Le 20 Août 1999, Mohamed VI proclamait : « Nous demeurons fidèle à la voie hassanienne et attaché à la constitution marocaine qui stipule que le Roi Amir Al Mouminin est le représentant suprême de la Nation, le symbole de son unité, le garant de la pérennité et de la continuité de ‘Etat ». Deux ans après, il déclarait au quotidien français « Le Figaro » que « le peuple marocain voulait une monarchie démocratique et exécutive ». En 2005, il accordait une longue interview au quotidien espagnol « El Pais ». A la question de savoir s'il était envisageable que le Maroc devienne une nouvelle monarchie parlementaire à l'européenne, il répondit d'une manière catégorique. : « Non. Il ne faut pas transposer le modèle des monarchies européennes.». En 2007, passage de la monarchie exécutive à la monarchie totale : « Le régime voulu par nous, est une monarchie agissante qui ne saurait être cantonnée dans un concept ou des parcours distincts, exécutif, législatif ou judiciaire". Le roi Mohamed VI devenait, pour reprendre, une formule de notre confrère de Telquel, « Un roi de tout et de partout». Au lendemain, et en écho à la première marche du Mouvement du 20 février, il affirmait devant le Conseil Economique et social : « Nous nous sommes constamment refusé à céder à la démagogie et à l'improvisation dans notre action visant à consolider notre modèle singulier de démocratie et de développement ». Par ces différentes prises de positions Mohamed VI fait sienne la règle d'or de son père, qui disait : « Je suis un homme de principes, mais pas un homme de positions », se situe dans sa continuité. Oui, donc, au relookage, à des réformettes, mais les pouvoirs régaliens du roi, essences même de la monarchie absolue, ne seront jamais remis en cause. Le roi Mohamed VI reste, ce faisant, cohérant avec lui-même et fidèle à la conception sounnite malekite du pouvoir, celle de ses a ncetres. Logique donc qu'il ait nommé, pour procéder à ce « toilettage », une commission consultative constituée par la « Khassa d'el Khassa » (L'élite de l'élite) dont le rôle est purement consultatif. Ce qui renvoie à la « Choura » qui n'est contraignante ni pour le « consulté », ni pour le « consultant ». Dans cette opération exit donc la « Ra3iya » et la 3amma » (le peuple, les gens du commun). Rappelons que dans tout pouvoir soultanien autocratique traditionnel, nous trouvons ce paradigme : « Arra3iya » (Le troupeau,et par extension, les assujettis) et « Arra3i », le roi berger. C'est dire que nous sommes bien loin de la démocratie qui est le gouvernement par le peuple ou comme la définissait le président Lincoln « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». LE ROI DOIT-IL RENDRE DES COMPTES? Le premier article de la constitution consacre le principe de « La corrélation entre les responsabilités et la reddition des comptes ». Ainsi quiconque exerce le pouvoir est responsable et justiciable. En un mot il est comptable de ses actes, de ses décisions. Le roi, dans ce projet de constitution, ne conserve t-il pas toutes ses prérogatives de Chef de l'état et de Commandeur des croyants ? N'est-il pas l'autorité ultime en matière religieuse ? Ne préside t-il pas le conseil des ministres et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ? Ne demeure t-il pas le chef de l'armée ? Ne présidera t –il pas le "Conseil supérieur de sécurité" ? Ne nomme-t-il pas les ministres et n'a-t-il pas le pouvoir de les révoquer selon son bon vouloir ? N'est-il pas l'arbitre suprême ? En vertu de ce premier article, le souverain, de par toutes ces charges, ne devrait t-il pas rendre compte ? Ce qui ne sera pas le cas, car étant au dessus des lois. Or, sans cette adéquation entre responsabilités et reddition des comptes, point de démocratie Point barre. LA SACRALITE DE LA PAROLE Dans la nouvelle constitution, la personne du roi n'est plus sacrée. Cette sacralité était d'ailleurs contraire aux enseignements de l'Islam pour qui seul Dieu est sacré (لا قدسية إلى للله). Mais s'il n'est plus sacré, sa parole le demeure. Ainsi, l'article 52 stipule que « Le Roi peut adresser des messages à la nation et au parlement. Les messages sont lues devant l'une et l'autre des deux chambres et ne peuvent y faire l'objet d'aucun débat ». Une telle disposition fait de la parole du roi une parole sacrée qui s'apparenterait à une parole ravalée. Or, Dieu n'a-t-il pas débattu avec le diable ( Sourate Al-Hijr سورة الحجر), et les compagnons du prophète ont-il hésité à exprimer leur désaccord avec le messager de