Le 22 juillet 2013, Le Cabinet Royal a diffusé un communiqué selon lequel Le Roi a reçu de la part du Chef du Gouvernement les démissions présentées par les ministres du Parti de l'Istiqlal et « enjoint aux ministres démissionnaires d'expédier les affaires courantes jusqu'à nomination des ministres en charge de leurs départements respectifs et ainsi permettre au Chef du Gouvernement d'entamer ses consultations en vue de constituer une nouvelle majorité ». Au – delà de la subtilité conceptuelle que recèle ce texte aussi concis, il convient tout d'abord de relever l'extrême importance d'un constat que le communiqué du Cabinet Royal ne laisse que sous–entendre : Le Roi a pris acte du fait que le gouvernement qu'il a nommé il y a 18 mois ne dispose plus de la majorité requise au sein de la Chambre des Représentants, et ce suite au retrait du groupe du PI. En réalité pour bien appréhender la véritable portée de ce communiqué il faut procéder à une analyse graduelle de chacune des décisions mentionnées par le Cabinet Royal, au regard de la Constitution. L'APPLICATION STRICTE DE LA CONSTITUTION La première décision est totalement conforme à l'alinéa Cinq de l'article 47 selon lequel « Le Chef du Gouvernement peut demande au Roi de mettre fin aux fonctions d'un ou plusieurs membres du gouvernement du fait de leur démission individuelle ou collective ». L' APPLICATION PAR LE RECOURS A L'INTERPRETATION EXTENSIVE La deuxième décision, a priori pose, problème car elle ne figure nulle part dans la Constitution. Si le dernier alinéa de l'article 47 mentionne bien « que Le gouvernement dont il a été mis fin aux fonctions expédie les affaires courantes jusqu'à la Constitution du nouveau gouvernement », il n'en demeure pas moins que lui – même est pour le moment inapplicable puisque la loi organique prévue par l'article 87, qui régit entre autres « l'expédition des affaires courantes par le gouvernement dont il a été mis fin aux fonctions » n'a pas encore été promulguée. Devant ce double vide constitutionnel, force est de constater que seul Le Roi a le pouvoir d'y mettre fin. Par conséquent et compte tenu de l'exceptionnalité de la situation, Le Roi pour lever cette entrave – a eu recours à l'article 42 qui lui permet de prendre une telle décision pour assurer « le bon fonctionnement des Institutions Constitutionnelles », d'autant plus que c'est lui qui préside Le Conseil des ministres où se décident les grandes orientations stratégiques du Pays. LES OPTIONS CONSTITUTIONELLES ECARTEES Les deux points précédemment analysés donnent l'impression que le véritable objectif est de rendre évidente la dernière décision du Roi permettant « au Chef du Gouvernement d'entamer ses consultations en vue de former une nouvelle majorité». Moralement et politiquement, tout citoyen responsable ne peut que légitimement se poser cette question et la poser publiquement : Sur la base de quelle disposition constitutionnelle est fondée cette décision ? - Si le Roi ne peut démettre le Chef du gouvernement , il a le pouvoir en vertu de l'article 51 de dissoudre par dahir la Chambre des Représentants et provoquer des élections anticipées . - L'opposition aurait pu user d'une arme redoutable : le dépôt d'une motion de censure (Article 105) dont le vote entraîne la démission collective du gouvernement. Mais le manque de courage politique , l'attitude ambiguë du parti de l'Istiqlal , la position affichée du PAM de ne pas faire chuter le gouvernement , ont torpillé toute solution permettant une clarification du paysage politique. Fort de ces défaillances, et surtout de la décision du Roi, Le Chef du Gouvernement a pu échapper au grave danger qui le menace : être obligé d'appliquer l'article 103 en engageant « la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des Représentants sur une déclaration de politique général ou sur le vote d'un texte... . Le refus de confiance entraîne la démission collective du gouvernement.De même la décision du Roi, ne permet plus au Chef du Gouvernement de brandir le chantage de l'organisation d'élections anticipées en procédant à la dissolution de la Chambre des Représentants «par décret pris en conseil des ministres après avoir consulté le Roi, le président de cette Chambre et le président de la cour constitutionnelle». De cette analyse nous pouvons classer par catégories les options constitutionnellement fondées. 1) La dissolution de la Chambre des Représentants et l'organisation d'élections anticipées relèvent du pouvoir du Roi et sous certaines conditions de celui du Chef du Gouvernement. 2) La démission volontaire du Chef du Gouvernement. 3) Le vote d'une motion de censure ou le refus de confiance qui entraîne la démission du gouvernement. Mais peut être que l'option qui convient le plus à l'Institution Monarchique est le maintien à tout prix de l'actuel Chef du Gouvernement. D'où le recours une fois encore à l'article 42. A un article publié ici même le 9 juillet 2013 j'ai donné ce titre: «La docilité comme stratégie politique». Les partis politiques portent une lourde responsabilité quant à la situation dramatique où se trouve le Pays. De compromissions en compromissions, ils n'ont cessé de contribuer à leur propre rabaissement. Sur ce point la stratégie menée depuis un demisiècle par l'Institution Monarchique, semble avoir dépassé toutes ses espérances.