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L'art de rater le coche
Publié dans Lakome le 09 - 04 - 2011

Dimanche 3 avril, ils furent des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes, garçons et filles à manifester à travers villes et villages du royaume. Calme, civisme et responsabilité furent de rigueur. Pas une pierre ne fut lancée, pas une vitrine ne fut brisée.
Ils et elles répondaient aux appels des différentes sections du Mouvement du 20 février.
Bien entendu, aucune radio privée, ni publique, aucune des sept chaînes de télévision sous la férule de l'Etat ne relaya l'appel de ce mouvement.
Instructions, pressions et menaces du makhzen obligent ! Un makhzen qui ne semble pas se rendre compte que ses médias sont devenus obsolètes, dérisoires devant les effets mobilisateurs foudroyants de l'Internet, de facebook, des réseaux sociaux et autres Twitter .
Lors de ces manifestations, tous et toutes renouvelèrent les mêmes revendications que celles scandées lors de leurs précédentes marches :
-« Pour une monarchie parlementaire »
-« Un roi qui règne, mais ne gouverne pas »
- « Non à une constitution octroyée »
« Oui à une constituante »
« Non à la corruption »
« Libération des détenus politiques »
-« Abass dégage »
-« Majidi dégage »
-« El Himma dégage »v
-« Parlement dégage »
Cette grande mobilisation a mis en exergue le gouffre abyssal qui sépare, désormais, les jeunes générations, décidées à se libérer de toute forme de servitude, à prendre leur destin en main et à façonner le monde au lieu de le subir et une classe politique fossilisée, plus conservatrice, plus soumise que jamais.
Ainsi, lorsque les jeunes réclament une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas, rejetant ainsi et l'article 19 de la constitution et le principe de la Commanderie des croyants, un parti comme l'USFP, hier encore .0fer de lance de revendications progressistes, affirme, haut et fort, que cette commanderie «constitue la garantie de la stabilité et de l'intégrité territoriale, ainsi que du respect des conventions et protocoles internationaux »,précisant, dans la foulée, que « le roi doit nommer le chef du gouvernement du parti ayant remporté les élections mais aussi peut le démettre de ses fonctions ainsi que les autres ministres sur la base de propositions faites par le chef du gouvernement ». Plus encore le monarque « doit avoir un rôle d'orientation et de décision en matière sécuritaire, des affaires étrangères et de la défense nationale ».
Mais, cette « profession de foi » ne suffisait pas, le parti tint à se dédouaner en justifiant sa participation, ô combien dérisoire du reste, à la marche du 20 Février en soutenant que celle-ci « n'était pas pour exprimer le rejet du discours royal, ou encore pour dire qu'il comporte des insuffisances, mais qu'elle avait pour objectif de renforcer la dynamique enclenchée par le discours » affirmait ainsi Ali Bouabid, une des figures montantes de ce parti
Pour sa part, dans une interview accordée à l'hebdomadaire français L'Express, le ministre uneifpeiste de l'industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Ahmed Reda Chami, affirmait, tenez-vous bien, que le Maroc était une « république monarchique ». No comment !
Triste destin que celui du parti fondé par Mehdi Ben Berka, Abderrahim Bouabid, Fkih Basri, Omar Benjelloun lesquels doivent se retourner dans leurs tombes.
Quant aux autres composantes de la Koutla, elles ne sont pas en reste avec les amis de Lyazghi.
Force est donc, de convenir que cette alliance, par essence contre nature, n'a pas « déçu ». Elle est restée fidèle à elle-même, à savoir parfaitement makhzanisée. Une makhzanisation scellée, faut-il le rappeler, il y a plus d'une décennie lorsqu'elle avait adhéré, sans retenue, à l'arnaque appelée alternance consensuelle, initiée par Hassan II, et destinée à assurer, avant tout , la pérennité de la monarchie alaouite.
Pourtant, plus d'un avait espéré que le vent de la révolution qui souffle, depuis quelques mois, sur le monde arabe, allait pousser ces partis à se remettre en question, à s'insérer dans ce changement et, par là, dans le cours de l'Histoire.
L'émergence et le succès du mouvement du 20 février n'offrait-il pas aussi une occasion inespérée pour cette ancienne opposition, de réaliser sa glasnost, de faire peau neuve ?
Peine perdue, espoir déçu.
Les dirigeants de USFP, de Istiqlal, du PPS ont-ils préféré rater ce rendez-vous avec l'Histoire afin préserver leurs intérêts propres, immédiats, leurs fauteuils de ministres, leurs privilèges, le présent leur important plus que l'avenir ?
Pour ces partis, de plus en plus véritables « Radeaux de la Méduse », un bon tiens vaut mieux que deux tu l'auras !
Au plus profond d'eux-mêmes, peut-être, savent-ils qu'ils sont dépassés, qu'ils n'ont plus de rôle à jouer, que l'avenir du Maroc s'écrira sans eux. Cette audace, ce grain de folie sans lequel on ne peut changer le monde, les ont-ils jamais eus ?
