Le régime politique marocain est aujourd'hui le premier dans le monde arabe, qui semble aborder une phase de réformes élargies. Mais si l'on se réfère aux critères adoptés universellement pour qualifier une telle expérience politique de transition démocratique ; il est difficile de prétendre que l'expérience marocaine en est le meilleur exemple. Car les conditions constitutives ne sont pas encore réunies pour permettre de mieux saisir les déplacements complets du régime vers la plénitude d'un régime démocratique. Les limites des changements effectués et la nature des étapes franchies attestent d'un certain nombre de difficultés dans la mise en place de la transition démocratique, d'autant plus que la volonté de maintien des mêmes structures institutionnelles interdit dans les faits, tout changement de grande ampleur. Les modalités d'exercice du pouvoir monarchique sont aujourd'hui directement liées à la croyance en la fonctionnalité de la cohabitation de commanderie des croyants de ce pouvoir avec la démocratie. Il faudra donc tenir compte du fait que la relation entre ces deux éléments conduit les autres acteurs politiques à s'imposer des contraintes et à accepter des arrangements dans une situation où le critère de ce qui va être créé et la manière dont cela sera créé, peuvent être arrêtés par le roi qui ne cesse d'être l'acteur dominant de la vie politique. Lorsque l'on parcourt la littérature qui rend compte des réformes politico-institutionnelles marocaines, l'on s'aperçoit très vite que le recours à la comparaison avec l'exemple espagnol de la transition démocratique est très présent dès lors qu'on y porte un regard intéressé qui va de l'explication de l'expérience de l'alternance de mars 1998, à l'analyse de la manière dont le nouveau règne ajuste ses modalités de fonctionnement à la logique de l'engagement dans la démocratisation. Le débat autour de la problématique de la réforme politico-institutionnelle au Maroc oublie souvent qu'il s'agit d'une démocratisation « pendulaire », proprement marocaine, loin d'avoir une similarité avec le modèle espagnol de transition qui se retrouve dans presque tous les travaux comparatifs consacrés aux changements de régime. La complexité de la transition politique marocaine provient d'une tension structurelle entre continuité et changement. Les stratégies de réforme et de changement conduites par les dirigeants du pays, et fondées sur le respect des règles du jeu acquises, s'adaptent à l'existant. La continuité est de mise malgré l'affichage, parfois, de la rupture. Autrement dit, l'adaptation au changement ne doit pas conduire à transformer la nature et les particularismes du pouvoir royal. La trajectoire de la démocratisation demeure marquée par son influence. L'idée de démocratisation du régime va de pair avec l'idée de « monarchie exécutive et démocratique » que le Roi Mohamed VI a développée à partir d'une interview accordée au quotidien français Le Figaro du 4 septembre 2001 : « Les Marocains veulent une monarchie forte, démocratique et exécutive. Notre monarchie est constitutionnelle avec un texte fondamental datant de 1962 qui avait été élaboré en étroite concertation avec les formations politiques de l'époque. Mais chez nous, le roi ne se contente pas de régner. Je règne et je travaille avec mon gouvernement dans un cadre constitutionnel clair qui définit la responsabilité de chacun. Il n'y a aucune ambiguïté et aucun complexe dans ce que je suis en train de vous dire. Depuis treize siècles que dure la monarchie marocaine, nous avons évolué dans ce cadre et les Marocains le veulent ainsi ». Désormais, l'incertitude liée à la démocratie peut être remplacée par la certitude propre au processus de démocratisation marocain dont l'impératif de l'existence repose sur la coexistence entre monarchie exécutive et démocratie. Au regard de la spécificité marocaine, les orientations théoriques de la transition démocratique doivent devenir plus modestes ; elles doivent tenir compte de la complexité du changement politique et constitutionnel qui défie toute généralisation. Ce qui caractérise le débat politique est que le flou conceptuel provient essentiellement de l'amalgame qui a souvent été fait entre la transition démocratique et l'alternance politique ; il résulte aussi de l'enthousiasme qui a accompagné la formation du premier gouvernement d'alternance en mars 1998. Les conditions politiques dans lesquelles circule l'idée de transition démocratique ont constamment voulu soumettre sa force intrinsèque à des intérêts politiques qui rendent possibles toutes les déformations liées à une sorte d'usage politique réservé au thème de transition démocratique, c'est-à-dire un pouvoir idéologique qui lui permet d'exprimer une pensée et son contraire. Il est donc important pour les analystes d'identifier les transformations de la trajectoire marocaine de réforme. Aborder le processus de démocratisation, tenter d'en saisir les tenants et les aboutissants, c'est d'emblée, d'un point de vue scientifique, méthodologique, mais aussi pratique, s'attacher aux caractéristiques majeures de ce processus, reconnaître l'ambivalence des conséquences du changement en situation de construction démocratique imparfaite. Ainsi, il semble nécessaire de ne pas se laisser orienter par le charme trompeur des théories relatif au paradigme de la transition démocratique pour expliquer le changement politico-institutionnel au Maroc. En effet, l'étude de la démocratisation doit avant tout porter sur la dynamique de passage d'un régime politique à un autre ; elle porte, plus exactement, sur la manière par laquelle un régime politique, auparavant autoritaire, se transforme pour finir en fin de compte par se démocratiser. * Docteur en sciences politiques. