Aboubakr Jamai, co-fondateur de Lakome et directeur de publication de sa version francophone, s'exprime sur le dernier communiqué d'Ali Anouzla et sur sa décision de maintenir les sites en activité. Chers amis, je suis dans une situation extrêmement compliquée. Je n'arrive pas à lire la nouvelle stratégie d'Ali. L'attitude de son nouvel avocat est franchement hostile a mon égard mais surtout à l'égard de Lakome. Je lui ai parlé hier. Ses réponses à mes questions sur la volonté d'Ali n'étaient pas claires. Il a commencé par me dire qu'il (Hassan Semlali) n'avait rien à voir avec le blocage des sites, avant de me rappeler dix minutes plus tard pour me dire que c'est bien lui qui a communiqué la volonté d'Ali au procureur du roi et à l'ANRT. Je précise: il m'a affirmé qu'il a lui même contacté le procureur du roi et l'ANRT. Lorsque je lui ai demandé si Ali lui même avait demandé que cette procédure soit entamée, il m'a répondu que le communiqué était clair. Je lui ai dit que ce n'était pas ma question, que je lui ai répétée : Est ce qu'Ali lui a EXPRESSEMENT demandé de contacter le procureur et l'ANRT. Là encore, il me répond une nouvelle fois : «Le communiqué est clair». À aucun moment, il ne m'a dit que c'était Ali qui lui avait demandé d'initier cette procédure. Je l'ai rappelé plus tard pour lui demander pourquoi le site francophone était lui aussi censuré et sur quelle base juridique Ali pouvait demander à la justice de bloquer les sites. À la première question, il m'a fait cette hallucinante réponse: «Mais c'est bien vous qui dites que le site francophone est la version francophone du site arabophone». Je lui ai alors répondu que cela n'avait aucun sens puisque le seul lien officiel d'Ali avec Lakome est le fait que son nom apparaisse dans l'ours du site arabophone comme directeur de publication, de la même façon que mon nom apparaît comme directeur de publication du site francophone. Pour la presse électronique, il n'y a pas de dépôt de dossier au tribunal de première instance comme pour la presse écrite. Ali n'apparaît même pas dans les documents officiels de la société à laquelle est déléguée la gestion des dépenses et revenus du site. Pourquoi j'ai décidé de ne pas arrêter les sites Je me trouvais à Bruxelles le lundi 14 octobre. Avant d'arriver en Belgique, j'avais passé une dizaine de jours en France et une petite semaine à Washington. Rencontres avec la presse, participation à des émissions à la télévision et à la radio, réunions au ministère des affaires étrangères français et au Département d'Etat américain, conférences organisées soit par des universités soit par des Think Tanks. Des événements le plus souvent dédiés au cas Ali Anouzla, sinon, des opportunités pour en parler. Le pompon avait été l'éditorial du Washington Post défendant Ali et stigmatisant l'autoritarisme du régime de Mohammed VI. Editorial publié d'ailleurs avant mon arrivée à Washington et sans que je n'en connaisse la genèse. J'apprendrais plus tard que c'est effectivement une ONG qui défend la liberté d'expression à travers le monde qui a réussi à convaincre "l'editorial Board", le conseil éditorial du quotidien, de consacrer un éditorial à l'affaire. Inespéré. Autre opportunité tombée du ciel, la prise de parole en faveur d'Ali lors de la conférence organisée par Mediapart et RSF sur la protection des sources et des lanceurs d'alertes. Très médiatisée et rassemblant la crème des penseurs et autres activistes de la liberté d'expression, avec notamment l'intervention de Julian Assange par skype, la rencontre était idéale pour donner une grande résonance à l'affaire Ali Anouzla. À l'instar de Paris, un comité de soutien est formé à Lille. Premier fait d'arme, il obtient le soutien officiel d'élus de poids de la région. J'y reviendrai en détail, mais il est important de dire déjà l'incroyable soutien des ONG internationales et surtout, l'admirable travail de militants marocains des droits de l'homme. Sans eux tout aurait été plus difficile sinon impossible. En plus des rencontres formelles au quai d'Orsay avec l'ambassadrice française en charge des droits de l'homme et au Département d'Etat américain, d'autres rencontres informelles ont permis de faire parvenir le message de l'injustice faite à Ali à d'autres décideurs politiques des deux pays. Et puis surtout, rendez vous sont pris pour d'autres actions au cas où les autorités marocaines décident de maintenir les