Le gouvernement entame une série de prises de contact avec les centrales syndicales. Le projet loi sur la grève adopté par l'ancien gouvernement et non encore programmé au Parlement risque de bloquer les discussions. Le chef du gouvernement a reçu, mercredi, l'UMT dans le cadre de la reprise du dialogue social, en stand-by depuis près de cinq ans. L'UMT ouvre le bal d'une série de rencontres officielles qui devraient concerner les quatre autres centrales, la CDT, l'UNTM, l'UGTM et la FDT. Il s'agit d'une première prise de contact, après la série de rencontres de courtoisie que le gouvernement a déjà eues, en avril dernier, avec les syndicats. Aucun ordre du jour n'a encore été fixé. Il faut dire, explique Abdelhamid Fatihi, patron de la FDT, que «les deux parties, le gouvernement et les syndicats ne se sont pas encore mises d'accord sur la méthodologie à adopter pour ce premier round du dialogue social sous le nouveau gouvernement». Les syndicats continuent à s'accrocher à l'option d'un dialogue global à l'échelle nationale pendant lequel seront abordés notamment les question transversales comme le droit de grève, la réforme de la retraite, le code du travail et, éventuellement, le revalorisation des salaires dans la fonction publique. Pour sa part, le gouvernement insiste sur des rencontres sectorielles, «c'est le sens d'une circulaire adressée par le chef du gouvernement aux différents départements ministériels», affirme ce responsable syndical. C'est donc un premier point sur lequel les deux parties devront trouver un terrain d'entente. Et ce n'est pas le seul point de discorde de ce dialogue social que le gouvernement entend fermement faire renaître. Le projet de loi organique encadrant l'exercice du droit de grève, actuellement devant le Parlement, reste également un point d'achoppement, sans doute le plus important, de ces discussions. «C'est un pas que nous n'arrivons toujours pas à comprendre, nous les syndicats». C'est ainsi qu'Abdelhamid Fatihi commente le fait que le gouvernement ait adopté et déposé ce texte au Parlement sans en débattre avec les centrales syndicales. Pour sa part, l'UMT est ferme sur ce point, selon un responsable du syndicat, «le texte ne passera pas». Ce sujet occupe d'ailleurs une place importante dans le mémorandum que le syndicat a décidé d'adresser au gouvernement. Pour l'heure, ce projet de loi organique, déposé à la première Chambre, le 6 octobre 2016 soit aux dernières heures du gouvernement sortant, n'a toujours pas été programmé en commission. Or, dès sa nomination, Saâd-Eddine El Othmani a tenu à préciser que son gouvernement ne retirerait aucun des projets de loi déposé par son prédécesseur, et cela, précise Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement, «pour gagner du temps», affirmant que cette décision concerne, en plus du projet de loi organique sur la grève, 37 autres textes de loi actuellement devant les deux Chambres. Cependant, selon un syndicaliste, le ministre de l'emploi a promis aux centrales syndicales de remettre ce projet de loi sur la table des discussions. Ce sera probablement le cas également du projet de loi portant sur l'extension de la couverture médicale aux parents des fonctionnaires adhérents aux régimes publics de prévention sociale. Ce texte est actuellement bloqué au sein de la deuxième Chambre. «Même si c'est un texte de moindre importance, nous espérons qu'il fasse d'abord l'objet de concertations avec les syndicats avant sa promulgation», précise le patron de la FDT. Pour ce qui est de la réforme de la retraite, entrée en vigueur en septembre 2016, les syndicats notent que «les réformes paramétriques entreprises par le gouvernement n'ont pas donné de résultat. Cela d'autant que cette réforme ne concerne que la caisse publique de retraite. Les autres caisses comme la CNSS nécessitent également une réforme». Des signaux peu encourageants Les syndicats veulent engager des négociations sur un «véritable projet de réforme globale de la retraite». Or, pour reprendre les termes de ce responsable syndical, malgré le discours rassurant du gouvernement, «malheureusement les signaux envoyés par ce dernier ne sont pas encourageants». Pour preuve, «la note de cadrage relative au projet de Loi de finances de 2018 ne prévoit pas de mesures sociales significatives. Elle ne prévoit pas d'augmentation de salaires, ni de réaménagement du barème de l'IR». Ce qui fait dire à ce syndicaliste que «sur le plan social, l'année s'annonce très chaude». De toutes les manières, les centrales syndicales exigent d'être associées aux discussions relatives au projet de Loi de finances avant son adoption par le gouvernement. Naturellement, comme l'affirme un document diffusé par l'UNTM, syndicat proche du PJD que dirigeait l'actuel ministre de l'emploi, il sera également question, et c'est d'ailleurs une revendication de tous les syndicats, de revoir l'article 288 du code pénal et de se conformer à la convention n° 87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée le 9 juillet 1948 par la conférence générale de l'OIT. Les centrales syndicales insistent également sur les obligations du gouvernement prévues dans l'accord du 26 avril 2011 qui n'ont pas encore été honorées. Le premier round des négociations devrait, en outre, aborder la question de la réforme globale du champ syndicat avec, notamment, l'élaboration d'une loi organique portant sur le secteur. Par ailleurs, et comme le dialogue social est une affaire tripartite, le chef du gouvernement a tenu une réunion avec une délégation de la CGEM conduite par sa présidente. Lors de cette rencontre, qui s'inscrit dans le cadre du mémorandum d'entente signé par le gouvernement et la CGEM en 2012, ont été abordés des sujets relatifs au développement de l'économie nationale et aux réformes à entreprendre pour renforcer la création de richesses et d'emplois. La réunion a été aussi l'occasion, précise-t-on auprès de la Primature, d'examiner une série de questions relatives notamment aux mécanismes d'institutionnalisation du dialogue, au renforcement du climat d'affaires, à la réforme fiscale, à la formation professionnelle, à l'amélioration de la compétitivité des entreprises nationales, à la gestion du secteur non structuré et aux conditions d'accès aux marchés publics. A l'issue de la réunion, il a été convenu de créer «des groupes de travail conjoints chargés d'approfondir l'étude des différentes questions et propositions en vue de mettre en place les conditions de sa mise en œuvre, parallèlement au processus du dialogue social auquel participeront les centrales syndicales».