La démission forcée, en juillet 2010, du directeur exécutif de Taqa (MC nº939), va-t-elle éclabousser tout le Makhzen, alors que le palais royal tente de désamorcer le Mouvement du 20 février ? Peter Barker-Homek, ex-CEO du groupe émirati, propriétaire de la centrale de Jorf Lasfar qui produit 44% de l'électricité marocaine, a lancé de graves accusations contre Hassan Bouhemou, patron de la SNI, la holding privée du roi, et d'autres dignitaires. Débarqué sans explication, Peter Barker-Homek expliquait déjà, dans sa plainte déposée en août dernier devant la justice américaine, que son ex-employeur lui avait demandé "d'arroser" plusieurs officiels marocains, sans préciser lesquels. Mais le courrier adressé, le 11 janvier, par son avocat Sasha Frid (cabinet Miller Barondess LLP) au "bureau des alertes" de la Securities & Exchange Commission (SEC) américaine (Taqa est coté aux Etats-Unis) est beaucoup plus précis. Dans cette lettre, que Maghreb Confidentiel a pu consulter, Peter Barker-Homek explique que le président de Taqa, Hamad Al-Suwaidi, lui avait demandé de "verser 5 millions $ par an à Hassan Bouhemou, PDG de la SNI, pour financer un festival de musique (…) afin que Taqa décroche le feu vert pour procéder à l'extension de la centrale d'électricité de Jorf Lasfar". Bouhemou est le principal animateur du festival Mawazine. Et, d'après nos sources, cet événement a bien bénéficié d'un sponsoring du groupe émirati, mais à hauteur d'un million $ par an… Le courrier adressé à la SEC détaille aussi l'audacieux montage élaboré par Majid Iraqui (alors responsable Maroc de Taqa) pour financer l'extension de la centrale de Jorf Lasfar. Selon cette opération, "300 millions $ ne pourraient quitter le Maroc avant six mois". Cet argent "a été déposé auprès de la Banque centrale du Maroc afin que son gouverneur, Abdellatif Jouahri, puisse en récupérer les intérêts sur cette période (…), soit une autre source de revenu illégale (…)". Le courrier envoyé à la SEC n'indique pas où sont passés les intérêts, mais accuse Majid Iraqui "d'avoir personnellement été payé 10 millions $" dans le cadre de l'opération. Et précise que l'extension de la centrale, qui selon la loi marocaine aurait dû faire l'objet d'un appel d'offres, a été accordée de gré à gré à Taqa. Où est donc passé Hassan Bouhemou ? Selon nos informations, le Chief Executive Officer de la Société nationale d'investissement (SNI), la holding privée d'investissement du palais royal, Hassan Bouhemou, par ailleurs bras droit de Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi Mohamed VI, se fait extrêmement discret depuis plusieurs semaines. Rappelons que la SNI a récemment fusionné avec l'ONA, et qu'un certain nombre de filiales doivent être prochainement introduites en Bourse. Parcours professionnel de Peter Barker-Homek. Après avoir obtenu son diplôme en journalisme et en management de la New York University, Homek s'est enrôlé dans l'US Marine Corps, puis a démarré sa carrière dans le civil chez Merrill Lynch. Lors de la guerre du Golfe en 1990, il a réintégré l'armée américaine, avant de travailler pour le département d'Etat à un poste classé secret-défense. Après un MBA à USC, il rejoint Pacific Enterprises, puis British Gas et enfin British Petroleum, où il conseille les opérations de fusions-acquisitions. C'est à cette époque qu'il est sollicité pour venir travailler chez Taqa et développer les activités internationales du groupe émirati. Maghreb Confidentiel N° 971 12/05/2011