Qu'ils les regardent aujourd'hui à l'oeuvre dans les revendications de la jeunesse marocaine ! (Voir l'intervention concise, argumentée, décomplexée et d'une franchise époustouflante de Amina abou Ghazi à Medi 1Sat http://24.mamfakinch.com/participation-)
Il est logique alors que les responsables de ces partis s'en soient pris au mouvement du 20 février dés sa naissance, qu'ils l'aient cloué au pilori, qu'ils l'aient accusé de constituer une cinquième colonne à la solde du Polisario.
Il est vrai que la réussite de ce mouvement ne pourrait que sonner le glas pour ces dirigeants et pour leurs intérêts. Non seulement ne constitueraient-ils plus les principaux interlocuteurs du régime, mais ils pourraient à terme se retrouver exclus de l'échiquier politique.
C'est ce qui a fait dire à M. Lachgar*, figure de proue de l'USFP et ministre, que « dialogue et négociation ne peuvent s'instaurer entre la rue et le pouvoir, mais seulement entre des institutions et le régime »
Par » rue », il faut entendre le mouvement du 20 février et par « institutions » les partis politiques.
Il s'agit donc d'une question de vie ou de mort pour ces dirigeants désormais en situation de survie.
Et, il a suffit que le souverain s'exprime en faveur d'une réforme constitutionnelle et les voilà « changant de fusil d'épaule », et même « osant balbutier » quelque réformette lors de leur audition par le CCRC .
Autant dire que la monarchie ne devrait pas trop se réjouir de ce soutien des partis, hier d'opposition, pour une raison simple, ils ne sont plus que des coquilles vides, rejetés par la très grande majorité du peuple comme en témoignent les résultats des élections législatives de 2007 boycottées par 63% de l'électorat
Il en est de même des autres composantes de la classe politique, exception faite du PSU, Ennahj, Taéli3a.
Cette classe politique est rejetée, voir honnie par les jeunes générations, celles qui constituent l'essentiel des adhérents du mouvement du 20 février.
En optant pour des positions aux antipodes des revendications de la jeunesse de ce pays, elle s'est rangée du côté d'un régime obsolète, sclérosé, anachronique, suranné avec des rituels et un protocole antédiluvien, soutenu, de surcroît par des sécuritaires adeptes d'une répression tous azimuts et des prédateurs qui se sont enrichis d'une manière scandaleuse.
Par une telle posture, cette caste a donné, de facto, un feu vert à tous ceux qui veulent en découdre avec ce mouvement, serait-ce en recourant à une répression sanglante.
Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas une nouveauté : c'est avec la même stratégie que ces partis ont obtenu voici quelques années la mise à mort de la presse indépendante.
Que l'on se rappelle que ce sont l'USFP, l'Istiqlal le PPS qui, les premiers, sont partis en croisade contre cette presse qu'ils ont accusée de franchir les lignes dites rouges, de constituer une cinquième colonne au service du Polisario et des ennemis du pays. Une presse nihiliste qu'il fallait neutraliser.
La finalité de ce lynchage systématique était de créer l'environnement adéquat pour que le régime et ses sécuritaires et autres sbires puissent mettre à mort cette presse indépendante. Ce qui advint. Et ainsi furent exécutés « Le Journal Hebdomadaire », « Demain », « Sahifa », « El Jarida El Oula » et (de) bien d'autres quotidiens et hebdomadaires. Tous ces média furent traînés en justice, leurs journalistes condamnés à des peines d'emprisonnement et à des amandes faramineuses, et ce à l'issu de procès iniques et ubuesques où le ridicule le disputait à l'absurde. Rappelons ceux de « La pierre sacrée » de « La ammmaria sacrée », de « La maladie sacrée »!
Malgré cette répression, cette presse et ses animateurs sont toujours présents et, aujourd'hui, ils s'expriment à travers des journaux électroniques tels « lakome.com» dans ses versions arabe et française, « Demainoneline » et dans bien d'autres.
Pour sa part, le ministre marocain des affaires étrangères a révélé, dans une intervention faite devant le think tank américain Brookings Institution, le 23 mars 2011, que les départements de la Défense et les Affaires étrangères resteraient entre les mains du roi et a justifié la nécessité du maintien de La Commanderie des croyants par le fait qu' « « Au Maroc le religieux est totalement séparé du politique, sauf au sommet de l'Etat. Ce qui garantit l'unité de la Nation » !!!!
Ainsi, partis de la Koutla et ministre des A.E chantent à l'unisson.
On peut se demander, alors, à quoi sert cette mascarade appelée réforme constitutionnelle du moment que les résultats du Comité consultatif de la révision de la constitution sont déjà devenus de notoriété publique. Un comité qui apparaît n'avoir qu'un rôle de diversion et dont l'un des membres, et non des moindres, M. Tozi, pour ne pas le nommer, considère que ni le peuple marocain ni les partis politiques ne sont prêts pour une monarchie parlementaire. Et dire qu'il s'agit d'un professeur de sciences politiques. Faut-il lui rappeler qu'en 1789, plus de 90% de la population française était analphabète et qu'il en était de même de l'Angleterre au temps de la révolution d'Olivier Cromwell au XVII siècle.
Des révolutions qui ont changé la face du monde.
L'Histoire n'avance t-elle par crises ?


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