C'est officiel, le PI et l'USFP ont renoué contact. Au menu de leurs retrouvailles : les réformes institutionnelles profondes. De l'aggiornamento organisationnel, à la vérité sur l'assassinat de Ben Barka, on a fait au sein du Conseil national de l'USFP le tour de l'actualité interne et politique. Dans la foulée, le « cas El Gahs » est remis à sa juste mesure. Il était 2 heures du matin passée, ce samedi 29 octobre quand a pris fin la deuxième session du Conseil national de l'USFP. Après presque 11 heures de travaux continus, hormis un « répit de jeûneur » au moment du ftour, c'est un Abdelouahed Radi, bien dans sa prestation de président chevronné qui déclare close la réunion. Tenue sous le signe du 40ème anniversaire de la disparition du père fondateur et l'inspirateur de l'USFP, l'ex-UNFP, fondée un certain jour de janvier 1959 par M. Ben Barka, enlevé le 29 octobre 1965 en plein Paris. D'ailleurs de longs paragraphes, où le recueillement le dispute à l'engagement, où la politique est conjuguée au sens du devoir, et de la fidélité, ont été d'entrée de jeu, réservés par Mohamed Elyazghi à ce souvenir douloureux. Après 40 ans de la disparition de M.B.B, des milliers de textes et d'écrits et à quelques encablures de la fin de l'année, date à laquelle l'Instance équité et réconciliation (I.E.R) doit rendre la copie finale de «ses vérités sur les disparitions forcées», l'USFP revendique «la vérité totale sur l'assassinat». Une manière de perpétuer une ligne de conduite, érigée en dogme chez le célèbre disparu, faisant «de la politique de la vérité la seule vraie politique». Mais également de signifier que l'avenir «de la transition démocratique ne peut se faire avec l'impasse sur la mémoire». Décidément, le premier secrétaire du parti fait acte d'un principe fédérateur sans faille. A voir l'ampleur de la célébration du 40e anniversaire de la disparition de feu M.B.B, l'importance accordée à l'événement et surtout le sens que lui confère le discours de la nouvelle direction, on se rend compte que le retour éternel du père fondateur éclaire, et le sens de l'avenir et l'appartenance socialiste. Pour réussir le présent, il n'y a pas lieu de faire l'économie de la vérité. Autre contexte, autre signification : l'USFP, membre du gouvernement, garde bien ses positions de parti autonome quand il s'agit des «décisions phares», comme l'a souligné un membre du bureau politique. Et d'ajouter «les motions moratoires se suivent et se ressemblent et aucune avancée n'a été, jusqu'ici, réalisée pour faire toute la lumière sur l'assassinat ». Avec les rumeurs qui courent, on craint dans les rangs de l'USFP que l'IER ne révèle rien de la plus mystérieuse des affaires de l'Etat du Maroc contemporain. Dans sa livraison du même samedi 29 octobre, Al Ittihad Al Ichtiraki, l'organe arabophone de l'USFP se demande : « quand l'Etat assumera-t-il sa responsabilité ? » et «révélera au grand jour la stricte vérité». Edifiant sur l'esprit qui anime, à ce propos, les socialistes Marocains. Or, il n'est guère question d'un débat rivé sur le passé qui a été au cœur du Conseil national. Loin s'en faut. L'USFP, a étalé ses cartes à propos des révisions et amendements jugés «institutionnellement profonds» pour avancer sur le chemin de la démocratisation. Réformes C'est décidé, et officiellement annoncé par le premier des socialistes : USFP et le parti de l'Istiqlal semblent rompre le froid qui marquait leurs rapports. « Nous avons décidé de relancer, avec nos alliés de toujours, les concertations communes en vue d'accorder nos violons et nous mettre d'accord sur la nature et la portée de ces réformes», note un intervenant. Pour, Mohamed Elyazghi : «l'USFP et ses alliés travaillent ensemble afin d'élaborer une vue générale sur les révisions qui s'imposent». Si aucun timing n'est explicitement délimité, les contours de ces réformes sont, inlassablement déclinés par Elyazghi. Il y est justement question de l'institution de la primature, et ce n'est pas qu'une manière raffinée de défendre beaucoup plus de pouvoir au chef du