Centenaire de Léopold SEdar Senghor La vie du président-poète fut tellement riche et mouvementée et son aura a tant rayonné dans le monde politique et l'espace culturel et littéraire que Léopold Sédar Senghor est devenu une légende dont il est ardu de séparer le mythe du personnage de la réalité d'un vécu exceptionnel et exemplaire. En le célébrant solennellement et avec la grandeur des sentiments que la France voue à un des plus grands symboles de la francophonie, l'Institut Français à Rabat (IFR) lui a rendu un bel hommage, ce mardi 21 mars. Au menu de l'établissement culturel de l'ambassade française, une exposition sur la vie et l'œuvre du président-poète et la projection d'un film « Un siècle d'écrivain, Léopold Sédar Senghor, au rythme du poème », en présence de la réalisatrice Béatrice Soule. Celle-ci a mis tant de cœur et de talent à l'ouvrage pour nous livrer un chef-d'œuvre croisé entre deux itinéraires singuliers d'homme politique qui tirait sa force d'action de son inspiration poétique. « C'est un homme d'Etat extraordinaire qui a tiré la force de ses convictions politiques de sa richesse culturelle et académique pour instaurer dans son pays la première vraie démocratie d'Afrique », souligne-t-elle avec des trémolos dans la voix. La cinéaste a surtout eu le trait de génie de présenter ce documentaire cinématographique sous l'aspect d'un “long poème rythmé”, sans commentaire ni interviews, animé par la seule voix de Senghor ou de celles le lisant ou le présentant. L'Orphée noir du dialogue des cultures Oui, car Senghor était membre associé des deux Académies de France et du Maroc et a signé une œuvre poétique abondante, prônant à la fois l'humanisme universel, la négritude revendiquée comme valeur culturelle de civilisation, la tolérance et le dialogue des cultures. Senghor était, surtout, un ambassadeur de la francophonie et un africaniste farouchement indépendant. Comme en témoignent ces vers magnifiques publiés dans les « Hosties noires » à Paris en décembre 1944 où le fils du « Roi Lion », natif de la petite ville côtière sénégalaise de Joal, dénonça l'ingratitude de la puissance coloniale à l'égard des soldats africains qui ont combattu et se sont sacrifiés à ses côtés. « Non, vous n'êtes pas morts gratuits ô Morts ! Ce sang n'est pas de l'eau trépide Il arrose épais notre espoir, qui fleurira au crépuscule. Il est notre soif, notre faim d'honneur, ces grands reniés absolus Non, vous n'êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l'Afrique immortelle Vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain ». Tout le monde se souvient de celui qui fut le premier chef d'Etat, en pleine gloire, à donner l'exemple, dans un continent alors dominé par les régimes totalitaires et les juntes militaires, en renonçant volontairement au pouvoir présidentiel au Sénégal. Celui qui hante lourdement l'imaginaire francophone et qui a su revendiquer la langue et la culture françaises en partage fut un dirigeant politique exemplaire, démocrate, tolérant, humaniste et solidaire de toutes les causes de l'indépendance et de la paix entre les peuples dans le continent, le Tiers-Monde et le Mouvement des Non-Alignés d'alors. Celui qui sera honoré, la semaine prochaine dans la médiathèque de l'IFR sous le thème de « L'Orphée noir du dialogue des cultures », est pourtant arrivé dans la politique par accident. « Je suis entré en politique par accident. J'avais toujours voulu être professeur, prêtre ou poète », disait-il souvent. Avant que sa carrière ne bascule avec son élection au rang de Sénateur dans la métropole représentant le Département d'Outre-mer. Une étape décisive qui le conduisait à se battre pour l'indépendance de son pays où il fut proclamé premier Président du Sénégal indépendant. Né voici déjà un siècle, et chef d'Etat du Sénégal de 1960 à 1980, date de son “départ volontaire” du pouvoir, il fut aussi le premier Africain agrégé des universités françaises. En prenant part à la campagne de France lors de la deuxième Guerre mondiale, il est fait prisonnier en 1940. C'est en 1945 qu'il publie de son premier recueil de poèmes « Chants d'ombre » élu alors député du Sénégal avant de devenir secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil en 1955. Docteur Honoris de nombreuses universités dans le monde, Académicien en 1983, Léopold Sédar Senghor a produit de nombreux recueils de poèmes ainsi que des essais philosophiques ou politiques.