Les Subsahariens refoulés sont déjà de retour Les Subsahariens refoulés par le Maroc, il y a moins de trois mois, sont déjà de retour. Mais cette fois-ci pas pour traverser le Détroit vers l'Eldorado européen, mais pour s'y établir définitivement. Du coup, le Maroc passe d'un pays de transit à un pays d'immigration comme tous les autres. Pour l'heure, des centaines de Subsahariens se lancent dans plusieurs métiers de fortune dont les Marocains ne veulent pas. La ville de Rabat offre à cet égard les exemples les plus édifiants. À quoi serviront les rapatriements par avion de centaines de clandestins subsahariens vers leurs pays d'origine au lendemain de violents assauts des postes frontières gardés par les forces de police marocaines aux portes de nos deux villes spoliées Sebta et Mellilia ? À quoi serviront les radars et les postes de détection installés par les Forces Armées Royales sur plus de 1500 kilomètres de frontières est et sud avec l'Algérie ? À quoi serviront les campagnes de reconduction vers les frontières nigérienne et malienne décidées par les autorités algériennes sous une très forte pression internationale ? Les Subsahariens refoulés du Maroc trouvent toujours un moyen d'y revenir, via la frontière algérienne ou par le biais des transporteurs du Polisario qui sillonnent la zone tampon séparant nos provinces sahariennes récupérées des camps de Tindouf et Lahmada.Mieux encore, nombre de jeunes Subsahariens ont abandonné leur rêve de gagner l'Europe et semblent décidés à s'installer pour longtemps au Maroc. « Le pays est en train de passer d'un pays de transit vers l'Eldorado espagnol et européen à un pays d'immigration comme tous les autres. », constate un agent de police r'bati, Rabat et Casablanca offrent sans doute l'exemple le plus édifiant à cet égard. Rabat l'Africaine Du quartier populaire Yacoub El Mansour sur le flanc sud-ouest de la capitale, jusqu'aux arrondissements de Youssoufia Takaddoum sur le flanc est, en passant par les quartiers El Akkari, Diour Djamâa, Agdal, l'ancienne Médina et le centre-ville, Rabat offre incontestablement l'image d'une cité de refuge pour les milliers de Subsahariens qui s'apprêtent à gagner l'Europe. Dans cette ville qui se targue d'abriter la plus importante communauté africaine installée au Maroc, constituée essentiellement d'étudiants dans toutes les branches universitaires et les grandes écoles privées, de cadres supérieurs en formation, sinon de diplomates africains accrédités auprès du Royaume, la présence de ressortissants africains est aujourd'hui une réalité vécue au quotidien. Au quartier El Kamra par exemple, à l'entrée à quelque 200 mètres de la fameuse Cité du Savoir (Madinat El Irfane), ils sont déjà quelques centaines de jeunes Africains à avoir élu domicile. A. El Achbab, fils du quartier et agent immobilier de son état, nous fait ce constat : “Ils louent des appartements de fortune, pour moins de 800 DH par pièce. Ils s'y installent par vingtaine et même plus. Lorsqu'on leur demande s'ils ne sont que de passage, ils affirment le contraire. Ils sont là pour vivre définitivement au Maroc.” D'autres habitants d'El Kamra affirment que “nombre d'entre eux sont inscrits à l'université, sinon dans des écoles privées qu'ils n'ont jamais fréquentées. Ils cherchent du travail ou s'adonnent carrément à la mendicité. Le plus important pour eux est de tirer le meilleur profit de l'hospitalité et de l'esprit de confraternité musulmane dont les Marocains font preuve à leur égard”. Les métiers dont les Marocains ne veulent pas ! Plus loin encore, au quartier Douar El Garâa, l'un des bidonvilles de la capitale, les Subsahariens sont légion. Ils peuvent s'y installer à dix ou quinze personnes “pour moins de 400 DH la pièce, et pas plus de 1000 DH pour louer toute la baraque”, constate encore notre agent immobilier. Leur principale préoccupation est de trouver un emploi stable et suffisamment