La marge nette du logement à 250 000 DH descend actuellement entre 15 et 30%, alors qu'elle atteignait 60% au lancement du dispositif en 2010. La rentabilité est érodée par la hausse des prix du foncier, la diminution de la densité des programmes et l'enrichissement des prestations. L'investissement dans le logement social à 250000 DH est-il toujours juteux pour les promoteurs immobiliers ? La question se pose aujourd'hui compte tenu des contraintes que rapportent les opérateurs sur ce type de projets: rallongement des délais de développement et de commercialisation, hausse du prix du foncier, nécessité de monter en gamme en matière de prestations dans un contexte de forte concurrence... Ces nouvelles conditions d'exercice font que l'on ne peut plus prétendre aujourd'hui aux taux de rentabilité qui avaient cours au lancement du dispositif en 2010, tranchent les professionnels. Ainsi, si les promoteurs parvenaient à des taux de marge nette compris entre 50 et 60% il y a 6 ans, la barre est descendue aujourd'hui à 30% voire 15%, selon les données obtenues par La Vie éco auprès d'opérateurs du secteur. Les promoteurs gagnent donc moins et même beaucoup moins en comparaison aux taux de rentabilité qui ont prévalu jusqu'en 2006 dans le cadre du précédent dispositif du logement social, qui dépassait même les 100%, selon les professionnels. Mais plus que cela, ils doivent composer avec des cycles d'exploitation plus longs. Il y a quelques années encore, les programmes étaient achevés au plus en 3 ans, tandis que l'on peut monter à 4 ans actuellement en incluant les délais de demande d'autorisation, assure-t-on parmi les promoteurs. Cela peut faire tomber la rentabilité à moins de 10% par an, ce qui reste tout de même confortable, tout en gardant à l'esprit que la promotion immobilière reste un métier risqué au Maroc qui doit être rémunéré comme tel, de l'avis des banquiers. Naturellement, la marge réalisable dépend de plusieurs facteurs. Les choses changent du tout au tout par exemple selon la ville où le programme est réalisé. Si à Casablanca les développeurs parviennent encore à s'en sortir, il n'y a quasiment pas moyen de rentabiliser un nouveau projet de logement social dans le contexte de suroffre que connaît Tanger, assurent les professionnels de la ville. Le foncier coûte jusqu'à 1800 DH le m2 à Casablanca Ce qui a réellement changé la donne pour les promoteurs immobiliers, c'est l'emballement des prix du foncier. Encore en 2010, les prix exigés pour du foncier destiné à des programmes de logement social démarraient globalement à 1 200 DH/ m2 à Casablanca, rappelle la profession. «Il était même possible de dénicher des terrains à 300 DH/ m2», assure un opérateur. Aujourd'hui, les tarifs descendent difficilement en dessous de 1 800 DH/ m2, soit presque le seuil au-dessus duquel il devient quasi impossible de garantir la viabilité du projet, selon les normes de la profession. Il reste bien sûr possible d'accéder à des tarifs plus bas, mais il s'agit en général de terrains excentrés, ce qui peut ralentir le rythme d'écoulement des logements. Une donne d'autant plus difficile à gérer lorsque le programme est financé à crédit, ce qui engage généralement le promoteur dans une course contre la montre pour contenir ses frais financiers. Pour se faire une idée sur l'impact du renchérissement du foncier sur le business des promoteurs du social, précisons qu'un coût d'acquisition du terrain qui passe de 1 200 à 1 800 DH/m2 fait monter le coût du foncier par appartement de 60 000 DH à 90 000 DH, soit près du tiers du prix de vente. Cela, en partant du principe que le promoteur construit 200 logements à l'hectare. Mais même cette norme, qui permet aux développeurs de contrebalancer la cherté du foncier, dans une certaine mesure, par une densification de leurs programmes, n'est plus acquise dans les conditions actuelles du marché. En fait, le cahier des charges établi par le ministère de l'habitat pour le logement à 250 000 DH autorise les promoteurs à construire 230 appartements à l'hectare. En optimisant leur foncier au maximum, ceux-ci sont parvenus à une densité de 200 unités à l'hectare, mais ils sont amenés aujourd'hui à la revoir à la baisse. En effet, pour se démarquer sur un marché où l'offre tend à dépasser la demande (plus de 276 200 unités de logement social ont été achevées depuis 2010 à fin août 2016, selon les derniers chiffres officiels du ministère de l'habitat), les développeurs revoient les surfaces des logements proposés dans le cadre de leurs programmes. Alors qu'au lancement du dispositif les superficies les plus communes tournaient autour de 55 m2, la norme aujourd'hui est plutôt de 60 m2 et les développeurs qui souhaitent se démarquer montent même à 70 m2, voire plus. Cela réduit systématiquement la densité à l'hectare qui peut chuter actuellement à 150 logements. Dans le même objectif de se faire une place sur le marché, les professionnels ont dû enrichir leurs prestations en intégrant des ascenseurs ou des piscines, ce qui renchérit le coût par logement de quelques milliers de DH supplémentaires. Le coût de la construction est resté stable En revanche, pas de changement notable au niveau des autres postes de charges. Le coût de la viabilisation (chaussées, bordures, trottoirs, raccordement aux réseaux divers d'assainissement, d'électricité, d'éclairage urbain...) démarre ainsi toujours à 10 000 DH par appartement et peut aller jusqu'au double, selon les cas, d'après les données recueillies auprès des professionnels. Le coût de la construction se maintient aussi à son niveau de ces dernières années : à partir de 1900 DH/ m2. La réalisation d'un logement de 60m2 démarre donc à 114000 DH. A tout cela s'ajoutent les frais divers qui regroupent les charges d'étude, l'ingénierie, la commercialisation, les frais de gestion ou encore les frais financiers, en cas de recours au financement bancaire. L'ensemble représente entre 7 et 9% du prix de vente du logement, selon les normes constatées sur le secteur. En bout de chaîne, les promoteurs supportent actuellement un coût de revient par logement autour de 240000 DH ou approchant les 200000 DH pour ceux qui s'en sortent le mieux. En prenant en considération le prix de vente de 250 000DH mais aussi un remboursement de TVA de 40 000 DH par logement au bénéfice du promoteur (l'Etat prenant en charge le paiement de cette taxe pour le compte des acquéreurs), la marge nette par unité peut représenter actuellement jusqu'à 87 000 DH.