gouvernement, des prérogatives de la deuxième chambre, des nominations aux hautes fonctions publiques et autres mesures dont la nature est de mettre un terme à « un consensus technocratique », déjà perçu comme une forme « achevée », et qui ne fait plus son temps, et revenir à un gouvernement aux couleurs politiques. A ne pas en douter : moins de deux semaines après le discours du Roi à l'ouverture de la session parlementaire d'octobre, les « réformes institutionnelles profondes », adoptées et revendiquées par les deux grandes formations de la Koutla tirent tout leur sens du même discours. Et, à vrai dire, les perspectives qui se dessinent offre une grande chance aux deux partis, l'USFP et le PI, de renouer contact. Plus, de tourner une page pas très enthousiasmante de rapports très contrastes. Où en est-on au juste ? A cette question, une réponse sans ambages. « Nous avons réellement passé le cap des discussions exploratoires », reconnaît ce membre du bureau politique qui a requis l'anonymat. Et d'ajouter dans une déclaration à LGM « Les réunions et travaux de commissions mixtes, USFP-PI, ont beaucoup avancé. Un mémorandum verra très bientôt le jour ». Mémorandum? le mot fait rêver et aiguise, surtout, les souvenirs du beau vieux temps où l'USFP et le PI avançait de concert. Pour ce membre du Conseil national «il renvoie au temps de si Abderrahim Bouabid et Me M'hamed Boucetta». Effectivement, en 1991, les deux vétérans de la politique nationale, à l'époque chefs respectifs du parti socialiste et nationaliste, avaient présenté un mémorandum à Feu Hassan II. Des revendications constitutionnelles jugées de taille y ont été détaillées, et ont donné lieu, deux années durant, à des pourparlers, ajustements et autres documents communs. Une première réforme constitutionnelle est annoncée par le Roi défunt en 1993, sans pour autant arriver à convaincre l'USFP du moment, de ses tenants et aboutissants. Il fallait attendre 1996 pour qu'une deuxième réforme suscite un plébiscite de la classe politique, parti socialiste compris. La suite est connue. On en retient spécialement la désignation d'Abderrahmane Youssoufi, à l'époque premier secrétaire de l'USFP à la tête d'un gouvernement dit d' «alternance consensuelle». Avec la perspective d'un nouveau mémorandum, tous les espoirs sont nés, sinon ressuscités de voir le duo PI-USFP se requinquer et se donner une nouvelle allure. Déjà en 1993, des candidatures communes ont fait l'événement. En sera-t-il de même aux prochaines élections ? Rien n'est moins sûr. « Pour l'instant on se contente de faire chemin ensemble pour des réformes que nécessite une démocratisation plus avancée », tranche un membre du B.P. Et le cas El Gahs ? En attendant, l'USFP continue son lifting. Un aggiornamento organisationnel a pris forme, et des nouvelles dispositions et modalités de travail ont été introduites et mises en règle dans les faits : à noter surtout des commissions de travail, des réformes de fond qui touchent la relation entre la direction et les instances médianes. “Le statut du parti n'a pas été entièrement adopté”, précise un membre du Conseil. Et pour cause : «une commission statuera, durant un mois sur les mécanismes et les modes du fonctionnement du parti et remettra sa copie dans un délai maximum de 30 jours», renchérit-il. La preuve que «l'essentiel de la rénovation du parti est en cours et est loin des joutes oratoires». Allusion à Mohamed El Gahs, qui a défrayé la chronique par une série de déclarations et d'interviews ? «Il a été présent. Des plus de 40 intervenants, il n'y a pas eu un seul pour le défendre. Au contraire, ils ont été plusieurs, à l'image de Jamal Laghmani, M. Chawki et Lamrani… à lui lancer des piques, tantôt en clair, tantôt en décodé ». Fin d'une aventure ? Tout prête à croire que «l'incident El Gahs -comme l'a noté un jeune socialiste- est le dernier des soucis des militants ». On croit même déceler dans le discours du premier secrétaire des qualificatifs sans pitié. Entre autres : mégalomaniaques et tendancieuses gesticulations !