Si vous habitez Oujda et qu'il vous vient à l'idée d'y mourir, sachez que, hormis le désagrément que vous éprouverez à trépasser, vos proches ne seraient pas au bout de leurs peines. En pleurant, ils devraient remplir les formalités que nécessite le fait de quitter notre astre et se conformer aux us et coutumes. La pire me semble-t-il est cette étrange habitude qui veut que le mort soit enterré le plus rapidement possible. Il arrive qu'il ne s'écoule pas trois heures entre le trépas et l'enterrement. Cela est peut-être compréhensible en Arabie Saoudite, berceau de l'islam, et beaucoup moins sous nos cieux plus cléments. Mais cela est un autre propos. Le nôtre est l'état des cimetières à Oujda. Ces « dernières demeures » sont humainement indignes. Tout d'abord les tombes sont de plus en plus rapprochées. Pour accéder à la tombe de vos parents vous êtes dans l'obligation de marcher sur celles des autres. Aucune allée digne de ce nom n'est prévue pour faciliter l'accès. En hiver, vous marchez dans de la boue. Au printemps, vous devez louvoyer avec les herbes folles. En été vous êtes forcés de ruser avec les ronces qui ont toujours gain de cause puisque vous n'avez pas d'autre choix que de les ramener avec vous à la maison. Ceci dit, les cimetières sont sales toute l'année. Il y a autant de tombes que de sacs en plastique et ce n'est pas peu dire ! Après ces désagréments, vous devez faire face à l'agression des mendiants professionnels de toutes sortes : des handicapés mentaux et physiques et des personnes sans handicap apparent mais qui tout de même rackettent les parents éplorés en appelant de leurs vœux le paradis pour la défunte ou le défunt. La grande bataille est cependant celle que vous devez livrer aux soit disant « lecteurs de coran ». Il est carrément surhumain de leur faire comprendre que vous êtes apte à réciter une ou deux sourates pour votre défunt. Quand de guerre lasse vous les laissez faire et si vous leur prêtez une oreille un tantinet attentive vous vous rendez compte qu'ils vous livrent un véritable massacre du coran. En fait, ils connaissent l'air mais pas la chanson ! Vient ensuite l'agression des mendiants subsahariens qui surfent sur leur précarité et sur la vulnérabilité des parents éplorés. Ils y vont tous de leurs prières pour le mort même les chrétiens d'entre eux. Il n'est pas rare aussi d'assister à des batailles rangées entre eux et les mendiants professionnels de chez nous qui s'estiment lésés par cette concurrence déloyale à leurs yeux. Mais où sont donc les autorités et les élus d'Oujda ? Est-ce qu'il ne leur vient pas à l'idée que même morts, les êtres humains ont le droit de reposer en paix dans des cimetières propres et entretenus et que leurs parents ont le droit de les pleurer dans la dignité et non au risque de leur santé et de leur sécurité ? Ne pensent-ils pas qu'un jour ils seront, à leur tour, des morts entassés dans des tombes si serrées que les parents d'autres morts fouleront pour accéder aux leurs ? Du moins sont-ils au courant qu'il existe de par le monde des cimetières où il fait bon se recueillir sur les tombes des siens ! Des cimetières propres avec des allées où il est possible de circuler sans piétiner les autres tombes et où le silence du aux morts est respecté! Est-ce à dire que de votre lieu de naissance et de mort dépend votre droit à reposer en paix ? Est-ce une véritable fatalité ou tout simplement une négligence des responsables de cette ville ?