poursuites contre Ali. On en arrive donc à ce lundi 14 octobre. Ce jour là, un petit miracle s'était produit. Une invitation de dernière minute de l'eurodéputée Malika Benarab-Attou au parlement européen m'avait permis de prendre la parole lors d'une session plénière de la délégation Maghreb pour évoquer le cas d'Ali. En clôture de la session le président de la délégation, Pier Antonio Panzeri, s'engage à envoyer une lettre officielle aux autorités marocaines évoquant le cas Anouzla. Le lendemain, les rendez vous sont déjà pris pour rencontrer d'autres euro-députés de poids des groupes socialistes et libéraux. De plus, Sam Touzani et Radouane Baroudi, belgo-marocains connus pour leur activisme pour les droits de l'homme ont réussi l'exploit d'obtenir un passage à la radio publique belge, l'organisation d'une conférence de presse au parlement Belge avec la présence d'élus belges et d'importantes ONG. Exténué mais heureux de la mobilisation en faveur d'Ali et plutôt satisfait de l'oreille attentive que m'ont prêtée les décideurs politiques dans les trois pays visités, je rentre me reposer à l'hôtel. C'est en cette fin de journée que je suis surpris par un appel qui m'informe qu'Ali a publié un communiqué sur le site Goud.ma dans lequel il rend publique sa décision de fermer Lakome. Le nouvel avocat d'Ali Je contacte son avocate Naima El Guellaf. Elle m'apprend qu'elle n'est pas au courant, qu'Ali venait de désigner un nouvel avocat, un certain Hassan Semlali, et que pour en savoir plus, je devais appeler la sœur d'Ali, Leila. Ce que je fais. Leila Anouzla m'affirme lundi soir que c'est bien Ali qui est l'auteur du communiqué. Quant au nouvel avocat d'Ali, elle m'indique que c'est bien le choix de son frère aussi. Elle me dit que sa décision ne concerne que le site arabophone. Lors d'une autre discussion avec moi jeudi 17 octobre, elle reconnaîtra cependant avoir elle-même fait appel au nouvel avocat, maître Semlali, car elle m'a dit être insatisfaite du travail des autres avocats. Je lui explique que le site arabophone est important pour défendre le cas d'Ali. Il est la vitrine de notre travail. Et notre travail est la meilleure défense d'Ali. De plus, qui publiera les prises de positions nationales et internationales en faveur d'Ali, qui prennent de plus en plus d'ampleur et qui sont la meilleure garantie de pressions sur un régime qui ne comprend que la pression ? Elle m'explique alors qu'un des proches d'Ali prend très mal sa situation. C'est pour cela qu'il préfère stopper le site. Je lui demande s'il s'agit bien de la seule raison, s'il n'y a pas de changement de stratégie. Elle m'assure que c'est la seule raison. Je lui dis alors que j'agirais de façon à prendre en compte les contraintes de toutes les parties concernées. C'est ainsi que je rédige le communiqué dans lequel je dis que je maintiens le site en activité, que je réaffirme qu'Ali n'a plus aucune responsabilité au sein du site. Et enfin, que cette situation est temporaire et que dès qu'il sera libéré, il retrouvera ses fonctions et responsabilités. Ce communiqué permettait à Ali de dire à ce proche que, n'ayant plus aucune responsabilité au sein du site, il n'avait plus à s'inquiéter pour lui. il s'agissait aussi d'être très clair sur le fait qu'Il ne s'agissait en aucune manière d'un "coup d'état" contre Ali, et qu'il allait reprendre sa position au sein du site. La décision d'Ali me laissait d'autant plus perplexe que la manière dont elle a été exécutée nous était à moi et à Lakome particulièrement hostile. Pourquoi ce nouvel avocat a décidé de communiquer d'abord à travers Goud ? Et pourquoi ne pas m'informer ? Je suis co-fondateur de Lakome et directeur de publication de son site francophone, et depuis le 26 septembre, directeur de publication de lakome arabophone sans que personne n'y trouve à redire. De plus, Ali avait jusqu'à ce lundi 14 octobre demandé avec insistance que le site continue de fonctionner. N'était-il pas plus logique, surtout pour un homme de la correction d'Ali, de m'informer d'un tel revirement ? Mais encore une fois, puisque la sœur d'Ali m'avait assuré que la seule contrainte d'Ali était les fortes inquiétudes de ce proche sur la continuité de sa relation avec Lakome, je pensais avoir répondu à cette inquiétude en réaffirmant l'inexistence de quelque responsabilité que ce soit d'Ali dans le fonctionnement du site, que ce soit éditorialement ou administrativement. Aboubakr