012, et le déficit jumeau de la balance des paiements sera également réduit à 6,7%. Quant au taux d'endettement, il sera stabilisé à un niveau inférieur à 64% du PIB grâce notamment à la maîtrise du déficit.
Politique agressive pour l'emploi
Quid maintenant des mesures phares du PLF 2015 pour promouvoir l'emploi? Politiquement parlant, c'est un des critères les plus déterminants vis-à-vis de l'opposition et des électeurs qui ont fait confiance à l'actuelle majorité. Premièrement, le projet prévoit la mise en œuvre de l'indemnité pour perte d'emploi en y accordant un budget de démarrage de 250 MDH. Deuxièmement, il y a l'exonération dans la limite de 5 salariés et pendant 24 mois du salaire mensuel brut plafonné à 10.000 DH, versé par une entreprise créée entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2019. L'Etat prend aussi en charge durant 24 mois, et dans la limite de 5 salariés, la part patronale au titre des contributions dues à la CNSS et de la taxe de la formation professionnelle pour les entreprises et les associations créées durant la même période. Cette exonération est conditionnée par le recrutement en CDI, qui doit être effectué dans les deux premières années à compter de la date de création de l'entreprise. L'on prévoit aussi la limitation de la durée de stage à 24 mois au maximum, non renouvelable, et la réduction de la période d'exonération de l'indemnité de stage de l'impôt sur le revenu à 24 mois au lieu de 36. L'Etat s'engage ainsi à prendre en charge les contributions patronale et salariale au titre de l'AMO durant la période de stage et la cotisation due à la CNSS durant un an en cas de recrutement du stagiaire.
Le vrai débat sur la TVA commence
«Il faut aller rapidement vers une TVA à deux taux, 10 et 20% au lieu de quatre». Boussaid n'en démord pas, comme ses prédécesseurs d'ailleurs. Pour lui, ce déblayage permettra de mettre fin à la problématique du butoir et de juguler les effets néfastes de la règle de décalage, comme justement revendiqué par les entreprises, et qui coûte chaque année 3 MMDH à l'Etat. Cette disposition avait été prise, rappelons-le, dans le précédent PLF, mais les résultats semblent se faire attendre. En tout cas, ce PLF 2015 introduit certaines hausses de TVA comme pour le thé, dont la TVA passe de 14 à 20%, le riz et les pâtes (de 10 à 20%) et le péage autoroute de (10 à 20% également). Or, le ministre s'est plutôt attardé sur le thé, produit de grande consommation par excellence. Il a fait une appréciation de cette hausse de TVA sur le thé plutôt surprenante en soutenant qu'elle sera bénéfique au consommateur. Il tient d'abord à préciser que cette hausse de TVA concerne le thé conditionné, mais celle-ci sera compensée par une baisse des droits de douane de 40 à 32,5%. Cette baisse sera encore plus importante pour le thé en vrac dont la TVA passe de 32,5% pour le thé vert et 25% pour le thé noir à un taux unifié de 2,5% seulement. Pour le ministre, ces baisses visent à encourager une industrie du thé au Maroc.
Contribution libératoire : 2 MMDH de déclarés
L'objectif du gouvernement, au lancement de cette opération, était de pouvoir rapatrier 5 MMDH dans le cadre du paiement d'une déclaration libératoire de 5% pour les dépôts en comptes devise au Maroc et de 2% pour les comptes en dirham. Toutefois, l'on a pu déclarer que 2 MMDH dont 65% des liquidités et 35% des déclarations de biens immobiliers. Il reste encore deux mois avant que cette amnistie ne prenne fin et l'on espère pour le gouvernement que la cadence des rapatriements s'accélèrera. Pour Boussaid, qui n'aime pas l'expression «fuite des capitaux», il y a eu une bonne disposition de la part des concernés, mais aussi de la prudence. Le ministre a ajouté qu'il y a eu récemment un élément qui peut jouer un rôle majeur dans l'accélération du processus de déclaration. Il s'avère que les banques étrangères commencent à contacter les Marocains concernés pour les informer de l'existence de ce dispositif de contribution libératoire pour assainir leur situation. La pression, comme le dit Boussaid, vient désormais de l'extérieur.
... Les socialistes attisent le débat sur la régionalisation
Les parlementaires socialistes et les ténors du groupe fédéral à la Chambre des conseillers n'ont pas hésité, lors d'une journée d'étude à Agadir, à tirer à boulets rouges sur les nouvelles dispositions du PLF 2015.