Dieu comme ce fut lors de la signature du traité d' « al 7oudaéibiya » Quant aux khalifes Abu bakr et Omar, ils ont incité les musulmans à critiquer leurs propos ainsi que leurs décisions A les tenir même sous surveillance. Le premier, lors de son discours d'investiture n'a-t-il pas dit « J'ai été désigné à votre tête, et je ne suis pas le meilleurs d'entre vous. Si je me conduis bien, aidez-moi, mais si j'agis mal, corrigez-moi ». Quant à Omar, il ne cessait de proclamer s'adressant aux fidèles : -« Ne dites pas ce qui va me plaira, mais dites ce qui sera conforme à la vérité ». -« Dieu soit loué, il en est parmi vous qui rectifient mes erreurs ». _« Point de bien à attendre de vous, si vous ne dites pas la vérité, et point de bien ne sera en nous, si nous ne sommes pas attentifs à cette vérité ». « La gouvernance est exemplarité et non recours de la force »ne cessait de répéter, pour sa part, le khalife Omar Ibn Abdel Aziz JUGE ET PARTI Le roi grâce aux dispositions de cette constitution deviendra par ailleurs, « l'arbitre suprême ». Or, de par les charges qui seront les siennes et qui en feront le principal acteur et décideur politiquer, toute neutralité est exclue. On ne peut être juge et parti. Et, en annonçant publiquement qu'il votera en faveur du projet constitutionnel, il se départit encore plus de la neutralité qui doit être la sienne. De surcroît, en dévoilant un vote qui doit demeurer secret, n'exerce t-il pas une pression sur le corps électoral, n'empiète t-il pas sur sa liberté de choix?. Plus dangereux pour l'avenir de la monarchie, en agissant de la sorte, ne transforme t-il pas le référendum sur la constitution en référendum sur la monarchie et sur sa personne ? Et tout vote contre, ne sera-t-il pas perçu comme un vote contre la monarchie, contre sa personne ? Force est, donc, de constater que c'est le devenir de la monarchie qui a été, et pour la première fois dans l'histoire du pays, au centre des débats relatifs à un projet constitutionnel. MENSONGE PAR OMISSION Dans une déclaration à la presse, le sous secrétaire à l'Intérieur à annoncé, en grande pompe, que le gouvernement s'est engagé à garantir à tous les partis politiques et syndicats un accès aux médias officiels lors de la compagne référendaire. Un accès limité, allant de 12 à trois minutes. La belle affaire! Et quelle mansuétude ! Et quelle générosité! Mais, monsieur le sous secrétaire d'Etat n'a-t-il pas commis un mensonge par omission, en « oubliant » sciemment de signaler que le makhzen disposera des média « publiques » pour mener une campagne 24 sur 24 en faveur du projet constitutionnel. Une campagne, véritable matraquage et authentique bourrage et tentative de formatage de crâne où le roi et le projet de la constitution deviennent de véritables synonymes. «CHMAKIAS », IMAMS ET CONFRERIES MEME COMBAT! A cela il faut ajouter l'organisation et l'encadrement par le makhzen de « manifestations spontanées » qui, bien entendu, n'ont besoin d'aucune autorisation préalable comme exigée au Mouvement du 20 février. Ces « manifestations spontanées », ne sont–ils pas « animées » par des repris de justice et autres « Chmakris », « rétribués » rubis sur l'ongle pour leur « dévouement » et « leur soutien indéfectible » à la monarchie et au projet de la constitution. Des manifestations où ceux qui veulent voter contre ou boycotter sont discrédités, taxés de traîtres, de vendus, de « bouffeurs de ramadan », d'athées et de « msakhet al malik ». Des insultes et des calomnies accompagnées de slogans où le ridicule le dispute à l'absurde tels « La djaj, la bibi, al malik 7abibi »(1), « Tahiya nidaliya, l soulta al ma7aliya (2) Mais, le pouvoir ne s'est pas limité à ces « recrutements ». Ainsi, lui qui n'a pas cessé de ressasser que la religion ne saurait être instrumentalisée politiquement, n'a pas hésité à mobiliser les imams (3)des mosquées et même les zaouïas, comme celle des « Boutchichiyines » (4) pour mener compagne et « prêcher » en faveur du projet constitutionnel. Ce qui rappelle certaines pratiques coloniales d'embrigadement des confréries pour lutter contre le mouvement nationaliste. Amen. 1-« Ni poulet, ni dindon et le roi est mon chéri » 2- « Salut militant pour les autorités locales » 3-Dans leurs préches, les imams ont qualifié ceux qui veulent voter non de musulmans pécheurs ( مسلم عاصي), ceux qui boycottent de mécréants (كفار) 4- « Le Boutchichi, Allah, Allah, oui à la constitution » scandaient les adeptes de cette zaouïa, ( البوتشيشي الله الله نعم للدستور)