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. La problématique de la transition démocratique au Maroc. Hassan Zouaoui Docteur en sciences politiques, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. Le régime politique marocain est aujourd'hui le premier dans le monde arabe, qui semble aborder une phase de réformes élargies. Mais si l'on se réfère aux critères adoptés universellement pour qualifier une telle expérience politique de transition démocratique ; il est difficile de prétendre que l'expérience marocaine en est le meilleur exemple. Car les conditions constitutives ne sont pas encore réunies pour permettre de mieux saisir les déplacements complets du régime vers la plénitude d'un régime démocratique. Les limites des changements effectués et la nature des étapes franchies attestent d'un certain nombre de difficultés dans la mise en place de la transition démocratique, d'autant plus que la volonté de maintien des mêmes structures institutionnelles interdit dans les faits, tout changement de grande ampleur. Les modalités d'exercice du pouvoir monarchique sont aujourd'hui directement liées à la croyance en la fonctionnalité de la cohabitation de commanderie des croyants de ce pouvoir avec la démocratie. Il faudra donc tenir compte du fait que la relation entre ces deux éléments conduit les autres acteurs politiques à s'imposer des contraintes et à accepter des arrangements dans une situation où le critère de ce qui va être créé et la manière dont cela sera créé, peuvent être arrêtés par le roi qui ne cesse d'être l'acteur dominant de la vie politique. Lorsque l'on parcourt la littérature qui rend compte des réformes politico-institutionnelles marocaines, l'on s'aperçoit très vite que le recours à la comparaison avec l'exemple espagnol de la transition démocratique est très présent dès lors qu'on y porte un regard intéressé qui va de l'explication de l'expérience de l'alternance de mars 1998, à l'analyse de la manière dont le nouveau règne ajuste ses modalités de fonctionnement à la logique de l'engagement dans la démocratisation. Le débat autour de la problématique de la réforme politico-institutionnelle au Maroc oublie souvent qu'il s'agit d'une démocratisation « pendulaire », proprement marocaine, loin d'avoir une similarité avec le modèle espagnol de transition qui se retrouve dans presque tous les travaux comparatifs consacrés aux changements de régime. La complexité de la transition politique marocaine provient d'une tension structurelle entre continuité et changement. Les stratégies de réforme et de changement conduites par les dirigeants du pays, et fondées sur le respect des règles du jeu acquises, s'adaptent à l'existant. La continuité est de mise malgré l'affichage, parfois, de la rupture. Autrement dit, l'adaptation au changement ne doit pas conduire à transformer la nature et les particularismes du pouvoir royal. La trajectoire de la démocratisation demeure marquée par son influence. L'idée de démocratisation du régime va de pair avec l'idée de « monarchie exécutive et démocratique » que le Roi Mohamed VI a développée à partir d'une interview accordée au quotidien français Le Figaro du 4 septembre 2001 : « Les Marocains veulent une monarchie forte, démocratique et exécutive. Notre monarchie est constitutionnelle avec un texte fondamental datant de 1962 qui avait été élaboré en étroite concertation avec les formations politiques de l'époque. Mais chez nous, le roi ne se contente pas de régner. Je règne et je travaille avec mon gouvernement dans un cadre constitutionnel clair qui définit la responsabilité de chacun. Il n'y a aucune ambiguïté et aucun complexe dans ce que je suis en train de vous dire. Depuis treize siècles que dure la monarchie marocaine, nous avons évolué dans ce cadre et les Marocains le veulent ainsi ». Désormais, l'incertitude liée à la démocratie peut être remplacée par la certitude propre au processus de démocratisation marocain dont l'impératif de l'existence repose sur la coexistence entre monarchie exécutive et démocratie. Au regard de la spécificité marocaine, les orientations théoriques de la transition démocratique doivent devenir plus modestes ; elles doivent tenir compte de la complexité du changement politique et constitutionnel qui défie toute généralisation. Ce qui caractérise le débat politique est que le flou conceptuel provient essentiellement de l'amalgame qui a souvent été fait entre la transition démocratique et l'alternance politique ; il résulte aussi de l'enthousiasme qui a accompagné la formation du premier gouvernement d'alternance en mars 1998. Les conditions politiques dans lesquelles circule l'idée de transition démocratique ont constamment voulu soumettre sa force intrinsèque à des intérêts politiques qui rendent possibles toutes les déformations liées à une sorte d'usage politique réservé au thème de transition démocratique, c'est-à-dire un pouvoir idéologique qui lui permet d'exprimer une pensée et son contraire. Il est donc important pour les analystes d'identifier les transformations de la trajectoire marocaine de réforme. Aborder le processus de démocratisation, tenter d'en saisir les tenants et les aboutissants, c'est d'emblée, d'un point de vue scientifique, méthodologique, mais aussi pratique, s'attacher aux caractéristiques majeures de ce processus, reconnaître l'ambivalence des conséquences du changement en situation de construction démocratique imparfaite. Ainsi, il semble nécessaire de ne pas se laisser orienter par le charme trompeur des théories relatif au paradigme de la transition démocratique pour expliquer le changement politico-institutionnel au Maroc. En effet, l'étude de la démocratisation doit avant tout porter sur la dynamique de passage d'un régime politique à un autre ; elle porte, plus exactement, sur la manière par laquelle un régime politique, auparavant autoritaire, se transforme pour finir en fin de compte par se démocratiser.