Nous, les femmes marocaines, ne serons jamais assez reconnaissantes envers notre patrie qui nous accorde, en plus de la journée internationale du 8 mars, la journée du 10 octobre pour nous rendre un hommage national. Vous rendez- vous compte ? Un hommage biannuel, alors que, partout ailleurs, les femmes doivent se contenter d'un seul? A écrire cela, des picotements de patriotisme envahissent mes doigts et à travers eux mon clavier. Tout d'abord merci la patrie ! J'aimerais cependant faire quelques suggestions pour le prochain 10 octobre. J'aimerais tant que le gouvernement, conscient que les femmes constituent la moitié de la population, puisse recenser celles qui contribuent au budget de leur famille et donc à l'économie du pays. Qu'il établisse la liste des femmes chefs de ménage ou plus prosaïquement celles qui ramènent la pitance à leur famille. Qu'il établisse la liste des femmes assumant des postes de responsabilité dans les secteurs privé et public pour qu'il se rende compte de leur rareté. Qu'il établisse la liste des femmes qui subissent des violences physiques mais aussi la violence implacable des lois et coutumes et Dieu sait qu'elles sont nombreuses ! Qu'il établisse aussi la liste.... de la seule femme au gouvernement. Et qu'il analyse ces listes pour en tirer des conclusions. Il lui sera très facile de conclure que toutes les femmes qui travaillent en dehors de leur foyer contribuent à l'économie du pays. Que celles qui restent dans leur foyer y contribuent tout autant puisqu'elles assurent les conditions permettant à leurs époux d'être des acteurs dans la société et à leurs enfants de se former pour le devenir dans le futur. Il se rendra compte que les femmes chefs de ménage sont de plus en plus nombreuses : à peu près 20% selon le HCR soit une femme sur cinq. Qu'on les retrouve dans toutes les couches sociales et, fait nouveau, qu'elles sont de plus en plus nombreuses dans les couches sociales défavorisées. La structure patriarcale de la société marocaine, encore pas si lointaine, est en train de s'effondrer pour laisser place à une société où les femmes n'y sont plus protégées mais sont obligées de se prendre en charge et de protéger leur famille. Il verra alors que la société marocaine a évolué, que les femmes y jouent un nouveau rôle mais que les lois les discriminant sont toujours là, en totale inadéquation avec cette mutation sociétale malgré tous traités et les conventions internationales que le Maroc a ratifiés. Il mesurera ainsi l'aberration totale de l'unique représentation féminine en son sein et l'indigence du nombre de femmes occupant des postes de responsabilité, quand bien même elles sont bardées de diplômes et aussi compétentes que leurs frères les hommes. Peut être qu'après avoir passé ces éléments en revue, le gouvernement, magnanime, nous accordera un hommage qui s'étalera sur 185 jours !!! Ce sera un hommage la moitié de l'année à la moitié de la population. Fatiha DAOUDI