Une première. Alors que le débat sur la loi de Finances 2015 se faisait régulièrement au niveau central, les parlementaires socialistes et membres du groupe fédéral à la Chambre des conseillers ont opté pour sa décentralisation, à travers une journée d'étude, initiée en fin de semain dernière, à Agadir. Ce n'était pas par hasard ainsi que la régionalisation avancée a ponctué les travaux de cette journée. Pour le parlementaire usfpeiste, Tarik Kabage, qui a ouvert le bal, «la loi de Finances 2015 qui devait accompagner l'opérationnalisation de ce chantier, n'a pas tracé avec précision, les contours afférents à la part financière de chaque région dans le cadre d'une répartition équitable des richesses. Et ce, pour une meilleure pondération des retombées sur le vécu quotidien des citoyens». C'est pourquoi, le député a insisté sur la réduction des disparités régionales et finir avec une politique relevant, en grande partie, des services centraux. Chose qui a donné du grain à moudre aux autres intervenants. Le parlementaire Hassan Tarek, a estimé de son côté, «qu'à l'issue de la 4e loi de Finances réalisée par le gouvernement actuel, c'est les citoyens les plus modestes qui subissent les conséquences de la réforme avec ses nouvelles mesures et taxes, bien que l'impôt sur la fortune, présenté par le groupe parlementaire de la FDT, s'inscrive dans la droite ligne du dernier discours royal». Un avis que semble partager Salah Akrine, un des intervenants au débat: «La loi de Finances 2015 n'a pas touché la réforme de l'IR qui figurait dans les recommandations des assises de la fiscalité en plus du parachèvement de celui de la TVA». Sur ce dernier point, d'autres produits ont été couverts par l'augmentation de la TVA de 10 à 20%, notamment le logement social, les pâtes alimentaires, le riz et le péage. «Alors que l'administration fiscale à du mal à recouvrir ses recettes, elle a annoncé la télédéclaration et le télépaiement en faveur de l'auto-entrepreneur?» S'interroge-il.
Même son de cloche chez son camarade du parti de la rose, le parlementaire Abdelali Doumou qui a qualifié cette loi d'écliptique: «À l'instar des lois de Finances réalisées depuis 2012, celle de 2015 est marquée, avant tout, par un divorce entre le discours et la réalité». Preuve à l'appui, si la Caisse de compensation a permis, selon le parlementaire, de générer près de 23 MMD suite à la levée de la subvention sur certains produits et l'instauration du système d'indexation, l'enveloppe précitée a été essentiellement destinée à la couverture du déficit en raison des contraintes liées aux notations internationales au lieu qu'elle soit dédiée aux classes sociales les plus démunies. En tout cas, «la loi s'est certes alignée sur le même seuil d'investissement de 2011, à savoir 189 MDH, mais depuis le gouvernement de l'alternance, l'investissement public, qui mobilise un tiers du PIB, enregistre un faible rendement», ajoute Abdelali Doumou. L'exemple de l'enseignement qui nécessite près de 46 MMDH est flagrant, selon le député en plus de celui de la santé. L'investissement public est également grevé par une politique sectorielle qui doit réviser ses priorités. «Au moment où le plan Maroc vert a entraîné l'augmentation de la production, le secteur fait actuellement face à la problématique de la commercialisation», ajoute Abdelali Doumou. Dans son intervention, Ahmed Reda Chami a évoqué, en plus du taux de croissance, le déficit de la balance commerciale des biens et des services en raison de la faiblesse de l'offre exportable marocaine. D'où l'importance, selon lui, d'encourager d'autres secteurs productifs innovants à l'instar de ce qui a été fait dans le cadre de l'émergence industrielle et la diversification de l'offre exportable ainsi que le ciblage d'autres marchés. La Caisse de la compensation n'a pas été épargnée. De l'avis du conseiller parlementaire, Mohamed Daidaa, c'est l'Etat qui bénéficie en grande partie de cette caisse à travers ses entreprises publiques -OCP, ONCF, ONEE, CDG, Al Omrane-, en plus, selon lui, de ses 184.450 véhicules qui dépassent de loin ceux du Japon (3.400 voitures), du Canada (25.000 voitures) et des Etats-Unis (72.000 voitures). Evoquant les grandes lignes de la reforme de retraite, le conseiller parlementaire, El Arbi Habchi, a estimé que ce chantier ne doit pas être réalisé aux dépens des équilibres sociaux et sans une vision globale.


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