Jamai, co-fondateur de Lakome et directeur de publication de sa version francophone, s'exprime sur le dernier communiqué d'Ali Anouzla et sur sa décision de maintenir les sites en activité. Chers amis, je suis dans une situation extrêmement compliquée. Je n'arrive pas à lire la nouvelle stratégie d'Ali. L'attitude de son nouvel avocat est franchement hostile a mon égard mais surtout à l'égard de Lakome. Je lui ai parlé hier. Ses réponses à mes questions sur la volonté d'Ali n'étaient pas claires. Il a commencé par me dire qu'il (Hassan Semlali) n'avait rien à voir avec le blocage des sites, avant de me rappeler dix minutes plus tard pour me dire que c'est bien lui qui a communiqué la volonté d'Ali au procureur du roi et à l'ANRT. Je précise: il m'a affirmé qu'il a lui même contacté le procureur du roi et l'ANRT. Lorsque je lui ai demandé si Ali lui même avait demandé que cette procédure soit entamée, il m'a répondu que le communiqué était clair. Je lui ai dit que ce n'était pas ma question, que je lui ai répétée : Est ce qu'Ali lui a EXPRESSEMENT demandé de contacter le procureur et l'ANRT. Là encore, il me répond une nouvelle fois : «Le communiqué est clair». À aucun moment, il ne m'a dit que c'était Ali qui lui avait demandé d'initier cette procédure. Je l'ai rappelé plus tard pour lui demander pourquoi le site francophone était lui aussi censuré et sur quelle base juridique Ali pouvait demander à la justice de bloquer les sites. À la première question, il m'a fait cette hallucinante réponse: «Mais c'est bien vous qui dites que le site francophone est la version francophone du site arabophone». Je lui ai alors répondu que cela n'avait aucun sens puisque le seul lien officiel d'Ali avec Lakome est le fait que son nom apparaisse dans l'ours du site arabophone comme directeur de publication, de la même façon que mon nom apparaît comme directeur de publication du site francophone. Pour la presse électronique, il n'y a pas de dépôt de dossier au tribunal de première instance comme pour la presse écrite. Ali n'apparaît même pas dans les documents officiels de la société à laquelle est déléguée la gestion des dépenses et revenus du site. Pourquoi j'ai décidé de ne pas arrêter les sites Je me trouvais à Bruxelles le lundi 14 octobre. Avant d'arriver en Belgique, j'avais passé une dizaine de jours en France et une petite semaine à Washington. Rencontres avec la presse, participation à des émissions à la télévision et à la radio, réunions au ministère des affaires étrangères français et au Département d'Etat américain, conférences organisées soit par des universités soit par des Think Tanks. Des événements le plus souvent dédiés au cas Ali Anouzla, sinon, des opportunités pour en parler. Le pompon avait été l'éditorial du Washington Post défendant Ali et stigmatisant l'autoritarisme du régime de Mohammed VI. Editorial publié d'ailleurs avant mon arrivée à Washington et sans que je n'en connaisse la genèse. J'apprendrais plus tard que c'est effectivement une ONG qui défend la liberté d'expression à travers le monde qui a réussi à convaincre "l'editorial Board", le conseil éditorial du quotidien, de consacrer un éditorial à l'affaire. Inespéré. Autre opportunité tombée du ciel, la prise de parole en faveur d'Ali lors de la conférence organisée par Mediapart et RSF sur la protection des sources et des lanceurs d'alertes. Très médiatisée et rassemblant la crème des penseurs et autres activistes de la liberté d'expression, avec notamment l'intervention de Julian Assange par skype, la rencontre était idéale pour donner une grande résonance à l'affaire Ali Anouzla. À l'instar de Paris, un comité de soutien est formé à Lille. Premier fait d'arme, il obtient le soutien officiel d'élus de poids de la région. J'y reviendrai en détail, mais il est important de dire déjà l'incroyable soutien des ONG internationales et surtout, l'admirable travail de militants marocains des droits de l'homme. Sans eux tout aurait été plus difficile sinon impossible. En plus des rencontres formelles au quai d'Orsay avec l'ambassadrice française en charge des droits de l'homme et au Département d'Etat américain, d'autres rencontres informelles ont permis de faire parvenir le message de l'injustice faite à Ali à d'autres décideurs politiques des deux pays. Et puis surtout, rendez vous sont pris pour d'autres actions au cas où les autorités marocaines décident de maintenir les