Initiatives de l'emploi Pour la première fois, un gouvernement tient des assises exclusivement dédiées à la question de l'emploi. Acteurs économiques et politiques, syndicats et patrons sont invités à débattre de ce mal endémique. Enjeux et résistances. Dans l'ordre des attentes des jeunes marocains, et partant de la population du Maroc, l'emploi occupe la première place. Etudes, pronostics et réalité quotidienne le confirment. Il n'était que grand temps qu'un gouvernement, le premier depuis des décennies, qui ose en débattre publiquement et y voir de plus près. Avec “les initiatives de l'emploi” qui auront lieu les 22 et 23 septembre courant, c'est désormais chose faite. L'état des lieux en la matière n'en milite pas moins pour un pessimisme qui fait “la matière première” dans le domaine social. Sur une période de trois ans, le taux de chômage a régressé de l'ordre de 3 %. Sur 13,8 %, seuls 10,8 % des demandeurs d'emplois au niveau national peinent à trouver leur place sur le marché. Les jeunes sont plus affectés que les autres franges de la population. En 2004, le chômage affecte 15,4 % de nos jeunes. Cette différence est d'autant plus alarmante que le chômage a touché 18,4 % dans les villes marocaines. Plus : ce taux augmente avec le niveau du diplôme décroché. Les chiffres donnent le vertige : 7,7 % des chômeurs sont non-diplômés. Mais 28,1 % ont des diplômes moyens et 61,2 % sont de niveau supérieur. Au-delà des statistiques, et peut-être au cœur même des chiffres, l'enjeu porte sur l'inadéquation entre la formation et le marché de l'emploi. Voire, entre le système productif de l'entreprise et le système éducatif que tous les ingrédients indiquent qu'il est désormais devenu contre-productif. Les dernières années ont été généralement fécondes en matière d'études, de débats et d'initiatives pour mettre à niveau un cursus frappé, au mieux d'un immobilisme, au pire d'un anachronisme générateur de tension. Pour résorber le problème de l'emploi, il faut cependant en plus de la formation, renforcer la capacité du tissu socio-économique. A ce niveau-là, les assises statueront sur l'initiative qui sera présentée par le ministère de H. Malki baptisé «reconversion de qualification», où des formations d'adaptation à la qualification seront proposées. Histoire Le chômage au Maroc a certainement sa petite histoire que les différents acteurs, pour accorder leurs violons, sont contraints de revoir, sinon revisiter. Jusqu'aux années 80, notre pays n'a pas été producteur de chômeurs. L'inertie imposée par les politiques d'ajustement structurel, les fameuses PAS, doublée d'un bond démographique notoire ont été, à bien des égards, les deux raisons majeures de l'incapacité d'insertion dans le monde de l'emploi. L'Etat, et en premier lieu la fonction publique, est devenu, à tort ou à raison, le premier employeur. Un réflexe est donc né, et est devenu un passage obligé pour toute politique « d'apaisement » social : la préférence pour la fonction publique. L'un des caractères endémiques du problème est effectivement cette irrépressible propension chez les chômeurs, les diplômés plus que d'autres, à revendiquer un «droit d'Etat». Au début des années 90, l'action publique animée davantage par le volontarisme que par la stratégie, a opté pour la création du Conseil national de la jeunesse et de l'avenir (CNJA), alors présidé par l'actuel ministre de l'Enseignement Habib Malki. Objectif déclaré : jouer la médiation entre le demandeur et les secteurs de l'emploi, tout en substituant aux mécanismes traditionnels (bureau de placement !) un nouveau canal d'intégration. Hormis un travail “statistique” rangé au fond du tiroir, le CNJA n'a rien changé à la donne sociale alarmante. Pire, les autres structures qui ont vu le jour, par la suite, n'ont pas su actualiser les données recensées pour contribuer à résorber le problème. Résultat La culture du résultat, faut-il le souligner, n'a jamais été le fort de nos structures. D'autant plus que l'emploi a été, quatre décennies durant, le parent pauvre du débat national. Désormais, avec l'arrivée des dizaines de milliers de chômeurs sur le marché du travail –et qui sont autant de facteurs conflictuels- la question, devenue plus qu'incontournable, a introduit des nouveaux processus de réflexion. En d'autres termes : d'autres tandems de débat. L'un des plus fondamentaux : croissance et emploi. Eu égard aux caractéristiques et tendances lourdes surtout celles qui ont marqué l'évolution du rapport emploi-chômage depuis les années 80, la croissance économique est perçue, effectivement, comme étant la clé de voûte de la création de l'emploi. Or, pour des raisons à la fois macro et microéconomiques dont la sauvegarde des équilibres fondamentaux et le respect des engagements internationaux en matière économique, le taux de croissance est resté sur un trend de 3 %. Avec les réformes que toutes les instances s'accordent à qualifier de «structurantes», un autre scénario, plus optimiste, est possible. Réaliser un palier de croissance de l'ordre de 6 % nous permettrait, selon différentes études et autres projections, d'atteindre un taux de chômage de l'ordre de 5 %. Une révolution, donc. Reste à savoir pourquoi, ni les réformes entreprises, ni les défis en perspective, n'y ont rien fait. Souvent, la classe entrepreneuriale, soulève sa relation avec l'Etat, en matière de contrebande, du secteur informel, de la corruption, de la justice et surtout la mise en application de la loi de la concurrence déjà adoptée. Pour la CGEM, à laquelle on reproche sa frilosité dans l'engagement dans la lutte contre le chômage, il faut “installer des règles nouvelles”. Inédit En contrepartie, le gouvernement semble avoir déjà peaufiné son plan d'action à présenter aux différents acteurs basé sur une étude du marché étalée sur 6 mois; un travail coordonné par le premier ministre, dégage ce que l'on appelle à la primature “le noyau dur” des initiatives. Il consiste à revoir les courroies de médiation publique, Anapec en tête : la création de très petites entreprises dont la cheville ouvrière reste le système bancaire et l'aide à l'embauche et à l'accès au premier emploi.