Au lieu de livrer un combat frontal contre les forces françaises et maliennes, les combattants des groupes djihadistes liés à Al-Qaida se sont retirés à l'extrême nord, où les massifs montagneux, relativement difficiles d'accès et difficiles de frapper, leur fournissent un abri idéal pour se terrer, reprendre de petites opérations militaires sporadiques et cibler des otages. C'est le signe qu'Al-Qaïda au Maghreb Islamique, AQMI, n'est pas aussi puissant qu'on le pense et que Mali ne sera jamais l'Afghanistan africain. Depuis cinq ans l'AQMI opère librement au nord du Mali. De quoi susciter l'inquiétude de la communauté internationale. Le coup d'état militaire en mars dernier contre le président Amado Tomani a sonné le coup d'alarme. Les djihadistes d'Al-Qaïda, après avoir occupé Tombouctou, se sont dirigés vers le sud du pays pour mettre la main sur la capitale Bamako et des villes légendaires comme Tombouctou. Mais c'était sans compter sur la décision du président français François Hollande de lancer l'opération Serval, afin de repousser les djihadistes loin de Bamako et libérer le nord du Mali. Tout poussait la France à intervenir au Mali. En effet, ce pays fait partie de sa région d'influence depuis le siècle dernier en tant que composante de ce qu'on appelle l'Afrique francophone. Il était donc difficile pour Paris de rester les mains croisées, face au chaos qui risquait d'atteindre le Niger, où les gisements d'uranium permettent à la France d'être leader en matière d'industrie nucléaire civile, de quoi lui assurer un espace dans la carte géopolitique actuellement et aussi dans les décennies à venir. Nombre d'écrits, notamment occidentaux, ont critiqué l'intervention militaire française au Mali, dont les deux quotidiens américains New York Times et Time. Dans son édition datée 19 janvier, ce dernier prévient que Paris est en train de pousser l'Occident à un nouvel affrontement avec les extrémistes au nord de l'Afrique. Et à l'instar de ce qui s'est passé après l'intervention en Irak et en Afghanistan, les relations entre le monde islamique et les pays occidentaux risquent de s'envenimer. Mais ce qu'on craignait déjà comme le futur Afghanistan pour les troupes françaises, s'est rapidement mu en une balade militaire, avec le retrait des djihadistes à l'extrême nord et l'avancée triomphale des forces françaises et maliennes. Voici les principales raisons qui pourraient expliquer pourquoi le Mali ne sera jamais « l'Afghanistan de l ́Afrique »: -La population de Mali, notamment au nord, est soufie d'obédience. Elle rejette donc les idées extrémistes d'Al-Qaïda, notamment l'application des lois de la chariâ dans une région d'une grande pauvreté. La joie avec laquelle François Hollande a été accueilli à Bamako et Tombouctou le 2 février était donc sincère. On retrouve le même sentiment dans les médias maliens qui se félicitent tous de l'intervention française et condamnent les exactions des djihadistes. L'opinion publique internationale ne s'est jamais intéressée, durant la crise malienne, aux points de vue de la population malienne. -L'absence d'un mouvement fort capable de fournir protection et appui logistique aux combattants d'Al-Qaïda, d'où la grande différence avec l'Afghanistan. Dans ce dernier pays, les Talibans ont la mainmise sur quasiment tout le territoire de l'Afghanistan. Ce sont eux qui ont fourni à Oussama ben Laden abri et protection. Contrairement à la population du nord malien qui ont considéré les djihadistes comme des occupants étrangers même s'ils sont musulmans. Des violents heurts ont éclaté entre la population locale et les combattants d'Al-Qaïda en raison de l'application de certaines lois, telles l'amputation des mains et la tentative d'imposer une culture extrémiste aux antipodes de leurs coutumes. -Par ailleurs, engagé dans la guerre depuis plusieurs années, l'Afghanistan a accueilli des dizaines de milliers de combattants qui ont acquis une grande expérience dans le maniement des diverses armes. Par contre, les djihadistes au Mali manquent d'expérience guerrière. Pire encore, certains parmi eux se sont déplacés de l'extrême nord du Maroc, où ils s'adonnaient à la contrebande dans des villes comme Fnideq de la province de Tétouan, pour s'improviser en combattants en quelques semaines. Pas étrange donc que leur performance soit, heureusement, plutôt médiocre. -Ayant été à l'origine des frontières actuelles au Sahel et en Afrique du nord, la France connaît parfaitement ces régions. Mener La guérilla là-bas est très difficile. L'absence d'une grande densité de population et le terrain peu difficile facilitent la tâche à l'aviation dans la traque des djihadistes. Pour les experts, il suffit de mettre la main sur les sources d'eau pour obliger ces combattants à quitter la région du Sahel. -Le mouvement des Talibans qui font allégeance à Al-Qaïda bénéficient du soutien logistique des services secrets pakistanais, des grands chantres du Wahhabisme en Golfe Arabe. Au Mali, en revanche, des services secrets aussi puissants que ceux du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie sont très actifs. Ils livrent, depuis des années déjà, aux côtés d'autres pays comme le Burkina-Faso, le Niger et le Tchad, une guerre sans merci contre le salafisme djihadiste. Sans compter le rôle des touaregs qui considèrent Al-Qaïda comme leur ennemi juré. Considéré par la majorité des observateurs comme un pantin aux mains de certaines forces étrangères qui en tirent les fils au gré de leurs intérêts, puisque chaque fois qu'il pointe du nez, le néocolonialisme n'est pas loin, Al-Qaïda n'a pas réussi à rallier à sa cause l ́opinion publique musulmane, notamment en Afrique du nord. Il y a des réactions des gauchistes et des islamistes maghrébins contre l'intervention de la France mais sans soutenir les terroristes. -Le rejet, après l'avènement du printemps arabo-amazigh, de l'opinion publique arabe de toute nouvelle aventure qui risque d'entraver, au nom de la charia, le processus de démocratisation. On a vu même certains salafistes ainsi que des mouvements islamistes exprimer leur refus de toute mouvance extrémiste. Pour ces raisons, entre autres, le Mali est loin de devenir un nouvel Afghanistan au cœur de l'Afrique. Sans pour autant croire que cette guerre sonne le glas pour l'AQMI. Cette organisation terroriste continuera certes de faire parler d'elle, par des opérations de petite envergure (enlèvements, exécutions...), mais sans réel danger pour les pays du Sahel. El Houssine Majdoubi Bahida, journaliste marocain, correspondant en Espagne du journal alquds arabe docteur en journalisme auteur du livre « La révolution pour la dignité dans le Monde Arabe » en Espagnol.