Les géants Emiratis ont la volonté de diversifier leurs investissements et de ne plus dépendre des seules ressources pétrolières. Le Maroc, lui, dispose d'un environnement favorable et d'un cadre propice. Pour la ministre de l'Economie et des Finances émiratie, venue avec une forte délégation d'hommes d'affaires, d'autres secteurs sont dans le pipe. La Gazette du Maroc : Nous avons vu affluer, en l'espace de deux mois seulement, beaucoup d'investissements de la part des Emirats Arabes Unis. De plus, à peine finit-on de parler de ces investissements que votre délégation arrive au Maroc. Quelles sont les raisons de cet engouement pour le Royaume ? Cheikha Loubna bent Khalid Al-Kassimi : Je me permettrai de préciser deux choses. Si vous jetez un œil sur nos investissements à travers le monde, vous constaterez que les Emirats Arabes Unis sont à la recherche de deux types de revenus. Le premier est naturellement pétrolier, alors que le second s'inscrit dans une démarche de diversification et donc il est non-pétrolier. Actuellement, notre stratégie en la matière consiste essentiellement à focaliser sur les pays arabes. De manière générale, si l'on dispose d'un climat d'affaires sain et un environnement d'investissement propice, il ne fait aucun doute que la rentabilité est assurée. Présentement, le Maroc fait montre d'un potentiel énorme et a mené un ensemble de réformes juridiques et administratives lesquelles ne peuvent qu'attirer de plus en plus de partenaires. Justement, quel regard portez-vous sur le Maroc à la lumière du dernier déferlement d'investissements opérés dans le pays par de grands groupes comme Emaar et Dubai Propreties ? Le Maroc représente, pour nous, une oasis d'investissement pour multiples raisons. D'abord, le pays jouit d'une stabilité politique et économique incontestable. Ensuite, il dispose d'une excellente situation géographique et entretient des relations équilibrées avec l'ensemble des pays du monde. Sans oublier qu'il dispose d'une main d'œuvre abondante et pas chère. Aujourd'hui, il est établi que le Maroc offre un environnement propice pour les investissements EAU et surtout l'avenir prometteur permettant aux investisseurs de chez nous des résultats probants et encourageants. C'est, entre autres, pour ces raisons que nous nous sommes déplacés au Maroc pour inciter d'autres groupes à venir profiter de ce climat positif et de ces excellentes opportunités d'investissements, compte tenu des facilités qui leur sont garanties. Est-ce là la raison de cet engouement ? Nos hommes d'affaires veulent saisir au vol l'ensemble de ces opportunités. Cela s'est naturellement concrétisé par l'arrivée de deux "Majors" de l'immobilier et de l'aménagement que sont Emaar et Dubaï Holding. Dans cette délégation, nous avons des investisseurs de tous bords intéressés par bien des domaines. Je citerai la gestion portuaire, l'immobilier et l'aménagement touristique. Nous avons également l'Office des Investissements d'Abu Dahbi qui est le plus grand bureau au niveau des Emirats Arabes Unis en la matière. Cependant, le Maroc n'en est pas à ses débuts concernant l'attractivité des investissements émiratis. Cela a commencé depuis un certain temps, même si l'arrivée de deux géants a tendance à faire oublier les précédents. Nous avons vu qu'au Maroc, vos entreprises ne lésinent pas sur les moyens pour faire parler d'elles à coup de milliards de dollars. Avez-vous la même stratégie dans d'autres pays arabes ? Si oui pourquoi ? Effectivement, nous sommes, aujourd'hui, présents dans plusieurs autres pays arabes. Le Maroc n'est donc pas le seul, puisqu'il y a l'Algérie, la Jordanie, Le Liban. De plus, je rappellerai simplement que nous faisons partie du Conseil de coopération des pays arabes du Golfe. Et avec les pays du Golfe, nous avons beaucoup de projets structurants d'envergure comme le Pipeline de gaz qui devra traverser le Golfe d'Oman, les Emirats Arabes Unis et le Qatar. Emaar doit également aménager et développer la Cité Economique du Roi Abdallah en Arabie Saoudite. En réalité, la coopération avec les autres pays arabes sera un partenariat gagnant-gagnant permettant à nos entreprises de tirer leur épingle du jeu tout en contribuant à la prospérité des pays dans lesquels elles investissent. Quelle est la stratégie que la Fédération des Emirats Arabes Unis compte mettre en œuvre pour développer davantage ses relations économiques avec le Maroc ? Les EAU œuvrent à élargir l'horizon de la coopération économique avec les pays du Maghreb. Cette coopération n'englobe pas uniquement l'amélioration des indicateurs des échanges commerciaux, mais également l'émergence d'un partenariat économique global. Les EAU souhaitent activer la commission mixte maroco-émiratie dont la vocation consiste à dynamiser la coopération et la coordination dans différents domaines. Les EAU vivent actuellement une période d'intenses activités marquée par la réalisation de nombreux projets de grande envergure économiques. Le pays assiste également au déferlement d'énormes capitaux étrangers investis dans plusieurs secteurs d'activités et j'espère voir le Maroc associé à cette dynamique. Nous avons beaucoup de groupes d'entreprises qui ont acquis une grande expertise sur les marchés internationaux et dont l'expérience est capitalisée aujourd'hui. Nous espérons en voir quelques-uns s'engager dans des projets au Maroc, comme c'est le cas de Dubaï Holding et Emaar, déjà présents au Maroc. Pour l'heure, vous vous distinguez essentiellement dans le domaine du tourisme et de l'immobilier. Vos entreprises sont-elles intéressées par d'autres secteurs ? L'immobilier fait parler de lui pour une raison simple : il s'agit essentiellement de projets portant sur des chiffres énormes qui attirent l'attention de tous les observateurs. Cependant, je vous confirme que nos hommes d'affaires sont intéressés par les secteurs de l'industrie et de l'agriculture. La composition de notre délégation vous montre clairement que notre intérêt dépasse les seuls domaines du tourisme et de l'immobilier. Au sortir de la réunion de cette commission mixte, j'ose espérer que nos hommes d'affaires et leurs partenaires marocains arriveront à trouver des pistes de coopération plus large que nous en avons jusqu'ici. En tout cas, je puis vous confirmer que le Maroc a l'environnement et le potentiel qu'il faut pour que nos entreprises s'y intéressent de plus en plus. Quels sont les dossiers ou les sujets qui seront abordés lors de la tenue de la première réunion de la commission mixte à Rabat ? Il est question pour nous comme pour nos homologues marocains, de se pencher sur l'annulation de tous les obstacles qui entravent le mouvement des marchandises et des produits entre les marchés des deux pays, notamment l'accès des produits émiratis au marché marocain. Plusieurs clauses, qui réglementent l'accord de libre-échange, conclu en 2003 entre les deux pays, seront discutées, notamment les règles du certificat d'origine pour les produits fabriqués chez nous (comme la céramique, le lait, le sucre…, qui posent beaucoup de problèmes aux importateurs marocains. C'est justement l'objet principal des responsables des deux pays qui chercheront à mettre en place des moyens très efficaces pour promouvoir davantage les relations aussi bien politiques qu'économiques entre Abu Dhabi et Rabat.