Au fil des mois, les salafistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) sont devenus un cauchemar pour les pays du Sahel. Leur terrain de chasse, vaste comme l'Europe, de la Mauritanie aux confins du Niger à travers le Mali et le sud algérien, est une zone de non-droit. Incontrôlée et incontrôlable. Les enlèvements d'étrangers, presque tous Européens, sont monnaie courante. Vingt-deux personnes (touristes, humanitaires, diplomates) ont été kidnappés depuis février 2008, dont sept (cinq Français, un Togolais et un Malgache) le 16 septembre. Ils travaillaient à Arlit, la cité de l'uranium au nord du Niger. Aqmi a revendiqué ces rapts, comme les précédents. Pourtant, ces derniers temps, il semble qu'une évolution se soit fait jour au sein du mouvement djihadiste. Aqmi, fort de quelque 300 à 400 hommes au Sahel, a établi ses bases dans les montagnes au nord du Mali. Elle y dispose de ravitaillement et de munitions. De 2007 à 2009, la majorité des otages a pu être libéré contre le paiement d'une rançon. Les enlèvements étaient le fait de Mokhtar Belmokhtar, Algérien, ancien émir du GSPC et chef d'une katiba au nord-ouest du Mali. Belmokhtar, plus mafieux qu'idéologue islamiste, grand chef de la contrebande de cigarettes entre l'Afrique noire et l'Algérie, a utilisé le «busines» des otages pour se procurer des armes et des véhicules, payer des hommes et agrandir son fief dans le nord du Mali. Mais ces derniers mois, Belmokhtar a dû partager le pouvoir avec Abdoulhamid Abou Zeïd. Algérien, salafiste pur et dur, il est responsable de l'assassinat, en juillet, de Michel Germaneau, un humanitaire français de 82 ans, enlevé dans le nord du Niger. Si Zeïd avait accepté de relâcher un autre otage français, en février dernier, c'est qu'il avait obtenu, en contrepartie, la libération de trois islamistes emprisonnés au Mali. Manifestement, aucun terrain d'entente n'avait pû être trouvé avec la France pour faire libérer Germaneau. Il y avait pire aux yeux d'Abou Zeïd : en juillet, un bombardement mauritano-français d'une base d'Aqmi pour retrouver Germaneau s'était soldé par la mort de sept salafistes. L'émir avait juré de se venger. Il avait d'abord assassiné Germaneau et la semaine passée, enlevait les Français d'Arlit. Pour Paris, cette guerre qui débute au Sahel est un piège. Il est difficile de rester les bras croisés quand des concitoyens sont enlevés et menacés de mort. Mais une intervention militaire est risquée à deux niveaux. D'une part, elle peut déclencher l'assassinat de certains otages. Le cas de Michel Germaneau est édifiant à ce niveau. D'autre part, le bombardement de katibas salafistes peut entraîner des dégâts collatéraux» selon la terminologie employée par les militaires. Ainsi, les combats violents qui ont opposé, ce week-end, au nord de Tombouctou, l'armée mauritanienne à Aqmi ont causé la mort d'une mère et de sa fille de onze ans. Paris ne veut pas courir le risque de se mettre à dos des populations avec lesquelles la France est liée par l'Histoire et la politique. Les responsables français répètent donc qu'ils ne veulent pas intervenir militairement. Et qu'il n'est pas question non plus de payer une rançon ou de libérer des prisonniers islamistes. Une position qui risque rapidement d'être intenable. Et d'être officieusement battue en brèche. D'ailleurs, des forces françaises d'intervention et des avions de reconnaissance sont déjà arrivés à Ouagadougou et Niamey.