poursuites contre Ali. On en arrive donc à ce lundi 14 octobre. Ce jour là, un petit miracle s'était produit. Une invitation de dernière minute de l'eurodéputée Malika Benarab-Attou au parlement européen m'avait permis de prendre la parole lors d'une session plénière de la délégation Maghreb pour évoquer le cas d'Ali. En clôture de la session le président de la délégation, Pier Antonio Panzeri, s'engage à envoyer une lettre officielle aux autorités marocaines évoquant le cas Anouzla. Le lendemain, les rendez vous sont déjà pris pour rencontrer d'autres euro-députés de poids des groupes socialistes et libéraux. De plus, Sam Touzani et Radouane Baroudi, belgo-marocains connus pour leur activisme pour les droits de l'homme ont réussi l'exploit d'obtenir un passage à la radio publique belge, l'organisation d'une conférence de presse au parlement Belge avec la présence d'élus belges et d'importantes ONG. Exténué mais heureux de la mobilisation en faveur d'Ali et plutôt satisfait de l'oreille attentive que m'ont prêtée les décideurs politiques dans les trois pays visités, je rentre me reposer à l'hôtel. C'est en cette fin de journée que je suis surpris par un appel qui m'informe qu'Ali a publié un communiqué sur le site Goud.ma dans lequel il rend publique sa décision de fermer Lakome. Le nouvel avocat d'Ali Je contacte son avocate Naima El Guellaf. Elle m'apprend qu'elle n'est pas au courant, qu'Ali venait de désigner un nouvel avocat, un certain Hassan Semlali, et que pour en savoir plus, je devais appeler la sœur d'Ali, Leila. Ce que je fais. Leila Anouzla m'affirme lundi soir que c'est bien Ali qui est l'auteur du communiqué. Quant au nouvel avocat d'Ali, elle m'indique que c'est bien le choix de son frère aussi. Elle me dit que sa décision ne concerne que le site arabophone. Lors d'une autre discussion avec moi jeudi 17 octobre, elle reconnaîtra cependant avoir elle-même fait appel au nouvel avocat, maître Semlali, car elle m'a dit être insatisfaite du travail des autres avocats. Je lui explique que le site arabophone est important pour défendre le cas d'Ali. Il est la vitrine de notre travail. Et notre travail est la meilleure défense d'Ali. De plus, qui publiera les prises de positions nationales et internationales en faveur d'Ali, qui prennent de plus en plus d'ampleur et qui sont la meilleure garantie de pressions sur un régime qui ne comprend que la pression ? Elle m'explique alors qu'un des proches d'Ali prend très mal sa situation. C'est pour cela qu'il préfère stopper le site. Je lui demande s'il s'agit bien de la seule raison, s'il n'y a pas de changement de stratégie. Elle m'assure que c'est la seule raison. Je lui dis alors que j'agirais de façon à prendre en compte les contraintes de toutes les parties concernées. C'est ainsi que je rédige le communiqué dans lequel je dis que je maintiens le site en activité, que je réaffirme qu'Ali n'a plus aucune responsabilité au sein du site. Et enfin, que cette situation est temporaire et que dès qu'il sera libéré, il retrouvera ses fonctions et responsabilités. Ce communiqué permettait à Ali de dire à ce proche que, n'ayant plus aucune responsabilité au sein du site, il n'avait plus à s'inquiéter pour lui. il s'agissait aussi d'être très clair sur le fait qu'Il ne s'agissait en aucune manière d'un "coup d'état" contre Ali, et qu'il allait reprendre sa position au sein du site. La décision d'Ali me laissait d'autant plus perplexe que la manière dont elle a été exécutée nous était à moi et à Lakome particulièrement hostile. Pourquoi ce nouvel avocat a décidé de communiquer d'abord à travers Goud ? Et pourquoi ne pas m'informer ? Je suis co-fondateur de Lakome et directeur de publication de son site francophone, et depuis le 26 septembre, directeur de publication de lakome arabophone sans que personne n'y trouve à redire. De plus, Ali avait jusqu'à ce lundi 14 octobre demandé avec insistance que le site continue de fonctionner. N'était-il pas plus logique, surtout pour un homme de la correction d'Ali, de m'informer d'un tel revirement ? Mais encore une fois, puisque la sœur d'Ali m'avait assuré que la seule contrainte d'Ali était les fortes inquiétudes de ce proche sur la continuité de sa relation avec Lakome, je pensais avoir répondu à cette inquiétude en réaffirmant l'inexistence de quelque responsabilité que ce soit d'Ali dans le fonctionnement du site, que ce soit éditorialement ou administrativement.