La Chine, encore la Chine. Sur les marchés internationaux de l'acier, on ne parle plus que de l'Empire du milieu. La demande mondiale n'est plus portée que par la Chine qui croque à pleines dents le moindre bout de fer qui traîne en Europe et aux Etats-Unis. Elle représente désormais 40% de la production mondiale et ce n'est qu'un début. En moins d'une année, les prix de l'acier ont doublé, que ce soit pour le laminé ou pour le rebus. Ainsi 2005 a vu les prix atteindre des summums, à l'échelle internationale. Cette hausse est due à la rareté, laquelle est naturellement imputable à l'appétit d'ogre de la Chine pour le métal. Selon la qualité allant de la simple ferraille à l'acier laminé, les prix varient entre 300 à 800 euros. Cette progression dure depuis plus de 8 ans, alternant entre phases d'accalmie et poursuite de la hausse. Cependant, rares sont les spécialistes qui s'attendaient à ce qu'elle persiste aussi longtemps dans le temps. Jusqu'en septembre 2005, pratiquement tous les spécialistes pensaient que la hausse n'était qu'une question de temps et qu'elle s'estomperait à l'image des années 1998, 2000 ou 2002. Aujourd'hui, ils revoient toutes leurs prévisions. Certains estiment même que la progression devrait se poursuivre dans les cinquante prochaines années, suivant de manière exponentielle la courbe de croissance de la Chine. Car, c'est ce pays qui explique tout le phénomène. L'abandon du dirigisme économique qui se matérialise par la planification centralisée au début des années 1980 est en train de donner ses fruits. L'économie chinoise connaît une croissance folle. Son PIB a plus que quadruplé en l'espace de 20 ans. Certains spécialistes estiment même que la Chine traverse actuellement une révolution industrielle comparable à tout point de vue à celle connue en Occident à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, à la différence près qu'il s'agit d'un pays de 1,3 milliard d'âmes. Les immeubles y poussent comme des champignons, les infrastructures des grandes villes dépassent certaines capitales européennes et l'industrie chinoise est en passe de devenir la première mondiale. Les besoins chinois ne cessent de s'accroître. En effet, en 2005, la Chine a produit près de 350 millions de tonnes d'acier laminé, soit 31% de la production mondiale. Alors que l'importation et l'exportation chinoises s'annulent mutuellement avec 27 millions de tonnes de part et d'autre. Il s'agit là d'une croissance de 25% qui tire la demande mondiale vers la hausse. D'ailleurs, il suffit d'exclure la Chine pour voir la production mondiale se stabiliser voire baisser de 0,7% en 2005 par rapport à 2005. Et ce, malgré la hausse de la production indienne de 17% à 38 millions de tonnes. C'est dire que la Chine est actuellement la seule qui fait la pluie et le beau temps sur les marchés internationaux. Et c'est parti pour longtemps. Car, la Chine est encore un pays en développement, malgré son gigantisme économique. Si la consommation par habitant en acier de la Chine devait atteindre le niveau actuel des Etats-Unis, la Chine aurait besoin de 511 millions de tonnes actuellement contre seulement 350 aujourd'hui. Le revenu moyen par habitant n'est que de 5.000 dollars par an, contre 38.000 pour les Etats-Unis. Au rythme de croissance actuelle de 9,5%, la Chine n'a pourtant qu'une vingtaine d'années pour atteindre ce niveau. Ceci induira un changement radical dans le monde surtout si les Chinois adoptent la même habitude de consommation que le monde occidental. En effet, il leur faudra autant de voitures, autant d'appartements et autant de kilomètres de chemins de fer par habitant. Rien qu'au niveau des voitures, le taux d'équipement aux Etats-Unis est de 77 pour 100 habitants. Cela veut dire que si la Chine les rattrape, ce ne sont pas moins de 1,1 milliard de voitures qui y circuleront, alors que moins de 800 millions de véhicules automobiles circulent actuellement dans le monde, tous pays confondus. C'est pourquoi les spécialistes estiment que la demande ne fera que croître tirée par la Chine. Et comme pour ne rien arranger, l'Inde est en train de préparer son envol. Cet autre pays qui sera la première démographie du monde dans les vingt prochaines années, a beaucoup de retard. Mais, tout porte à croire qu'il enclenchera le même rythme de croissance dans les années à venir, en tout cas avant 2025. Si tel est le cas, la demande mondiale explosera à nouveau. L'Inde, faut-il le rappeler, donne déjà des signes, puisqu'elle consomme plus de 40 millions de tonnes. Certes, c'est un niveau modeste. Mais il y a seulement quinze ans, la Chine avait besoin de moins de 100 millions de tonnes et elle en est aujourd'hui à 350. En tout cas, le Maroc doit se préparer à l'éventualité d'une tension. La Sonasid le fait déjà. Son alliance avec Arcelor, le numéro 1 mondial, ne fera que le renforcer et lui donner une position centrale en Afrique du Nord. Les exportations de la Sonasid qui ne représentent que 6% de la production ont un bel avenir, surtout au vu du potentiel des marchés algérien, mauritanien et sénégalais. Univers Acier, le concurrent leader marocain, contribue pour moins de 10% de l'offre nationale mais sa petite taille risque d'être un sérieux frein dans un marché où seuls des géants peuvent tirer leur épingle du jeu. Et si le marché faisait mentir les spécialistes ? a plupart des spécialistes sont maintenant formels sur la croissance soutenue. Pourtant, il y a à peine une semaine, Wolfgang Leese, le président de Salzgitter, numéro 2 allemand de l'acier, a affirmé que la baisse des cours devrait se faire à partir de 2008. Il fonde son analyse sur le fait que l'offre risque de dépasser la demande. En effet, pratiquement tous les opérateurs dans le monde ont anticipé la croissance de la demande qui n'émane essentiellement que de la Chine. Or, dans les deux prochaines années, les investissements engagés porteront la capacité de production mondiale qui dépassera la demande. D'ailleurs, pour lui, ce n'est pas une si mauvaise chose, même si son entreprise devrait en souffrir dans les trois ans à venir avec une baisse considérable de son résultat. Il estime en effet que la période sera propice pour acheter les canards boiteux du secteur qui restera d'aller à la casse. Mais, cette vision très économiste de la progression du secteur ne semble pas être partagée par tous les professionnels. En effet, il y a moins d'un mois, Arcelor estimait le contraire et prévoit d'ailleurs d'augmenter ses capacités de production non pas en Europe, mais dans les pays en développement et essentiellement la Chine. Il n'est pas besoin de rappeler que c'est dans cette même perspective que s'inscrit son entrée dans le capital de la Sonasid.