rémunérateur. “Pour eux, le Maroc, c'est déjà l'Europe”. Le fqih Ahmed, un retraité qui passe l'essentiel de sa journée à jouer à “dama” avec ses nombreux compères habitués à se rassembler sous le mur de l'école primaire Soukaina Bent El Houcine, relève à juste titre que ces Africains sont prêts à pratiquer tous les métiers dont les jeunes Marocains ne veulent pas. “Tous les métiers que nos fils rejettent, comme celui du cordonnier du coin, celui de “Hammal”, transporteur ou vendeur ambulant aux portes du marché de gros”. Avisé, notre interlocuteur prévoit qu'un jour, “ils se mettront à vendre des cigarettes en détail, et s'il le faut, se transformeront en petits ou grands dealers de haschich, de boissons alcoolisées s'ils ne s'adonnent pas carrément à plusieurs métiers du monde”. Cordonniers, agents de construction ou mendiants S'agissant des métiers, le plus en vogue en ce moment est celui de cordonnier. Dans tous les quartiers populaires de la capitale, à Yacoub El Mansour, à Youssoufia en passant par El Akkari, les cordonniers africains installés au coin des rues sont visibles partout. Ils sont en général de jeunes Subsahariens qui, après avoir pris possession de leurs logements, ont choisi ce métier. Cela leur permet d'abord de vivre et surtout de mieux s'intégrer dans la société. Non seulement ils réparent les souliers des autres, mais fabriquent tout un éventail de sandales de fortune qu'ils vendent à des prix modiques. Autre métier, le travail au noir en tant qu'agents de construction dans des dizaines de villas en cours d'édification dans les quartiers chics de la ville : Agdal et Hay Riad pour les plus chanceux, mais aussi dans la banlieue à Témara et à Salé. Plusieurs entrepreneurs, cherchant visiblement à ne pas payer d'impôts, sont tentés d'utiliser cette main-d'œuvre bon marché et qui ne réclame aucune couverture sociale. Seuls sont épargnés pour le moment les métiers “stratégiques” telle la vente de cigarettes en détail ou encore la vente de haschich et de boissons alcoolisées sous le manteau. Les Subsahariens les évitent soigneusement de crainte d'entrer en conflit avec leurs homologues marocains, à défaut de tomber entre les mains de la police. Mais à défaut de trouver un métier, nombre d'entre eux s'adonnent tout simplement à la mendicité. Beaucoup de citoyens r'batis, en particulier dans les quartiers populaires, constatent d'ailleurs qu'il n'y a plus de petite ruelle dans les quartiers populeux de la capitale où l'on ne rencontre pas un ou deux jeunes Subsahariens en train de faire l'aumône. “Ils se réfèrent toujours à Allah, se déclarent musulmans et plusieurs d'entre eux commencent à parler couramment l'arabe dialectal marocain”, constate un jeune chômeur r'bati, irrité du fait que ces jeunes Africains commencent progressivement à remplacer les mendiants issus du terroir. “Même les femmes, les jeunes filles et les enfants, venus d'Afrique on ne sait par quel moyen, sont utilisés. Ils n'hésitent plus à mendier passant de quartier en quartier et de café en café. On les rencontre devant les mosquées, dans les souks et parfois même dans les bus”. D'autres préfèrent postuler pour des professions libérales. Travailler dans un hammam, dans une épicerie et même des cafés restaurants. “Ils font désormais partie intégrante de notre paysage social”, relève une jeune universitaire qui confirme que ceux parmi eux ayant une bonne formation ou forts d'un bon niveau d'instruction n'hésitent pas à frapper aux portes des banques et des compagnies d'assurance de la place. D'ailleurs, nombre de jeunes médecins et d'infirmiers ayant fui leurs pays d'origine dans l'espoir de pouvoir traverser le Détroit vers l'Europe viennent de présenter leurs demandes en bonne et due forme dans l'espoir d'être recrutés par le ministère marocain de la Santé après l'annonce par les autorités marocaines de leur prédisposition à recruter des médecins étrangers.